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Cette entreprise va produire des jeux vidéo pour soigner des gens

DeepWell, une entreprise cofondée par le grand manitou de Devolver, va produire des jeux vidéo à vocation thérapeutique pour tenter de démocratiser leur utilisation en médecine.

Par définition, un jeu vidéo se doit d’être ludique pour son public, qu’il s’agisse de hardcore gamers à la recherche d’un défi ou de joueurs occasionnels qui veulent simplement se divertir dans la joie et la bonne humeur. Mais le jeu vidéo est aussi bien plus que cela; c’est aussi un exutoire, une forme d’expression artistique… et ils peuvent même comporter une dimension thérapeutique que certains comptent bien exploiter.

La pratique des jeux vidéo a longtemps été considérée par certains comme un passe-temps dénué d’intérêt et même fondamentalement abrutissant, mais heureusement, le regard de la science et du grand public a très largement évolué.

Un nouveau studio, dont le nom complet est DeepWell Digital Therapeutics, est né de la collaboration entre deux experts. D’un coté, nous avons Ryan Douglas, un spécialiste américain des appareils médicaux; de l’autre, Mike Wilson, un grand nom du jeu vidéo connu pour avoir co-fondé l’éditeur Devolver Digital.

Ce dernier jouit d’une place à part dans cet écosystème, puisqu’il se spécialise avant tout dans la publication de jeux indépendants. Il nous a gratifié d’innombrables pépites comme le désormais légendaire Hotline Miami, mais aussi le sublime Gris, l’inimitable Talos Principle, ou encore des bijoux divers et variés comme BroForce, Death’s Door, Enter the Gungeon, Shadow Warrior…

Ce catalogue particulièrement hétéroclite montre à quel point Wilson adore sortir des sentiers battus. Mais il ne s’en était jamais autant éloigné qu’avec DeepWell, dont le concept est aussi intéressant qu’intrigant; il veut extraire les jeux vidéo du carcan du divertissement brut, et leur permettre d’exploiter le potentiel thérapeutique caché de ce médium.

Un potentiel thérapeutique déjà documenté

En effet, plusieurs études très sérieuses se sont déjà intéressées au sujet. Il est aujourd’hui prouvé que les jeux vidéo peuvent servir non seulement au diagnostic, mais aussi au traitement de certaines conditions. On peut par exemple citer cette étude qui illustre son intérêt dans la prise en charge des troubles de déficit de l’attention. Leur intérêt a aussi été exploré dans le cadre de la dépression.

Depuis quelques années, de nombreux chercheurs et institutions ont donc pris le problème par l’autre bout. Au lieu de produire accidentellement des jeux à valeur thérapeutique, ils ont commencé à concevoir de véritables thérapies digitales. The Verge cite par exemple EndeavorRx, un jeu vidéo approuvé par l’administration américaine et proposé sur prescription à des enfants souffrant d’ADHD. Récemment, nous avons aussi vu apparaître d’autres formes de thérapies basées sur la réalité virtuelle.

Du médicament ludique au vrai jeu thérapeutique

Mais aujourd’hui, la grande majorité des produits de ce type sont avant tout des objets médicaux; ils sont développés à partir de leur intérêt médical, puis enrobés d’un nappage ludique souvent très superficiel par la suite. Une technique déjà bien connue du côté de l’industrie pharmaceutique; un colorant criard, un arôme sucré, et un médicament au goût atroce aura déjà moins de mal à passer.

DeepWell souhaite dépasser cette approche en partant d’un constat qui tient en une phrase : “le divertissement, c’est ce qu’il y a de plus thérapeutique”, dixit Douglas lui-même. L’ objectif de DeepWell est donc de commencer par produire de vrais bons jeux qui tiennent la route, puis d’en identifier et d’en accentuer les bénéfices thérapeutiques par la suite.

Nous allons faire en sorte que des gens se sentent mieux dans leur corps, dans leur tête… et nous allons le faire avec des jeux vidéo. Et ils ne le verront même pas venir, car ils seront en train de s’amuser !”
-Mike Wilson, cofondateur de Devolver Digital

Une approche qui semble extrêmement pertinente; en effet, le succès de nombreuses thérapies motrices et comportementales dépend directement de l’investissement du patient. Dans ce contexte, le jeu vidéo est un outil de premier choix; il s’agit par définition d’une activité ludique, souvent agréable en tant que telle, et donc susceptible de mobiliser le patient. C’est un moyen de joindre l’utile à l’agréable, en somme. “Les jeux vidéos sont un excellent mécanisme pour administrer une thérapie“, insiste Dyan Douglas.

Pour identifier le potentiel thérapeutique d’un jeu, The Verge explique que DeepWell cherchera certaines séquences de jeu qui présentent des points communs avec des techniques utilisées en thérapie comportementale et motrice. Et ces travaux ne bénéficieront pas qu’à leurs propres titres.

jeux video
© JESHOOTS via Unsplash

Un concept au service de toute l’industrie

En effet, DeepWell va aussi travailler à identifier, et éventuellement à renforcer le potentiel thérapeutique de jeux déjà existants. Par la suite, elle accompagnera aussi les studios pour faire certifier la dimension thérapeutique de leurs jeux.

Il est également important de rappeler une limite fondamentale de ces produits;, même s’ils sont extrêmement prometteurs, ils ne permettront jamais de remplacer une prise en charge médicale complète par un professionnel de santé. “Il y a certaines choses que seul un praticien ou thérapeute très compétent peut faire”, insiste Douglas.

En revanche, cet outil dispose d’un excellent potentiel pour améliorer la prise en charge clinique. C’est d’autant plus vrai chez les plus jeunes et certaines personnes en situation de handicap. C’est donc un projet extrêmement enthousiasmant sur le plan humain et médical qui pourrait offrir de nouvelles débouchées à notre divertissement préféré; il nous tarde déjà de voir à quoi leur premier jeu, prévu pour 2023, va ressembler.

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