Lorsque nos aînés commencent à avoir du mal à voir correctement, le premier réflexe est souvent de chausser une paire de lunettes. Et cela vaut aussi pour ce bon vieux Hubble, même si les binocles en question sont très différentes. Malgré son âge avancé, il vient encore de réaliser une observation exceptionnelle; à l’aide d’une loupe gravitationnelle, il a posé son objectif sur l’étoile solitaire la plus éloignée jamais repérée à ce jour.
L’astre a été baptisé Earendel, à partir d’un ancien terme anglo-saxon signifiant “étoile du matin”. Ce sobriquet ne doit rien au hasard, puisqu’il s’agit d’un objet presque aussi vieux que l’univers lui-même. Elle s’est formée tout au début de sa vie; les signaux repérés par Hubble ont été émis tout juste 900 millions d’années après le Big Bang – un record pour ce type d’objet.
Une étoile record
Cela signifie qu’elle est à peine plus jeune que notre galaxie, dont l’âge a été mis à jour à la suite à une étude récente (voir notre article). C’est donc un astre plus ancien que les plus vieilles supernovas jamais repérées, et 3,4 milliards d’années plus vieilles que l’étoile Icare qui détenait le record jusqu’à présent.
Et ce n’est pas le seul élément saisissant. Earendel est aussi l’étoile solitaire la plus éloignée jamais documentée dans la littérature scientifique; à cause de l’expansion de l’univers qui a suivi son cours depuis cette date, elle est aujourd’hui située à environ 28 milliards d’années-lumière de la Terre !
C’est une distance phénoménale, si bien que même un télescope de pointe comme Hubble aurait un mal fou à en tirer quoi que ce soit à lui tout seul. A cette distance, même des objets extrêmement brillants, comme des qasars, deviennent excessivement difficiles à identifier; autant dire qu’il a fallu ruser pour pouvoir tirer le portrait à une étoile isolée comme Earendel.
Une lentille galactique aux proportions dantesques
Pour arriver à leurs fins, les astronomes ont utilisé une nouvelle lentille un peu particulière. Et ils n’ont même pas eu besoin d’envoyer un vaisseau vers Hubble pour l’y installer, puisque cette dernière était déjà présente dans l’espace bien avant le télescope. En effet, la lentille en question n’est pas un instrument d’optique produit par des ingénieurs : il s’agit de la gravité elle-même !
Ce concept dérive directement de la relativité générale conceptualisée par Albert Einstein en 1915. L’un des points clés de cette théorie, dont l’immense solidité a encore été démontrée récemment (voir notre article), stipule que les objets les plus massifs, comme les trous noirs, déforment considérablement l’espace-temps autour d’eux. Cela a de nombreuses conséquences, mais il y en a une qui nous intéresse tout particulièrement dans ce cas de figure; la trajectoire de lumière suit précisément cette courbure.
C’est un phénomène très important pour les astronomes, car il est possible de l’exploiter directement. En effet, cette courbure de l’espace-temps peut être assimilée à une lentille cosmique aux proportions absolument énormes; avec un peu de chance et à condition d’être suffisamment minutieux dans les préparations et l’alignement, il est donc possible d’utiliser un corps céleste massif pour “zoomer” sur un objet situé directement derrière.
C’est cette technique, dite de la “lentille gravitationnelle”, qui a permis aux astronomes de repérer Earlendel complètement par hasard. En l’occurrence, ils n’ont pas utilisé un objet unique, mais un amas de galaxies entier qui était leur objet d’étude original. À grande échelle, on peut l’assimiler à un seul et même objet à la masse phénoménale; il génère donc une courbure importante de l’espace-temps, et se comporte donc comme une lentille cosmique aux proportions absurdes.
De nombreuses questions en suspens
Ce phénomène a permis à Earlendel d’apparaître discrètement à la périphérie du champ de vision d’Hubble; conscients d’avoir mis la main sur un élément potentiellement intéressant, ils se sont donc concentrés sur cette petite tâche lumineuse, avec le résultat que l’on connaît désormais.
Les astronomes sont notamment parvenus à déterminer sa distance grâce au phénomène de redshift. Pour résumer le concept très sommairement, on sait que l’expansion de l’univers affecte les ondes électromagnétiques comme la lumière; plus un rayon de lumière voyage loin, plus sa longueur d’onde est décalée en direction de l’infrarouge, d’où le terme de redshift. On peut donc utiliser ce décalage pour estimer la distance d’un objet.
Malheureusement, cette technique aussi élégante qu’intéressante comporte aussi quelques limites. Contrairement aux lentilles des télescopes comme Hubble, qui sont calibrés avec soin pendant des années, ces lentilles gravitationnelles sont loin d’être parfaites. Les chercheurs doivent donc fournir un gros travail analytique pour interpréter les images ainsi produites, qui sont souvent déformées et pleines d’artefacts visuels.
Il reste donc de nombreuses questions en suspens. Cela commence par la nature même d’Earlendel. Quelle est sa composition ? S’agissait-il bien d’une étoile solitaire, ou avait-on affaire à un couple appartenant au même système binaire ? Autant de questions qui n’ont pas encore de réponse à l’heure actuelle.
Un témoin exceptionnel de l’Aube cosmique
Mais cela ne signifie pas que cette découverte est anecdotique. En effet, son âge implique qu’elle soit née à une époque surnommée “Aube cosmique”. C’est un moment qui est par définition extrêmement difficile à observer; elle était précédée de ce que l’on appelle désormais “âge sombre”, pendant laquelle la lumière ne pouvait pas encore voyager librement dans l’univers.
C’est un gros problème pour les chercheurs; car comme on peut s’y attendre, cette lumière joue un rôle éminemment important dans les observations. Le fait d’avoir trouvé une étoile née à l’extrême limite de la transition entre l’âge sombre et l’aube cosmique est donc une superbe découverte.
Elle apportera certainement des éléments déterminants pour notre compréhension de ces époques, et par conséquent, des origines de l’univers tel qu’on le connaît aujourd’hui. Désormais, on n’attend plus que le James Webb Space Telescope, qui a été spécifiquement conçu pour s’intéresser aux origines de l’univers.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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Le tout illustré d’un galaxy ….
C’est pas la même ?
« lentement il éleva la Fiole de Galadriel. Pendant un moment, elle répandit une petite lueur, faible comme celle d’une étoile luttant à son lever au milieu des lourdes brumes de la terre ; puis, comme son pouvoir grandissait, en même temps que l’espoir dans la pensée de Frodon, elle se mit à brûler et devint une flamme argentée, minuscule cœur d’une lumière éblouissante, comme si Eärendil fût descendu en personne du cours du soleil couchant avec le dernier Silmaril au front. »
J’allais le dire …