Ce n’est un secret pour personne, la pandémie de Covid-19 qui frappe le monde depuis plus de deux ans maintenant a fait des dégâts considérables. C’est notamment le cas dans les populations les plus exposées, notamment les personnes âgées ou souffrant d’autres problèmes de santé en parallèle… mais ce bilan déjà lourd pourrait avoir été très, très largement sous-estimé.
C’est en tout cas la conclusion d’un vaste groupe de chercheurs rassemblés dans un groupe baptisé “COVID-19 Excess Mortality Collaborators” (CEMC). Ils ont réalisé une énorme analyse systématique de la littérature scientifique en lien avec l’aspect santé publique de ce coronavirus, en particulier sur la question de la mortalité, qui a été repérée par Gizmodo.
À l’heure actuelle, la principale source de données sur laquelle se base la majorité des institutions et observateurs est l’Organisation mondiale de la santé. C’est elle qui se charge de compiler les données des principaux acteurs de santé publique pour déterminer un nombre plancher.
Dans leur étude publiée dans le très prestigieux magazine The Lancer, les chercheurs du CEMC peignent un tout autre tableau; ils estiment, avec une bonne précision statistique, qu’environ 18,2 millions de personnes pourraient être décédées du Covid-19. Soit plus de trois fois le bilan officiel de l’OMS, qui s’élève à 6,02 millions d’individus à l’heure où ces lignes sont écrites (voir la page dédiée sur le site de l’OMS).
Une forte surmortalité depuis le début de la pandémie
Cet écart peut paraît stupéfiant, mais son origine est en fait assez facile à comprendre. Au lieu d’additionner simplement le nombre de décès quotidiens, les chercheurs se sont intéressés à une autre donnée fondamentale en santé publique : la surmortalité.
Très sommairement, ils ont comparé les taux de mortalité enregistrés par les acteurs de santé à la mortalité naturelle qui serait attendue si nous n’avions jamais eu affaire au virus. Ils ont donc pu estimer la surmortalité attribuable au COVID-19.
Évidemment, c’est une approche que de nombreux épidémiologistes et institutions ont déjà exploitée. Mais elle est par nature exponentiellement plus compliquée à mettre en place dès qu’on augmente la taille de la population étudiée. En revanche, dans ce cas précis, les chercheurs du CEMC ont pris le parti de s’intéresser au problème à l’échelle de la planète.
Un bilan bien plus élevé que prévu
C’est la première fois qu’une analyse systématique solide d’une telle envergure est publiée sous le contrôle d’un comité de relecture. Pour ceux qui ne sont pas familiers du processus, c’est un cheminement incontournable dans la littérature scientifique de haut niveau depuis plusieurs décennies, et en particulier depuis la fameuse affaire Sokal.
Il consiste à soumettre ses travaux à l’œil intransigeant d’un panel de spécialistes triés sur le volet, qui doivent pouvoir justifier de connaissances pointues sur le sujet précis de l’étude. Ces comités de relecture sont les garants de l’intégrité et du sérieux des journaux prestigieux comme le Lancet; si un article y paraît, c’est qu’il a été relu et vérifié non pas par un, mais par plusieurs groupes de professionnels considérés comme surqualifiés et indépendants.
Même si l’erreur reste humaine, on peut donc considérer qu’il s’agit de résultats tout à fait significatifs. Certes, le chiffre exact de 18,2 millions est à prendre avec des pincettes, mais la tendance semble indiscutable : les chiffres officiels sous-estiment massivement le véritable bilan humain de la pandémie. “Nos estimations montrent que l’impact du COVID-19 est encore plus dévastateur que ne le suggèrent les statistiques officielles”, expliquent les auteurs.
Une pelote de données encore impossible à démêler
D’après les chercheurs, c’est l’Inde qui aurait payé le plus lourd tribut, avec plus de 4 millions de morts selon le modèle du CEMC. Les États-Unis et la Russie ont aussi été durement touchés avec plus d’un million de morts chacun. On peut aussi toucher le Mexique, le Brésil et l’Indonésie, dont le bilan réel tournerait autour des 750.000 décès.
Reste encore à déterminer l’origine exacte de surmortalité. Et c’est là que la question devient plus alambiquée. Car si cette surmortalité a bien été déterminée spécifiquement dans le cadre du COVID-19, ça ne signifie pas forcément qu’elle est directement attribuable à la maladie elle-même. Par exemple, le fait que de nombreux patients aient été coupés de leur médecin à cause du confinement aurait pu faire gonfler artificiellement cette surmortalité.
Malheureusement, en l’état actuel des choses, cela ressemble fort à un cul-de-sac statistique. En effet, étudier un phénomène à l’échelle globale avec de niveau subtilité est une autre paire de manches. Les chercheurs estiment même qu’il ne serait pas pertinent de le faire, car nous n’avons tout simplement pas suffisamment de données pour en tirer des résultats significatifs.
Il faudra donc continuer à étudier la question pendant de longues années, alors que de nouveaux jeux de données continueront d’arriver. “Des données supplémentaires sur les causes de la mort seront nécessaires pour mener des recherches supplémentaires, qui seront à leur tour cruciales pour déterminer quelle part de cette surmortalité est attribuable à l’infection au SARS-CoV-2”, concluent les chercheurs.
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Ah, un publi reportage pour le lrem…