Tracking Exposed, une ONG européenne spécialisée dans les droits digitaux vient de publier une étude dénonçant l’incapacité de TikTok à filtrer le contenu pro-guerre en Russie depuis l’invasion de l’Ukraine par les forces militaires.
Facebook, Twitter et Instagram ayant été bannis par le Kremlin, Tiktok reste la dernière plateforme sociale majeure toujours en activité dans le pays de Poutine. Ainsi, dès le 7 mars, le réseau social interdisait alors les nouvelles mises en ligne pour tenter de protéger les utilisateurs russes des fake news. Malheureusement, cette démarche aura eu l’effet inverse.
Une plateforme figée
En interdisant les mises en ligne de vidéos, Tiktok a donc figé sa plateforme, qui se retrouve sans nouveau contenu, laissant les utilisateurs russes dans l’impossibilité de s’informer de nouveaux rebondissements dans le conflit en cours.
La comparaison des chiffres obtenus par Tracking Exposed avant et après le bannissement imposé par Tiktok montre un réel problème de filtrage. Leur étude analyse des échantillons de données observés entre le 20 février et le 5 avril 2022.
L’ONG estime qu’avant l’annonce et la mise en place des restrictions de Tiktok, 42% du contenu en rapport avec la guerre était contre celle-ci face à 58% de pro-guerre. Après les restrictions, le changement de situation est sans précédent avec 93,5% de contenu pro-guerre contre 6,5% de contenu anti-guerre.
Un tel retournement n’aurait normalement pas dû être possible, puisque la publication de contenu était tout bonnement désactivée. Mais de simples failles découvertes par les Russes pro-guerre auront transformé l’initiative de Tiktok en un réel moyen d’inonder les utilisateurs de contenus de propagande.
Failles fatales
Deux failles principales ont été découvertes par Tracking Exposed, et celles-ci ont été exploitées du 7 au 24 mars avant que Tiktok ne les corrige.
Les tiktokeurs russes étaient alors capables de mettre en ligne des vidéos en raison d’une implémentation des restrictions qui ne semblait pas couvrir l’ensemble des utilisateurs, ainsi que la possibilité de téléverser du contenu via la version web de la plateforme. En conséquence, en l’espace de 18 jours, la plateforme s’est retrouvée transformée en réel lieu de propagande au détriment de la population russe en quête d’informations.
Le pouvoir des réseaux en temps de guerre
Cette situation met en lumière la complexité de la gestion d’une telle crise géopolitique pour les acteurs du numérique. Avec un besoin constant de s’informer qui s’amplifie démesurément pour une population faisant face à un conflit, les réseaux deviennent alors premier vecteur de communication et d’information.
Mais cela pose alors un dilemme qu’il est difficile de résoudre. Est-il mieux de laisser l’accès aux réseaux pour tous au risque que la désinformation prenne de l’ampleur, ou est-il plus juste de les désactiver et de passer par d’autres canaux?
L’étude de Tracking Exposed semble montrer que, même lorsque des efforts sont appliqués afin de restreindre la diffusion de faux contenus, les créateurs de ces informations finissent par trouver un moyen de contourner le problème. Les espaces numériques se retrouvent alors confinés pour la majorité des utilisateurs, alors que des organisations arrivent à utiliser le peu d’espace restant pour diffuser du contenu mal intentionné.
Malgré tout, l’ONG condamne les prises de décisions de Tiktok qu’elle considère comme dangereuses maintenant que “les critiques de l’invasion ont disparu” des réseaux.
Marc Faddoul, co-directeur de Tracking Exposed ajoute également que “maintenant, les Russes sont laissés face à un Tiktok figé, il n’y aura pas de Printemps Russe sur la plateforme.”
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