La climatologie, c’est avant tout une affaire de tendances et de modèles qui se vérifient sur le long terme. Mais parfois, au fur et à mesure du temps, l’évolution de certains paramètres sur une très longue période peut finir par faire pencher la balance de l’autre côté, de façon souvent brutale et parfois irréversible.
On parle alors de point de basculement, et c’est rarement une bonne nouvelle lorsqu’on les mentionne dans le contexte du changement climatique. Malheureusement, une étude récente estime que la forêt amazonienne se rapproche dangereusement d’un précipice écologique de ce type… et qu’elle aurait peut-être même déjà un pied dans le vide.
Pour proposer cette affirmation alarmante, les chercheurs de l’université d’Exeter se sont basés sur une métrique assez peu explorée jusque là, mais très représentative : la résilience de cet écosystème. Ce terme désigne la capacité de la forêt à récupérer après qu’elle ait été endommagée par le feu, la sécheresse, ou encore l’exploitation pour ne citer qu’eux.
La forêt n’arrive plus à suivre
Lorsque ce score de résilience est satisfaisant, cela signifie que la forêt est capable de se régénérer sans trop de problèmes. Mais s’il passe en dessous d’un seuil précis, elle pourrait devenir incapable d’assurer son propre renouvellement à une vitesse suffisante. Le cas échéant, cela signifierait le début d’une longue descente aux enfers potentiellement irréversible. Le problème tomberait alors hors de tout contrôle et s’aggraverait progressivement jusqu’à ce que la forêt rende son dernier souffle.
D’après les chercheurs, dans le scénario le plus extrême, cette niche écologique inestimable pourrait dépérir au point de se transformer en savane, comme on en trouve en Afrique ou au nord de l’Australie. Or, dans le contexte actuel où l’Amazonie flirte déjà avec ce gouffre depuis trop longtemps, il pourrait suffire d’une pichenette pour l’y précipiter.
C’est en tout cas ce qui se dégage des relevés réalisés dans le cadre de plusieurs études depuis 2000; ces résultats ont été compilés par l’équipe anglaise dans le but d’identifier une tendance globale. Et le résultat n’incite pas à l’optimisme. “La résilience est tombée en flèche lors des sécheresses majeures de 2005 et 2012”, expliquent les chercheurs anglais. “Cela s’inscrit dans le cadre d’une chute globale que l’on constate depuis les années 2000 et qui continue encore aujourd’hui”, martèlent-ils.
Les coupables habituels toujours au rendez-vous
Reste encore à déterminer les causes de ce déclin; et comme souvent, les coupables sont des récidivistes bien connus. “La déforestation et le changement climatique sont vraisemblablement les premiers responsables de ce déclin”, explique le professeur en climatologie Niklas Boers dans le communiqué accompagnant l’étude. En effet, les chercheurs ont observé que le déclin de la résilience est d’autant plus prononcé que la zone est proche de l’activité humaine.
Mais il ne s’agit que de la partie émergée d’un immense iceberg statistique dont tous les éléments pointent tous dans la même direction : l’Amazonie commence à arriver à bout de force, tout simplement. “De nombreux travaux ont théorisé que ce point de basculement pouvait être atteint”, rappelle le communiqué. “Mais notre étude apporte une preuve empirique vitale que nous approchons de ce seuil”, affirment les chercheurs.
Comme toujours lorsqu’on parle de climatologie et de tendance à grande échelle, ces résultats peuvent sembler très abstraits; après tout, cela fait déjà des années que l’on entend parler de déclin de la forêt vierge. Mais les chercheurs ont aussi mis un point d’honneur à rappeler un élément essentiel dans ce contexte : les effets ne sont pas encore visibles à l’oeil nu, certes, mais cela ne signifie pas pour autant que le processus n’est pas déjà en cours.
Un mal encore invisible, mais indiscutable et très sérieux
Si l’on ne le constate pas encore au premier coup d’œil, c’est que cet écosystème dispose encore de quelques réserves. Mais après des années à puiser dedans de façon intensive, elle se rapproche dangereusement du point où elle sera trop faible pour espérer remonter la pente. “Si trop de résistance est perdue, la forêt va dépérir de façon inévitable, mais cela ne sera pas évident avant l’arrivée du point de basculement en lui-même”, explique Boers.
Cette dynamique est d’autant plus inquiétante qu’il s’agit d’un cercle vicieux dramatique. Plus cet écosystème fondamental souffre, moins il peut fournir tout son éventail de services écologiques cruciaux. À l’échelle globale, cela a tendance à faire empirer la situation climatique, ce qui endommage encore davantage la forêt vierge… et ainsi de suite.
On pourrait donc comparer la forêt amazonienne à une personne immunodéprimée coincée dans une pièce remplie de pathogènes divers et variés; il devient urgent de mettre le patient au repos forcé, faute de quoi la forêt sera tout simplement incapable de résister au stress climatique intense qui l’attend au cours des années à venir.
“Cela offre une nouvelle preuve indiscutable qu’il est indispensable d’inverser le processus de déforestation et de dégradation pour lui rendre une partie de sa résistance contre le réchauffement climatique qui n’est pas prêt de s’arrêter”, conclut le communiqué.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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Félicitations, qu’est ce que l’on est bon dans la destruction, au final certains avaient peut être raison, l’humanité se détruira toute seule comme une grande.