Alors qu’il est documenté partout dans la littérature scientifique depuis des années, le cancer continue de représenter un problème de santé publique majeur. Mais ces dernières années, nous avons assisté à une accélération significative de la recherche dans ce domaine. Entre les pistes liées à l’IA, les approches robotiques dernier cri ou le développement de solutions diagnostiques de dernière génération, l’horizon commence à s’éclaircir autant pour la détection que pour le traitement.
Et aujourd’hui, ce sont des chercheurs américains qui le prouvent une nouvelle fois. Des scientifiques de l’université du Michigan ont présenté de très beaux travaux au cours desquels ils sont parvenus à “écraser” des tumeurs à distance chez des souris.
Le concept n’est pas nouveau; aujourd’hui, près de la moitié des cas de cancer sont traités par des techniques non invasives. Les médecins se servent souvent des rayons X. A faible dose, ils sont au cœur d’une technique d’imagerie médicale bien connue qui permet d’explorer l’intérieur du corps.
Mais à haute dose, ils sont aussi particulièrement nocifs pour les cellules. Une propriété qui impose de les manier avec précaution, mais qui permet aussi de les “militariser” pour endommager une tumeur. On parle alors de radiothérapie.
C’est une approche souvent utilisée en complément des autres techniques comme la chimiothérapie ou l’immunothérapie. Elle est très intéressante en termes cliniques puisqu’elle est plus ciblée que ces dernières, et donc souvent moins traumatisante pour le reste de l’organisme.
Mais malgré ses avantages, la radiothérapie reste tout de même relativement dangereuse pour les tissus sains. L’objectif de nombreux chercheurs est donc de développer une technique non invasive à l’efficacité comparable, mais capable de cibler spécifiquement les cellules cancéreuses en limitant les dégâts collatéraux.
Des mini-détonations ultra contrôlées
En l’occurrence, les chercheurs de l’Université du Michigan ont suivi la piste des ultrasons; on parle alors d'”histrotripsie”. C’est une idée qui a déjà été explorée à plusieurs reprises, comme dans ces travaux de 2019. Mais il s’agissait souvent de travaux relativement abstraits; cette fois, ils ont développé un prototype d’appareil fonctionnel qui pourrait bientôt être intégré à des protocoles de traitement.
Une fois positionné précisément à l’extérieur du corps, l’engin permet de bombarder une tumeur d’ultrasons. Précisons cependant qu’il ne s’agit pas d’une destruction thermique, mais mécanique; autrement dit, il ne s’agit pas de “cuire” la tumeur, mais de l’écraser sans même la toucher.
Pour y parvenir, les chercheurs jouent sur le principe physique de la cavitation. C’est un phénomène complexe qui joue un rôle très important en mécanique des fluides. Très sommairement, le concept repose sur une différence de pression. Lorsque la pression d’un liquide passe sous un certain seuil à un endroit donné, il est brièvement forcé de retourner à l’état gazeux. On assiste alors à la formation d’une bulle qui finit par imploser, donnant lieu à une onde de choc parfois très violente.
On peut par exemple citer les crevettes-mantes ou les crevettes pistolet (voir ci-dessous), qui se servent toutes les deux de ce principe pour chasser. Elles disposent d’un appendice sur-développé qui leur permet de produire une cavitation extrême. Cela génère une bulle où la pression et la température sont absolument démentes; la détonation peut atteindre les 220 db et la bulle peut chauffer jusqu’à 4800 °C (!) pendant une fraction de seconde ! L’impact est tellement violent qu’il peut pulvériser des coquilles incroyablement résistantes, voire de tuer des proies sur le coup.
Une approche sûre, efficace, et légère en effets secondaires
Des chiffres qui en disent long sur le potentiel de destruction d’une cavitation bien maîtrisée. Les chercheurs ont donc conçu un appareil capable de générer une cavitation de petite taille ; en l’occurrence, ils peuvent atteindre une précision de l’ordre du millimètre. Ce concept leur permet ainsi de “concasser” les cellules cancéreuses à distance, sans endommager le reste des tissus.
La stratégie globale est exactement la même que dans le cas de la radiothérapie ; cette technique peut théoriquement se suffire à elle-même, mais il s’agit surtout de malmener la tumeur autant que possible pour préparer le terrain aux autres traitements. Et les premiers résultats ont été assez impressionnants.
L’équipe affirme que son appareil a permis de réduire le volume des tumeurs jusqu’à 75% chez des rats atteints de cancers au foie. Il ne s’agit donc pas d’une éradication totale. Mais cela reste un résultat largement suffisant pour améliorer significativement le pronostic vital. “Même si on ne cible pas toute la tumeur, on peut quand même la forcer à régresser et réduire le risque de métastases”, explique le professeur de bio-ingénierie Zhen Xu.
C’est aussi beaucoup plus facile pour les défenses immunitaires de vaincre la tumeur ainsi affaiblie. Cela facilite aussi grandement l’extraction chirurgicale lorsque cela est possible.
Bientôt dans les hôpitaux ?
Évidemment, il n’a s’agit encore que de rongeurs. De plus, cet appareil n’a pour l’instant été testé que dans le cadre du cancer du foie. Il sera donc important de valider le concept sur les humains dans un premier temps. Il faudra ensuite vérifier si elle est ou non applicable aux autres formes de cancer.
Mais pour l’instant, tous les signaux sont au vert; les bases technologiques sont déjà bien en place. Et cette expérience a montré que la thérapie à base d’ultrasons pourrait bien mériter d’intégrer l’arsenal des oncologues dans un futur proche. Sur la base de ces résultats encourageants, l’équipe va désormais proposer d’intégrer son appareil à différents essais cliniques.
Si ces essais sont concluants, cette technique pourrait alors se démocratiser; elle offrirait alors une piste de traitement alternatif ou complémentaire pour dégrossir le travail de façon sûre, efficace, et avec des effets secondaires minimes.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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