Undefined Technologies, une startup floridienne, vient de dévoiler le Silent Ventus, un concept de drone unique en son genre. Au menu : peu de bruit et zéro émission de carbone. “Silent Ventus est un exemple révélateur de notre ambition de créer un environnement urbain plus durable, progressif, et moins bruyant”, explique Tomas Pribanic, PDG de l’entreprise dans un communiqué repéré par Interesting Engineering.
Et pour se donner les moyens de concrétiser cette ambition, Undefined Technologies a choisi de miser sur une technologie extrêmement surprenante pour un engin de ce type : la propulsion ionique. Techniquement, il s’agit d’un mode de propulsion électrique; mais il ne s’agit pas de faire tourner un rotor, par opposition aux moteurs strictement électriques. Ici, le courant sert à accélérer des ions (un atome ou une molécule qui porte une charge électrique) à très grande vitesse pour générer une poussée.
La propulsion ionique atmosphérique, un sacré défi d’ingénierie
Lorsque l’on pense aux propulseurs ioniques, on pense immanquablement aux sondes spatiales. Ces dernières sont souvent équipées de moteurs basés sur ce concept. Ceux qui sont construits dans ce but précis produisent une poussée extrêmement faible, mais avec un rendement exceptionnel; dans le vide de l’espace, où il n’existe quasiment aucune force susceptible de s’opposer à l’avancée du véhicule, ils permettent à ces engins de parcourir des distances immenses en embarquant très peu de ressources.
En revanche, sur une planète comme la Terre, elle devient soudainement bien plus compliquée à exploiter. À cause de la très faible poussée délivrée par ces propulseurs ioniques, il est traditionnellement difficile de surmonter la résistance de l’air et l’appel de la gravité qui cherche à clouer l’engin au sol; c’est en grande partie à cause de ces forces que la propulsion ionique n’est pas utilisée sur Terre.
Pourtant, c’est bien ce que revendique Undefined Technologies avec son drone. “Silent Ventus utilise une technologie propriétaire pour tirer parti du nuage d’ions qui entoure le véhicule afin de générer une poussée importante dans l’atmosphère”, affirme le communiqué. En revanche, même s’il s’agit bien de propulsion ionique stricto sensu, le concept de base est très différent. (Merci à Oygron pour cette distinction importante!)
Le propulseur utilisé par Undefined Technologies mise sur l’effet Biefield-Brown; sans rentrer dans le détail, il s’agit en substance d’un corollaire des moteurs ioniques utilisés par les sondes spatiales. Le problème, c’est que cette approche produit des résultats radicalement opposés à certains niveaux.
On le constate notamment au niveau du rendement; même dans les meilleurs des cas, le rendement est ici extrêmement faible (voir cette étude) alors qu’il constitue l’argument principal de la propulsion ionique appliquée aux véhicules spatiaux. Il est même largement inférieur à celui des moteurs électriques et à ergols traditionnels.
Cela n’a pas empêché la firme de pousser le concept relativement loin. En décembre 2021, la startup a dévoilé une démonstration technique qui a servi de preuve de concept; elle a montré que son premier prototype était effectivement capable de se maintenir en altitude à la seule force de ses propulseurs ioniques pendant 2 mn 30 (voir la vidéo ci-dessus). Un petit exploit que les ingénieurs de la firme ont réalisé en moins d’un an de travail sur cette technologie… mais cela en vaut-il vraiment la peine ?
Une piste plus raisonnable que la motorisation électrique ?
En effet, ce segment est pour l’instant dominé par des concepts d’ appareils équipés de moteurs électriques traditionnels. Or, de nombreux observateurs se montrent très critiques quant à la pertinence de cette approche. Elle implique d’embarquer des batteries par définition très lourdes; un paradoxe qui ne fait pas bon ménage avec les contraintes traditionnelles de l’aéronautique, et qui a des conséquences importantes sur la rentabilité énergétique de ces engins.
Est-ce donc bien pertinent de creuser encore davantage cette piste encore moins bien lotie que la propulsion électrique standard en termes de rendement ? La startup estime que oui, car cette technologie présente tout de même quelques avantages, en particulier en termes d’intégration à l’environnement urbain.
Les eVTOL traditionnels ont par exemple tendance à être très bruyants, ce qui est tout sauf idéal dans un environnement urbain dense. La propulsion ionique, elle, est plus discrète avec environ 70 dB à plein régime, soit à peu près le bruit d’une machine à laver en fonctionnement. A titre de comparaison, les eVTOL comme celui de Joby émettent régulièrement plus de 90 dB, soit un bruit comparable à celui d’une tondeuse à gazon.
Cela suffira-t-il à encourager l’émergence d’autres projets à base de propulsion ionique ? Il est encore trop tôt pour l’affirmer, d’autant plus que la startup n’a même pas encore proposé de prototype plus abouti que sa preuve de concept initiale.
[Mise à jour 04/05 à 18h50 – Une partie de l’article a été réécrite afin de faire la distinction entre la propulsion ionique appliquée aux sondes spatiales et celle utilisée par Undefined Technologies. Merci à Oygron !]
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Le gros problème est le dégagement d’ozone, il n’y a pas moyen de l’éviter, ni de le filtrer…
Bonjour,
Il s’agit ni plus ni moins d’un “ionocraft” ou “lifter”, qui n’a pas grand chose à voir avec la propulsion ionique des satellites, à part l’éjection d’ions.
Le rendement de ce type de propulsion est absolument ridicule (contrairement aux moteurs spatiaux qui n’utilisent pas le même effet). On est aujourd’hui dans les 2,5% de l’énergie convertie en poussée, avec des espoirs théoriques d’avoisiner les 50% si le flux d’air est déjà rapide (c’est à dire pour des avions à voilure fixe, totalement le contraire des drones dont il est question ici). Tandis qu’un propulseur à hélice a un rendement de 70% minimum. Donc ça n’est absolument pas une histoire de rendement qui donne un intérêt à cette techno. Undefined Technologies ne prétend d’ailleurs pas du tout avoir des bons rendements, juste être moins bruyants que les hélices.
Ils sont drôles avec leur « tirer parti du nuage d’ions qui entoure le véhicule ». L’effet Biefeld-Brown qu’ils utilisent génère ses propres ions à partir de l’air ambiant, et encore heureux, car vu la quantité ridicule d’ions qu’il y a dans une atmosphère standard, ils ne pourraient pas se propulser.
Ils ne prétendent pas non plus n’émettre aucun gaz à effet de serre, juste être zéro carbone. En effet, ils n’émettent pas de CO₂ (aucun autre drone électrique n’en émet d’ailleurs…), mais par contre ils génèrent d’autres gaz. Suivant la polarité des électrodes, ça va produire soit de l’ozone soit des composés azotés (NOx, N₂O…). Or l’ozone est un gaz à effet de serre puissant quand il est près du sol (à ne pas confondre avec celui de la couche d’ozone), tout en étant un polluant néfaste pour nos voies respiratoires. Idem pour le protoxyde d’azote pour l’autre polarité.
Bonjour Oygron,
Merci de votre retour ! Les points que vous avez très justement soulignés par rapport à l’effet Biefield-Brown et au rendement ont été intégrés à l’article lors d’une mise à jour.
Bien cordialement et en vous remerciant de votre lecture,
Antoine Gautherie
C’était écrit ‘’silencieux’….. d-_-b!
Sur la photo de la nasa, le halo bleu n’est pas du à l’effet Cherenkov mais a l’émission de photons du plasma (d’argon sans doute)