Après avoir dévoilé sa méga-usine à 20 milliards dans l’Ohio, Intel continue sur sa lancée et vient d’annoncer un investissement colossal sur le Vieux Continent; il prévoit de débourser la bagatelle de 80 milliards d’euros pour améliorer ses installations en Europe et construire de nouvelles usines. Cela commence par une première vague d’investissements à hauteur de 33 milliards qui va démarrer très bientôt.
Au cœur du projet, on découvre un gigantesque “méga-site” de production de semi-conducteurs qui sera implanté à Magdeburg, en Allemagne. Celui-ci coûtera la bagatelle de 17 milliards d’euros et sera subdivisé en deux énormes usines, dont la construction débutera en 2023. Intel espère ainsi pouvoir débuter la production à l’horizon 2027.
Cette usine accueillera environ 3000 travailleurs une fois qu’elle sera entièrement opérationnelle. Elle sera entièrement consacrée à la production des futures générations de processeur dans ce qu’Intel désigne comme “l’ère de l’angström”.
Ce terme désigne une unité de mesure dix fois inférieure au nanomètre, qui reste encore l’unité de référence dans cette industrie. Une formule qui en dit long sur les plans d’Intel pour cette période; sur sa feuille de route, le fondeur note explicitement qu’il faut s’attendre à des innovations d’envergure.
La firme a aussi annoncé un investissement de 12 milliards d’euros en Irlande. Cette fois, l’objectif n’est pas de construire un nouveau site; Intel veut moderniser et agrandir ses installations préexistantes afin de doubler sa capacité de production en Europe. Ces travaux devraient être finis avant ceux du site allemand; le site irlandais jouera donc certainement un rôle crucial de charnière pour assurer la transition jusqu’à cette fameuse “ère de l’Angström”.
L’un des centres névralgiques du programme sera en France
Enfin, la firme explique aussi qu’elle va ouvrir un nouveau centre de recherche, développement et design en France, sur le Plateau de Saclay. “La France sera le nouveau QG européen d’Intel pour l’informatique haute performance (HPC) et le design en intelligence artificielle”, affirme le communiqué. Intel explique aussi qu’il prévoit aussi d’investir dans des sites de production en Pologne, et en Espagne. Un projet italien serait aussi en cours de négociation.
Ces investissements colossaux sont une conséquence directe de la stratégie IDM 2.0, le programme phare du PDG Pat Gelsinger. Il s’agit d’un énorme plan de restructuration d’Intel qui a vocation à rendre sa splendeur passée au fondeur, dans un contexte où la concurrence d’AMD (entre autres) s’intensifie année après année.
Et il ne s’agit pas que de recherche et de développement. IDM 2.0 est aussi et surtout un gigantesque programme de diversification qui va modifier considérablement les activités d’Intel. En effet, l’un des principaux points de la stratégie est l’Intel Foundry Service, un programme à travers lequel Intel espère récupérer la main sur sa propre production… et bien plus encore.
Alors qu’il faisait jusqu’à présent produire la majorité de ses chips chez le Taïwanais TSMC, IDM 2.0 a transformé le fondeur américain en concurrent direct; l’année dernière, il a même annoncé la signature de ses premiers clients, à savoir Qualcomm et AWS, l’incontournable branche cloud computing d’Amazon qui fait la pluie et le beau temps sur ce secteur.
Ces nouvelles installations, et notamment celle de Margeburg, constitueront le fer de lance de la stratégie IDM 2.0. À terme, ce site débitera des milliers de puces pour le compte des nombreuses entreprises qui, selon toute vraisemblance, sous-traiteront bientôt leur production à Intel.
Le prix de la souveraineté technologique ?
Il existe également une lecture plus politique de la situation. Avec cette occupation extrêmement agressive du terrain, il est possible que l’américain souhaite couper l’herbe sous le pied à ses concurrents, notamment asiatiques. Ces derniers sont extrêmement performants et compétitifs dans ce domaine et fournissent des puces à une grande partie de la planète.
Dans le contexte actuel, les tensions entre États-Unis et ses concurrents – notamment la Chine – semblent grandir chaque jour, il n’est pas interdit d’envisager une rupture partielle de la chaîne logistique. Dans ce contexte, l’Europe, qui souffre d’un retard immense dans cette industrie, serait prise entre le marteau et l’enclume et devrait donc trouver un moyen de continuer à s’approvisionner, quitte à céder aux sirènes de la concurrence.
Avec ces nouvelles infrastructures, il est possible qu’Intel et surtout le gouvernement cherchent à verrouiller leur emprise sur ce marché stratégique. L’annonce du fondeur regorge d’ailleurs d’éléments de langage qui pointent dans cette direction, et que certains ont déjà interprété comme une “volonté assumée de colonisation technologique”.
“Notre investissement est un pas de géant à la fois pour Intel et pour l’Europe […] Nous sommes déterminés à jouer un rôle essentiel pour déterminer le futur numérique de l’Europe pour les décennies à venir”, peut-on lire dans le communiqué.
Et cette déclaration candide n’est que la pointe émergée de l’iceberg. Le communiqué déborde de formules qui insistent sur l’impact positif de cet investissement sur l’économie, mais aussi sur la vie de “tous les habitants” du Vieux Continent. Quoi qu’il en soit, c’est un projet sur le long terme pour Intel, et il sera très intéressant d’observer les retombées massives de ce programme à l’origine technologique et commercial, mais aussi intrinsèquement politique.
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L usine en Allemagne ca c est pour etre sur qu elle n est pas fermée 10 mois par an avec les greves 😂😂😂