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NASA : un nouvel alliage témoigne d’une “révolution” des matériaux

La science des matériaux fait partie des disciplines qui ont énormément bénéficié des avancées récentes en informatique, et la NASA n’a aucune intention de s’en priver.

Pendant de longues années, la question de la durabilité a été abordée d’une façon un peu particulière dans certaines branches de l’aérospatiale. À la grande époque des fusées à usage unique, on pouvait considérer qu’une pièce était “durable” si elle remplissait son rôle lors d’une seule mission.

Mais ce paradigme a bien changé aujourd’hui. À une époque où toute l’industrie ne jure que par les fusées réutilisables, il devient de plus en plus important de produire des éléments suffisamment robustes pour encaisser des contraintes terribles pendant plusieurs missions d’affilé. Et la NASA vient de faire un pas très important grâce au développement d’un nouvel alliage associé à une technique d’impression en 3D.

Un alliage fait maison aux propriétés exceptionnelles

L’alliage en question, baptisé GRX-810, fait partie des nombreux alliages expérimentaux de la NASA. En effet, l’agence ne fait pas que produire des fusées; elle dispose de nombreux laboratoires qui travaillent sur tous les aspects de la conquête spatiale jusqu’aux niveaux les plus fondamentaux. Et la science des matériaux n’y fait pas exception.

La NASA expérimente en permanence sur de nouveaux matériaux pour optimiser la durabilité et les performances de chaque élément. Récemment, elle a recommencé à s’intéresser à ce qu’on appelle des Oxide Dispersion Strenghthened Alloys, pour Alliages Renforcés par Dispersion d’Oxydes (ARDO).

Une vue au microscope d’une couche d’alliage renforcé par dispersion d’oxydes. Les granulations sur l’image correspondent aux nanoparticules d’oxydes.  © Northwestern University

Comme son nom l’indique, il s’agit d’un mélange complexe de métaux dans lequel les chercheurs ont dispersé des nanoparticules d’oxyde de métal. Ils sont notamment réputés pour leur résistance thermique et leur capacité à encaisser un stress mécanique important alors qu’ils sont étonnamment légers. De plus, il s’agit généralement de matériaux ductiles, c’est-à-dire qu’ils peuvent encaisser des déformations assez importantes sans rompre.

Naturellement, ce sont donc des matériaux très intéressants pour l’aérospatiale. Ils permettent aux ingénieurs de répondre à de nombreuses contraintes omniprésentes dans cette branche. Et à ce niveau, la NASA a tapé droit dans le mille avec GRX-810. Dans un communiqué, l’agence décrit un alliage assez exceptionnel.

Elle explique que son nouveau matériau est capable d’encaisser des contraintes terrifiantes sans broncher. À environ 1100°C et soumis à un stress mécanique intense, il serait encore “deux fois plus résistant à la fracture” et “1000 fois plus durable que les meilleurs alliages” actuellement utilisés dans cette industrie ! Il est donc parfaitement capable d’encaisser des contraintes dantesques, comme celles qui règnent dans la chambre de combustion du moteur-fusée.

Le développement des approches informatiques basées sur la modélisation contribuent à accélérer la recherche  dans de nombreux secteurs, dont la science des matériaux © Manuel – Unsplash

La modélisation comme moteur d’une “révolution

Pour développer cet alliage révolutionnaire, la NASA a commencé par réaliser de nombreuses simulations thermodynamiques qui ont été optimisées au fil des itérations. Grâce au développement de nouvelles techniques d’ impression 3D, ils ont ensuite pu tester rapidement la viabilité de ces différents modèles afin d’ isoler les plus prometteurs.

Une combinaison gagnante qui a changé le quotidien des chercheurs; désormais, plus question de passer un temps fou à tâtonner au hasard sans garantie de résultats. “Ces processus ont drastiquement accéléré la vitesse de développement de ces nouveaux matériaux”, explique Tim Smith, chercheur en science des matériaux à la NASA.

Les chercheurs en sciences des matériaux se retrouvent donc dans une situation comparable à celle des biologistes structuraux. Leur discipline a été mise sens dessus dessous par AlphaFold, une IA qui a révolutionné la science des protéines avec une approche vaguement similaire (voir notre article).

Comme chez leurs collègues biologistes, cette approche basée sur la simulation change largement la donne pour les ingénieurs de la NASA. “Ce qui nous prenait des années d’essais empiriques, nous le faisons maintenant en quelques mois, voire semaines”, explique Hopkins. “Cette avancée est révolutionnaire pour le développement des matériaux”, affirme-t-il sans détour”.

Quand la science des matériaux progresse, c’est toute l’aérospatiale qui en bénéficie et qui se rapproche de nouveaux sommets. © SpaceX-Imagery – Pixabay

Des progrès de plus en plus rapides

Et il ne s’agit probablement que d’un début. Dans ce cas précis, son équipe n’a eu besoin que d’une trentaine de simulations pour optimiser la recette de GRX-810. Cela suggère qu’il y a encore largement matière à découvrir des combinaisons encore plus prometteuses, avec tout ce que cela implique pour les performances des véhicules.

Les performances de cet alliage démontrent clairement la maturité des outils de modélisation et leur capacité à produire des résultats significatifs”, explique Steve Arnold, ingénieur en science des matériaux à la NASA.

Il y a donc de quoi être enthousiaste; la progression rapide de l’approche calculatoire dans cette discipline autrefois exclusivement empirique et très chronophage aura sans aucun doute des conséquences très concrètes à moyen terme. On peut donc s’attendre à ce que les ingénieurs aient bientôt accès à des matériaux encore plus révolutionnaires que GRX-810 pour concevoir des engins toujours et performants, y compris en dehors de l’aérospatiale.

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Source : NASA

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