Les énergies renouvelables vont vraisemblablement continuer à devenir de plus en plus importantes au fil des années. Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas toujours évident d’en optimiser l’exploitation, en grande partie à cause de la nature intermittente du solaire et de l’éolien. Pour répondre à cette contrainte, une équipe du Pacific Northwest National Laboratory (PNNL) a fait la démonstration d’un nouveau type de batterie “hibernante” capable de conserver sa charge pendant des mois.
Le concept repose sur une batterie à sels fondus. Elles existent déjà depuis plusieurs décennies sous des formes diverses et variées. Globalement, elles sont peu courantes dans les appareils grand public; mais sont régulièrement utilisées dans certains contextes particuliers comme le stockage à grande échelle sur le réseau électrique. Elles ont l’avantage d’être peu chères et faciles à produire.
Une batterie “hibernante” à sels fondus
Comme le nom de ces batteries l’indique, ce sont des sels fondus qui jouent ici le rôle d’électrolyte; il sert de pont à travers lequel les électrons voyagent entre les deux pôles de la batterie. Or, pour assurer la libre circulation des électrons, ces sels doivent impérativement rester dans un état fondu. Si l’électrolyte est entièrement figé, les électrons ne peuvent plus circuler entre l’anode et la cathode.
Cela a une implication très concrète et très contraignante en termes logistiques; contrairement aux batteries Li-ion standard, les batteries à sels fondus doivent être maintenues à haute température en permanence. Mais au lieu de considérer cette particularité comme une limite rédhibitoire, les chercheurs du PNNL ont préféré jouer dessus pour produire une batterie “hibernante”.
La batterie en question est constituée d’une anode d’aluminium et d’une cathode de nickel. Le tout est ensuite immergé dans un bain de sels fondus dopés au soufre. Pour la charger, il faut la chauffer à environ 180°C. Lorsqu’on la ramène à température ambiante, les sels fondus durcissent et le flux des électrons s’arrête instantanément.
92% de charge après 3 mois
Mais ce qui est très intéressant en pratique, c’est que la charge ne disparaît pas pour autant lors de cette transition. Au contraire : elle est même préservée avec une intégrité assez impressionnante, et le flux des électrons peut reprendre dès que la batterie est à nouveau chauffée.
Le prototype aurait ainsi conservé 92% de sa charge sur une période d’environ 3 mois. Un chiffre pas franchement impressionnant au premier abord par rapport aux batteries Li-ion standard, “C’est un peu comme faire pousser des légumes au printemps, les congeler, et les réchauffer en hiver”, explique Minyuan Li, l’un des chercheurs du PNNL en charge du projet.
Et ce n’est pas son seul avantage. Elle disposerait d’une densité énergétique de 260 Wh/kg. Un chiffre qui les place globalement au-dessus de la plupart des batteries Li-ion standard; dans la majorité, ces dernières couvrent une gamme allant de 100 à 265 Wh/kg, d’après le Clean Energy Institute de Washington.
Un potentiel évident, mais à confirmer en conditions réelles
Il s’agirait aussi d’un moyen très économique de stocker l’énergie; à grande échelle, ce procédé ne coûterait que 23$ par kWh. Les chercheurs estiment que ce prix pourrait même tomber à environ 6$ par kWh une fois l’ensemble optimisé. À titre de comparaison, c’est près de 6 fois moins que le coût moyen du stockage Li-Ion, estimé à environ 137$ par kWh selon Bloomberg New Energy Finance. Leur prototype mesure la taille d’un palet de hockey, mais les chercheurs estiment que cette technologie est parfaitement compatible avec une utilisation à grande échelle.
Reste encore à voir comment cela fonctionnera en pratique. Car l’énergie, et en particulier le secteur des batteries, est un pan de l’industrie où les promesses sensationnelles sont légion… mais où les résultats sont rarement à la hauteur des attentes en conditions réelles. Malgré tout, les chercheurs croient dur comme fer à leur concept et ont déjà déposé un brevet.
Ils estiment qu’à terme, ces batteries deviendront un véritable mode de stockage saisonnier d’énergie. “On peut commencer à envisager des choses comme de grosses batteries montées sur des tracteurs garés sur un parc éolien”, affirme Vince Sprenkle, co-auteur de l’étude, dans une interview à New Atlas. “Cette batterie serait rechargée au printemps, puis on l’acheminerait vers une station électrique où la batterie pourrait être utilisée si besoin dans la chaleur de l’été”, concluent-ils.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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