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Environnement : la dernière alerte du Giec est la plus inquiétante à ce jour

Ce groupe de travail intergouvernemental spécialisé dans le climat nous a habitués à des conclusions peu encourageantes, mais elles ont rarement été aussi alarmistes à court terme.

Le Giec, groupe de travail intergouvernemental chargé de gérer le suivi et la maîtrise du changement climatique, publie régulièrement des documents où il détaille ses dernières conclusions. Le ton de ces rapports très solides est généralement grave et peu optimiste; l’organisation ne cache pas sa volonté de sensibiliser le grand public à ces questions cruciales.

Mais le troisième volet de sa récente série de rapports est encore plus alarmiste qu’à l’accoutumée, même pour les standards du Giec; dans cet immense document de près de 3000 pages, les experts estiment désormais que nous serions à moins de trois ans d’une échéance importantissime pour conserver un monde viable.

Les spécialistes commencent toutefois leur exposé sur une note positive. Ils expliquent en effet que l’humanité a atteint un pic d’émissions de gaz à effet de serre (EGES) pendant la période 2010-2019, mais qu’elle a au moins cessé d’accélérer depuis. Ils saluent aussi le fait que la part des énergies renouvelables continue d’augmenter, en particulier chez le grand public.

Une urgence réaffirmée et plus concrète que jamais

Mais le ton s’assombrit immédiatement après cette introduction. Ils expliquent que l’urgence climatique ne relève désormais même plus du “court terme”, comme c’était le cas jusqu’à présent; il s’agit désormais d’une situation d’urgence “immédiate”. Le Giec estime que la seule façon de se conformer aux objectifs climatiques actuels serait de réduire les EGES de façon “rapide, radicale, et le plus souvent immédiate”.

Dans le cas contraire, il serait impossible de limiter le réchauffement à ce fameux +1,5°C. Pire : il serait même presque envisageable de rester sous la barre des 2°C. Une perspective tout sauf encourageante, sachant que chaque petite augmentation est déjà susceptible d’apporter son lot de conséquences très concrètes pour une vaste portion de l’humanité.

L’autre point inquiétant, c’est la trajectoire actuelle. Certes, les chercheurs ont rappelé que l’accélération du phénomène n’était plus aussi brutale qu’auparavant; mais cela ne veut pas dire que la tendance s’est inversée, loin de là. Les EGES continuent bel et bien de croître; même si elles le font simplement de moins en moins vite, cette augmentation reste largement suffisante pour avoir des conséquences catastrophiques d’ici quelques années.

Le rapport explique qu’en effet que d’ici la fin du siècle, la trajectoire actuelle nous emmenait droit vers un réchauffement de… +3,2°C. Et même si les engagements timides pris lors de la COP 26 étaient TOUS tenus, la température globale augmenterait tout de même de 2,8°C… Rarement des chiffres sur le réchauffement climatique auront fait aussi froid dans le dos.

Pour éviter de se retrouver dans un cul de sac écologique et sociétal, une seule solution : les gouvernements et l’industrie devront anticiper ces problématiques ensemble et éviter à tout prix la politique de l’autruche. © Cytonn Photography – Unsplash

Un délai qui se compte sur les doigts d’une main

Cela fait plusieurs années que l’on entend régulièrement que les engagements actuels sont insuffisants et qu’il faudra prendre des mesures plus ambitieuses. Une formulation vague qui n’a désormais plus lieu d’être puisque d’après le Giec, cela n’a désormais plus beaucoup de sens de parler de “2050” ou de “fin de siècle”; des enjeux déterminants nous attendent bien avant cette échéance. En fait, les années qui nous restent se comptent même sur les doigts d’une seule main estropiée.

Il faut désormais raisonner à bien plus court terme; l’organisation estime que la seule façon d’esquiver l’avenir climatique terrifiant qui nous semble promis est de faire en sortie que les émissions atteignent leur pic avant 2025, soit d’ici trois petites années à peine. Un effort colossal, qui représente la condition sine qua non pour espérer sortir de ce pétrin climatique.

Et ça ne serait qu’un début, puisqu’il faudrait ensuite parvenir à réduire ces EGES de moitié d’ici 2030. Ce sont des délais immensément courts; si courts, en fait, qu’on peut légitimement se demander s’il est vraiment possible de changer radicalement la donne en si peu de temps. Après tout, les décideurs politiques et l’industrie tergiversent déjà depuis des années sur ces questions sans que l’on n’observe d’évolution déterminante pour autant.

Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, s’est même fendu d’une analyse très sévère du rôle de ces derniers. “Certains gouvernements et responsables d’entreprises font l’inverse de ce qu’ils disent. Pour le dire simplement, ils mentent”, affirme-t-il sans détour.

L’industrie devra impérativement assumer sa responsabilité dans ce processus de transition. © Maxim Tolchinskiy – Unsplash

Les solutions existent déjà, à condition d’y mettre les moyens

Mais ce rapport qualifié d’ “accablant” par Guterres n’est pas une prophétie de l’apocalypse pour autant. Le travail du Giec est aussi de chercher des pistes et de proposer des solutions pour s’extraire de la crise. Et fort heureusement, ses équipes rappellent que nous avons déjà des options à notre disposition.

Pour l’organisation , il faut donc arrêter de se reposer sur la promesse d’une révolution énergétique et miser sur les options qui “existent déjà dans tous les secteurs”; en l’état, notre technologie actuelle comporte déjà tous les outils nécessaires pour réduire les émissions de moitié d’ici 2030. Mais il n’y a pas de secret ; pour y parvenir, comme toujours, rien ne sera possible sans un effort concret et massif des gouvernements et des industriels.

Il va falloir une transition majeure du secteur de l’énergie”, avec notamment une “réduction substantielle des usages de combustibles fossiles”, affirme le rapport . “Avec les bonnes politiques et une infrastructure adaptée”, il serait ainsi possible d’espérer réduire les EGES de “40 à 70% d’ici 2050.

Les auteurs du rapport expliquent aussi que l’agriculture, l’exploitation minière et l’urbanisme constituent autant de leviers importants; ce sont des secteurs où il serait théoriquement possible de conserver le même rendement tout en faisant beaucoup mieux en termes écologiques. Ils rappellent aussi qu’environ 40% des EGES seraient directement attribuables aux 10% les plus riches de la population mondiale.

Pour réussir à freiner avant qu’il ne soit trop tard, il n’y a pas de secret. En climatologie environnementale, la recette du succès ne comporte que trois ingrédients : volonté politique, engagement industriel, et surtout beaucoup, beaucoup d’argent. D’après Madeleine Diouf Sarr, membre du groupe de travail citée par France24, il faudrait injecter quatre à huit fois plus d’argent dans cette cause d’ici à 2030 pour espérer atteindre ces objectifs.

Et il ne s’agit que de la partie émergée d’un iceberg qui, sans action déterminante, ne sera bientôt plus là pour servir de support aux métaphores. Morale de l’histoire : la route est encore longue, mais nous ne pouvons arriver au bout que si nous nous mettons en route dans les plus brefs délais.

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1 commentaire
  1. S’il faut quatre à huit fois les investissements actuels dédiés à la cause duc changement ce n’est pas cher payé par rapport au PIB mondial. Cela reste dérisoire au regard des dégâts économiques qui pointent.

Les commentaires sont fermés.

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