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Un nouveau gravimètre quantique ouvre une fenêtre sur l’intérieur des planètes

Grâce à un nouveau type de gravimètre quantique, le premier à faire ses preuves hors d’un laboratoire, les chercheurs de tout bord pourront bientôt explorer le sous-sol des planètes avec une précision inégalée.

Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie”, affirmait l’illustre auteur de science-fiction Arthur C. Clarke dans un essai publié en 1962. 60 ans après, la citation est plus d’actualité que jamais à une époque où l’on entend régulièrement parler d’intelligence artificielle, de fusion nucléaire ou de physique quantique. La preuve avec le nouveau gravimètre quantique développé par l’université de Birmingham en est la preuve, puisqu’il permettra bientôt de voir à travers la surface des planètes avec une précision inégalée.

Tous les géologues au monde rêveraient de pouvoir jeter un œil sous la surface d’une planète à partir de la surface, un peu comme on observe un organe lors d’un examen IRM. Malheureusement, cela relève encore de l’utopie; pour y parvenir, ils doivent compiler les données produites par tout un éventail de méthodes variées.

Une approche très populaire consiste par exemple à utiliser les ondes sismiques. Les chercheurs utilisent régulièrement de gros pistons, souvent montés sur un camion, pour percuter le sol de manière bien précise; ils peuvent alors étudier le comportement de l’onde issue de l’impact.

En effet, ces ondes voyagent à des vitesses différentes selon la densité du milieu; en fonction du temps que l’onde retour met à atteindre différentes balises, les géologues peuvent donc déterminer avec plus ou moins de précision l’architecture du sous-sol.

Ausculter les entrailles de la Terre

Mais cette approche, comme beaucoup d’autres, comporte plusieurs limites conceptuelles, notamment au niveau de la précision et de la logistique. Et à ce niveau, il y a une technologie qui dispose d’un potentiel certain : l’étude du champ gravitationnel, baptisée gravimétrie.

Le concept n’est pas nouveau; la gravimétrie est déjà utilisée dans tout un tas de disciplines. On les exploite déjà dans le cadre de la cartographie, de la géologie fondamentale… Une fois résumé sommairement, le concept est assez simple : il s’agit de mesurer les infimes variations du champ gravitationnel provoquées par les différences de masses entre différents objets.

Aujourd’hui, les gravimètres les plus avancés sont capables de performances impressionnantes en laboratoire; mais sur le terrain, lorsqu’il s’agit de réaliser une analyse gravimétrique à l’échelle d’une planète, ils souffrent là encore de problèmes de résolution.

Un relevé gravimétrique de la Lune réalisé par la sonde GRAIL de la NASA. © NASA/JPL-Caltech/MIT/GSFC

Le monde quantique à la rescousse

En effet, il s’agit d’une technique extrêmement sensible; le résultat peut donc facilement être altéré par tout un tas de signaux parasites pourtant très faibles. Une petite variation de la température ou du champ magnétique peut modifier considérablement le résultat final. En termes de résolution spatiale, ces engins commencent donc à loucher dès qu’ils s’intéressent à des objets de l’ordre du mètre.

Pour passer à la vitesse supérieure, les chercheurs anglais ont opté pour une approche radicalement différente, basée sur la physique quantique qui règne en maître dans le monde de l’infiniment petit, à l’échelle des particules. Très sommairement, ce type de gravimètre exploite les propriétés quantiques de la matière, et notamment la notion de superposition.

La superposition, c’est l’idée que des particules quantiques peuvent exister dans deux états, ou voyager selon deux trajectoires différentes simultanément”, explique Kai Bongs, l’un des auteurs de l’étude. “La différence entre ces deux trajectoires crée, en substance, une interférence quantique qui prend fin lorsqu’on rassemble [ces trajectoires]”. Cela leur permet ainsi de déterminer la source de cette interférence, ce qui revient à déterminer l’intensité des forces gravitationnelles en présence. C’est une approche très performante qui permet d’obtenir des résultats d’une précision extrême.

Un outil formidable sur Terre comme dans l’espace

L’équipe anglaise n’est pas la première à s’intéresser aux gravimètres quantiques, loin de là; c’est une approche dont la viabilité a déjà été prouvée en laboratoire depuis des années. Ce qui rend ces travaux si intéressants, c’est qu’ils ont été les premiers à produire un engin à la fois fonctionnel, précis, et surtout compatible avec une utilisation en conditions réelles.

“Notre instrument a été le tout premier à détecter une cible souterraine dans le cadre de travaux d’ingénierie civile, en dehors d’un laboratoire”, explique Bongs. “Il s’agit vraiment d’une avancée dans les applications pratiques de la technologie quantique”, s’enthousiasme-t-il.

Et on comprend son enthousiasme. Un système de ce genre pourrait révolutionner notre rapport au sous-sol. Il permettra aux ingénieurs, géologues et prospecteurs d’explorer les souterrains avec une précision inégalée, et sans la moindre contrainte logistique. Une vraie fenêtre sur les entrailles de la Terre.

Et le potentiel fou de cet engin ne s’arrête pas à la Terre. L’agence spatiale européenne (ESA) elle-même a déjà manifesté son intérêt. Elle espère bien pouvoir intégrer des capteurs de ce genre à sa prochaine génération de satellites afin d’étudier la Terre et d’autres planètes. Cela permettra vraisemblablement de faire des progrès incroyables dans des disciplines diverses et variées comme la biologie, la géologie, la climatologie…

Désormais, l’équipe va travailler à peaufiner son capteur. Il faudra notamment le calibrer à la perfection, s’assurer de sa fiabilité et améliorer sa portabilité. Une fois ces obstacles franchis “d‘ici 5 à 10 ans”, les chercheurs estiment que ce capteur déjà exceptionnel pourrait devenir encore 100 fois plus précis qu’actuellement. La Terre n’aura bientôt plus droit à la moindre intimité !

La publication des chercheurs est disponible ici.

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