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Grâce à Einstein, un télescope mort a repéré une exoplanète très familière

Kepler, un télescope pourtant à la retraite, a permis d’identifier une jumelle lointaine de Jupiter grâce au principe de la lentille gravitationnelle.

Le télescope Kepler a pris sa retraite il y a quelques années déjà, avec des états de service irréprochables et un tableau chasse garni de centaines d’exoplanètes. Mais les chercheurs n’ont pas fini d’en entendre parler pour autant. Au cours de sa quasi décennie d’exploration spatiale, il a collecté une telle quantité de données que les astronomes continuent d’y découvrir des éléments fascinants. La dernière en date est assez spectaculaire, puisqu’il s’agit d’une copie quasi conforme de Jupiter !

En effet, cette géante gazeuse ressemble comme deux gouttes d’eau au corps céleste le plus imposant en orbite autour du Soleil. “C’est plus ou moins la jumelle identique de Jupiter en termes de taille, de masse, et de distance par rapport à son étoile”, explique Eamonn Kerins, astronome à l’Université de Manchester dans un communiqué.

Des détails très intéressants se cachent dans la façon dont cette géante gazeuse a été repérée. Kepler a passé la majeure partie de sa carrière à traquer les corps célestes en utilisant la méthode dite “de transit“. Le concept est simple comme bonjour; il consiste à mesurer les différences d’intensité lumineuse qui surviennent pendant la rotation des planètes autour d’une étoile.

Comme notre satellite lors d’une éclipse lunaire, les planètes loin du système solaire ont aussi tendance à cacher partiellement leur étoile à un moment du cycle, comme le montre l’image de l’ESA ci-dessous. Cela génère une différence d’intensité lumineuse extrêmement subtile, mais néanmoins perceptible par des instruments de points comme ceux de Kepler.

À l’aide d’outils mathématiques assez poussés, les astronomes peuvent alors en déduire des informations comme la taille ou le poids du corps céleste en question. Cette technique a fait ses preuves depuis des décennies et fonctionne redoutablement bien.; elle a déjà ouvert la voie à un nombre incalculable de découvertes d’envergure.

De la relativité générale d’Einstein à la lentille gravitationnelle

Mais ce n’est pourtant pas ce concept qui a permis d’identifier cette nouvelle géante gazeuse. En effet, les chercheurs ont pu y parvenir grâce au concept de lentille gravitationnelle. C’est la même approche qui a récemment permis à Hubble de détecter Earendel, l’étoile la plus lointaine jamais observée (voir notre article).

Ce concept dérive directement de la relativité générale conceptualisée par Albert Einstein, dont l’immense solidité a encore été démontrée récemment (voir notre article). Elle stipule que les objets, en particulier les plus massifs, génèrent une force gravitationnelle suffisamment importante pour déformer significativement l’espace-temps autour d’eux.

Cela a des conséquences diverses et variées, mais il y en a une qui est particulièrement utile dans ce contexte : la trajectoire de lumière suit précisément cette courbure. Il est donc possible de l’assimiler à une gigantesque lentille; celle-ci peut alors être exploitée pour observer des objets situés à des distances ahurissantes, à condition qu’ils soient situés très précisément sur le même axe.

C’est une technique déjà très intéressante en tant normal… mais c’est encore plus vrai dans ce cas de figure, car Kepler n’est absolument pas prévu pour exploiter ce phénomène. “Kepler n’a jamais été conçu pour trouver des planètes de cette façon”, s’enthousiasme Kerins. “À bien des égards, c’est assez exceptionnel que nous y soyons parvenus ainsi”.

Si le chercheur est aussi guilleret, c’est avant tout parce que les chances d’y parvenir dans ces conditions étaient ridiculement faibles. “Les chances qu’une étoile soit ainsi affectée par le passage d’une planète est d’une chance sur des dizaines, voire centaines de millions”, explique Kerins. “Mais il y a des centaines de millions d’étoiles vers le centre de notre Galaxie; Kepler s’est donc installé là et a observé patiemment pendant trois mois”, détaille-t-il.

Le phénomène de lentille gravitationnelle schématisé par l’ESA. La grille représente la courbure de l’espace temps. © NASA, ESA & L. Calçada

Un laboratoire pour étudier l’histoire du système solaire

En plus de ces détails techniques, ces travaux pourraient aussi avoir des implications très concrètes en recherche fondamentale. En effet, il est aujourd’hui admis que Jupiter est l’un des principaux architectes de notre système solaire. Elle est si massive qu’elle génère une force gravitationnelle dantesque.

Cette dernière a à son tour joué un rôle déterminant dans la formation de notre berceau cosmique. Elle a non seulement protégé les planètes des autres corps célestes en vadrouille, mais aussi pesé lourd dans l’agencement global des planètes. Et, par extension, dans l’apparition de la vie telle qu’on la connaît.

Le fait d’avoir trouvé une copie quasi conforme est donc une excellente nouvelle. Cela permettra de mettre à l’épreuve les différentes théories qui existent sur Jupiter pour voir si elles s’appliquent également chez sa jumelle. Il sera alors possible d’affiner ces modèles si tout correspond… ou de repartir sur des bases scientifiques saines si certains éléments ne convenaient pas. Mais dans tous les cas, cette découverte représente une petite pierre supplémentaire du vaste édifice qui nous permettra peut-être, un jour, de remonter aux origines de la vie et de l’Univers lui-même.

Le papier de recherche est disponible ici.

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