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Cette micro-imprimante est construite en ADN et s’assemble toute seule

Même s’il est encore assez rudimentaire en l’état, ce concept pourrait transformer de nombreuses niches industrielles en profondeur.

L’ADN, est un vrai petit bijou de bio-ingénierie. Il est exceptionnellement stable, ce qui en fait un support de choix pour les informations génétiques. Il dispose aussi de particularités structurelles qui lui permettent d’interagir avec d’autres éléments. Et ces propriétés peuvent aussi être détournées par des bio-ingénieurs particulièrement rusés; car une fois isolé du reste de la machinerie cellulaire, l’ADN n’est ni plus ni moins qu’une véritable brique LEGO microscopique.

À condition d’avoir de la suite dans les idées, il est ainsi possible de réaliser des constructions à la fois ridiculement petites, mais aussi étonnamment complexes; de nombreux chercheurs ont déjà imaginé des concepts de micromachines construites rien qu’avec de l’ADN. Le concept n’est pas nouveau, loin de là; mais le développement de nouvelles techniques de simulation et de modélisation est en train de changer considérablement la donne.

Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil aux impressionnants travaux de l’équipe du biophysicien Erik Benson, affilié à la prestigieuse université d’Oxford. Ils travaillent sur un concept aussi intrigant que fascinant : produire des micromachines fonctionnelles à base d’ADN capables de s’assembler toutes seules. Et récemment, leurs expérimentations ont franchi un nouveau cap : ils sont parvenus à produire une véritable micro-imprimante fonctionnelle, composée exclusivement d’environ 18,000 paires de bases d’ADN !

L’ADN, une brique LEGO pour bio-ingénieurs

Pour y parvenir, les chercheurs ont commencé tenter de répliquer des mécanismes qui existent déjà dans l’industrie à l’échelle macroscopique, mais à l’échelle microscopique et uniquement sur la base de l’ADN. Ils ont notamment réussi à produire une structure qui fonctionne comme un moteur capable de se déplacer sur un axe.

L’équipe a ensuite utilisé ce concept dans leur imprimante. Ils ont intégré ces petits biomoteurs à une tête d’impression qui peut ainsi se déplacer sur un axe central. Celui-ci est également motorisé et monté sur une paire de rails constitués d’ADN; la tête peut ainsi se déplacer sur deux axes, comme dans une imprimante traditionnelle.

Les chercheurs ont ensuite recours à de petits fragments d’ADN et d’ARN (plus précisément, des oligonucléotides) spécialement préparés pour l’occasion; ces oligonucléotides-signal sont interprétés par le système comme des instructions qui permettent de définir la position de la tête.

Une fois bien en place, la tête peut alors catalyser une réaction chimique qui permet de “modifier sélectivement des “pixels” sur un canevas” avant de se déplacer vers le pixel suivant pour répéter l’opération.

ADN
© Sangharsh Lohakare – Unsplash

Une structure qui s’assemble toute seule

Réussir à produire un tel assemblage à cette échelle est déjà une petite prouesse technologique en soi. Car pour y parvenir, les chercheurs n’ont évidemment pas pu se munir de leurs pincettes pour assembler les différents éléments à la main. En effet, l’ADN a beau être une molécule assez simple chimiquement parlant, cela ne signifie pas pour autant qu’il est facile de l’assembler.

La structure des protéines est une problématique infiniment complexe. Elle est régie par une multitude de facteurs très subtils. Certes, nous disposons de connaissances avancées sur certains mécanisme; mais dans l’ensemble, nous sommes encore relativement loin de comprendre leur dynamique à l’échelle globale. Les chercheurs remplacent donc progressivement les anciennes méthodes d’analyse empirique, chronophages et éprouvantes, par des méthodes calculatoires basées sur des simulations informatiques.

C’est cette approche qui a permis à Alpha Fold de révolutionner complètement cette discipline en proposant un immense catalogue de la structure des protéines (voir notre article). Et dans le cas de cette imprimante, les chercheurs ont également eu recours à la simulation pour les aider.

Pour éviter de devoir tenir compte de toutes ces interactions complexes, ils utilisé l’informatique et la simulation. Leur objectif : produire un système capable de s’assembler tout seul, sur la seule base des lois de la physique qui régissent la structure des molécules et des protéines. “C’est comme un puzzle magnétique”, explique Erik Benson dans une interview à Interesting Engineering. “Si le système est bien conçu, les pièces se trouvent entre elles toutes seules”.

Pour l’instant, cette imprimante est encore assez rudimentaire. Mais il s’agit néanmoins d’une preuve de concept très impressionnante. Car à terme, Benson et son équipe espèrent bien parvenir à un système capable d’ “imprimer” directement des molécules très complexes.

Des systèmes de ce genre pourraient transformer la bio-ingénierie en profondeur, avec des applications dans de nombreuses niches industrielles dont la branche pharmaceutique. © Myriam Zilles – Unsplash

Le futur de la bio-ingénierie ?

Et c’est une perspective très enthousiasmante. En effet, ces molécules complexes sont au cœur de nombreux processus industriels de pointe; elles servent notamment à la conception de produits pharmaceutiques vitaux. Le problème, c’est qu’elles sont très compliquées à obtenir. Leur production repose aujourd’hui sur des procédés industriels extrêmement lourds, complexes et chers. Et comme dans toute industrie, cette production compliquée rend les produits finaux plus chers et moins accessibles.

À ce niveau, une minuscule bio-imprimante pourrait complètement changer la donne; pas besoin d’être un grand spécialiste pour comprendre qu’il serait beaucoup plus simple de partir d’un simple cocktail de molécules, de la laisser s’autoassembler en imprimante, puis de lui dispenser des instructions en y ajoutant juste ce qu’il faut d’oligonucléotides signal.

En plus d’être beaucoup plus simple à l’usage, cette technique présente un autre avantage déterminant par rapport aux autres procédés industriels lourds : l’extensibilité. Au lieu d’investir dans une machine à la pointe de la technologie, il suffirait d’augmenter la quantité de solutions initiale pour générer davantage d’imprimantes, ou tout autre mécanisme autoassemblé de ce type.

À l’heure actuelle, cette technique est encore loin d’être assez mature pour envisager des applications à grande échelle. Mais une fois qu’elle le sera, nous assisterons probablement à une transformation profonde de certaines branches de l’industrie, même s’il est encore trop tôt pour dresser une liste exhaustive des implications concrètes. Et tout ça grâce à la même molécule qui permet de préserver notre patrimoine génétique !

Le texte de l’étude est disponible ici.

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