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Pour la première fois, la NASA a “holoporté” un médecin à bord de l’ISS

Même si envoyer des humains en orbite relève aujourd’hui presque de la routine, ce n’est pas forcément souhaitable; dans certains cas, il pourrait être plus avantageux d’y expédier un double virtuel, et la NASA s’y essaye déjà.

Jean-Luc Mélenchon n’a qu’à bien se tenir. Si le représentant furibard de la France Insoumise avait fait forte impression avec ses fameux meetings holographiques, la NASA a encore un train d’avance. Elle vient de révéler qu’un médecin avait été “holoporté” à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS) en 2021.

Bien évidemment, il ne s’agit pas d’une téléportation physique. Il s’agit d’hologrammes, c’est-à-dire des images numériques délivrées en format 3D. À bord, les astronautes ont pu interagir avec ces hologrammes comme s’il était présent – la fidélité visuelle et le contact physique en moins, bien entendu.

C’est un tout nouveau moyen de communication sur de longues distances”, explique Dr Joseph Schmid, chirurgien de bord pour la NASA et codirecteur du programme. “De plus, c’est aussi une nouvelle méthode d’exploration; notre entité humaine est capable de voyager loin de la planète. Notre corps n’est pas là physiquement, mais notre entité humaine l’est incontestablement.”

Cela permet donc de reconstruire un semblant de contact humain dans cette boîte isolée dans le vide de l’espace. C’est particulièrement pertinent dans les cas où il existe une relation privilégiée, comme avec un médecin ou un membre de la famille. “Et peu importe si la station voyage à plus de 28.000 km/h en orbite à 400 km au-dessus de la Terre”,  précise Schmidt.

Toute l’équipe de recherche au complet. © ESA / Thomas Pesquet

Un système basé sur la réalité augmentée

L’intérêt est donc assez évident. Mais c’est aussi un projet très intéressant d’un point de vue strictement technique. Tout commence avec une technique de capture d’image bien particulière. Elle inclut de nombreuses étapes de traitement qui permettent de reconstruire, de compresser et enfin de transmettre un flux 3D d’une personne.

L’équipe médicale ainsi scannée a pu être autoportée à bord de la station le 8 octobre dernier. Mais cela ne signifie pas que l’image d’un escadron de blouses blanches est apparue au beau milieu de l’ISS comme par magie. Contrairement à la conception traditionnelle des hologrammes, y compris l’expérience de Mélenchon, le destinataire doit également être équipé.

En l’occurrence, c’est notre Thomas Pesquet national qui s’est prêté au jeu. Il a dû revêtir une paire d’Hololens, des lunettes à “réalité mixte” produites par Microsoft. L’engin est un petit bijou de technologie bardé de capteurs; et il a permis à Pesquet leur parler, mais aussi de les écouter et d’interagir avec eux.

La solution logistique du futur

Le concept en lui-même n’est pas nouveau, mais c’est la première fois qu’il est utilisé dans le cadre d’une application pratique de cette envergure. Pour la NASA, il s’agit d’une première étape très encourageante qui ouvre la voie à une utilisation plus fréquente de cette technologie lors de futures missions spatiales.

Nous utiliserons ces hologrammes pour des conférences médicales et psychologiques privées, pour des entrevues privées avec la famille, et pour amener des VIPs à bord de la station pour qu’ils puissent rendre visite aux astronautes”, explique la NASA dans son communiqué. Mais il ne s’agit pas que de confort et d’opérations de routine; la portée de cette technologie est immensément supérieure à ces applications de base.

Car même si les astronautes sont des professionnels surqualifiés dans tout un tas de domaines qui vont de la biologie à la physique fondamentale en passant par l’ingénierie, il y a quand même des cas de figure où ils sont impuissants. Dans ces rares cas, la possibilité d’inviter un formateur d’élite ou un ingénieur spécialisé à bord de la station sans devoir le soumettre à un entraînement incroyablement rigoureux n’a tout simplement pas de prix.

Imaginez que vous puissiez inviter le meilleur instructeur, ou alors l’ingénieur qui a conçu un système complexe pour vous accompagner dans le cadre de vos travaux”, explique Schmid, songeur. Et il ne s’agit pas que d’une présence abstraite. La NASA s’attend à de gros progrès sur le développement des technologies haptiques, qui simulent le toucher et l’interaction physique.

Envoyer des humains dans l’espace fait presque partie de la routine aujourd’hui, mais cela reste une logistique très lourde qu’il y a tout intérêt à éviter lorsque c’est possible. © SpaceX

De l’image au “télétravail spatial”

Lorsque l’on pourra combiner la réalité augmentée avec ces technologies haptiques, nous pourrons travailler sur un même appareil en même temps. C’est un peu comme deux chirurgiens de classe mondiale qui travaillent ensemble”, explique Schmidt. Et la comparaison est d’ailleurs particulièrement pertinente.

En effet, des technologies de télécommunication fine permettent déjà à des chirurgiens d’opérer en tandem sur un patient situé à l’autre bout de la planète; il existe donc déjà des bases technologiques solides sur lesquelles construire. “Cela rassurerait tout le monde de savoir que les meilleurs spécialistes peuvent travailler ensemble sur un même équipement critique”, renchérit Schmid.

À terme, on peut même imaginer que les structures comme l’ISS accueillent un escadron de robots humanoïdes. Ceux-ci pourraient alors être contrôlés à la demande par un opérateur sur Terre afin de réaliser des tâches physiques à bord de la station.

Il y a donc de quoi être enthousiaste. Car dans l’ensemble, ces technologies ressemblent fort à une sorte de suite logique, par opposition au déplacement physique qui n’est pas toujours adapté à toutes les situations. Il ne fait donc aucun doute que la NASA reviendra bientôt avec de nouveaux éléments susceptibles de faire progresser cette technologie fascinante.

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Source : NASA

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