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Tourisme spatial : que faire de notre corps si l’on meurt dans l’espace ?

À bien des égards, se délester de nos macchabées dans le vide de l’espace ne sera pas une option viable.

Dans le contexte actuel d’explosion du tourisme spatial, il semble évident que de plus en plus de personnes seront amenées à visiter le cosmos au cours des années à venir. Une perspective évidemment très enthousiasmante, mais qui comporte aussi un revers de la médaille bien moins reluisant : si davantage de monde part visiter l’espace, cela signifie aussi… que nous serons plus nombreux à ne jamais en revenir.

C’est l’objet d’un papier publié par les professeurs anglais Christopher Newman et Nick Caplman, qui enseignent respectivement la législation et la médecine appliquées à l’espace.

Pour construire leur raisonnement, les deux collègues partent d’un constat on ne peut plus pragmatique. Traditionnellement, les astronautes ont toujours dû se soumettre à un entraînement extrêmement rigoureux et à une surveillance médicale très étroite. À eux seuls, ces deux éléments permettaient d’exclure presque à coup sûr l’éventualité de mourir de causes naturelles en plein milieu d’une mission.

Mais le profil des voyageurs de l’espace est en train de changer; des humains tout à fait ordinaires peuvent désormais embarquer à bord d’une fusée, même s’ils sont âgés de près d’un siècle comme nous l’a montré William Shatner en fin d’année dernière.

Nous nous retrouvons avec des personnes qui sont très loin d’avoir les connaissances théoriques, la condition physique, l’état d’esprit et la maîtrise technique d’un vrai astronaute. De plus, ces “astronautes” civils ne seront pas forcément soumis aux mêmes examens médicaux. Dans ce contexte, le risque de mort naturelle reste faible, mais il n’est plus aussi négligeable que dans un environnement strictement professionnel.

Décollage d'une fusée Blue Origin
Le développement de l’aérospatiale commerciale va augmenter le nombre de voyageurs… mais aussi le nombre de personnes qui n’en reviendront jamais. © Blue Origin

Un carrefour éthique “inconfortable, mais inévitable

C’est une problématique qui est encore anecdotique aujourd’hui, mais qui deviendra de plus en plus importante au fur et à mesure que l’humanité entreprendra des voyages de plus en plus longs. Les deux chercheurs estiment donc qu’il devient important de mettre en place les bases d’une procédure concrète.

En effet, la mort dans l’espace cache un ensemble de problématiques logistiques, politiques et éthiques complexes. Cela commence par des soucis très concrets, à commencer par la gestion du cadavre. Car dans le cas d’une mission de longue durée, il serait impossible de rapatrier le corps sur Terre dans un délai acceptable.

Or, laisser un corps sans vie flotter dans l’habitacle n’est évidemment pas concevable. Certes, il ne se décomposerait pas de la même façon que sur Terre à cause de l’absence de micro organismes décomposeurs externes. Mais il faudrait tout de même s’en occuper rapidement; dans le cas contraire, c’est tout l’environnement des autres astronautes qui pourrait être contaminé . Que faire, dans ce cas ?

La conservation du cadavre, un problème aux multiples facettes

On peut évidemment envisager de s’en débarrasser du corps directement dans l’espace. C’est l’option choisie par les personnages de Star Trek avec le cercueil du bien-aimé Spock. D’un point de vue strictement fonctionnel, c’est certainement la démarche la plus optimale, à moins d’aller jusqu’à recycler la dépouille en ressources utiles…. Mais comme le rappellent les chercheurs, cette approche devient difficilement acceptable dès que l’on intègre le facteur humain dans l’équation.

De plus, même si cela semble horrible formulé ainsi, le défunt deviendrait alors un déchet spatial comme un autre. Et c’est une problématique à laquelle les agences sont très attentives à cause du danger qu’ils représentent. En orbite à plusieurs centaines de milliers de kilomètres par heure, un corps humain accumule assez d’énergie cinétique pour pulvériser un vaisseau à l’impact. Il représente donc un danger pour les missions habitées et les équipements scientifiques déjà en place.

Et dans le cadre d’une autre planète, le corps pourrait représenter une forme de contamination biologique interplanétaire. Et c’est quelque chose que toutes les agences souhaitent éviter à tout prix; l’humanité a déjà prouvé qu’elle n’avait pas son pareil pour souiller son environnement. Pas question de reproduire ces erreurs sur d’autres planètes.

C’est également une solution peu souhaitable humainement et médicalement parlant. En plus d’empêcher la famille de retrouver son être aimé, cela pourrait priver la médecine d’une autopsie de grande valeur. En effet, déterminer précisément les conditions de la mort d’un astronaute dans l’espace pourrait apporter des éléments importants; ils pourraient ensuite servir à améliorer la prise en charge des voyageurs suivants.

La solution la plus évidente semble être de construire une morgue à bord du vaisseau ou au sein d’une colonie. Mais là encore, cette solution comporte des inconvénients. En termes d’ingénierie, la masse d’un vaisseau et l’espace disponible sont deux facteurs limitants; dans l’espace, le moindre centimètre et le moindre kilogramme deviennent extrêmement précieux. Il va donc falloir faire des choix  tranchés et les assumer.

Pour apprendre à vivre dans l’espace, il faudra aussi ré-apprendre à y mourir. © Prettysleepy – Pixabay

 

L’importance de l’anticipation

La décision de conserver les corps ou de s’en débarrasser dépasse donc le simple cadre éthique. Elle peut avoir un impact non négligeable sur la viabilité de la mission. Les deux chercheurs expliquent donc qu’il faut s’emparer de ce questionnement dès à présent. C’est important afin de pas laisser de place à l’improvisation le moment venu.

Ils estiment qu’il faut définir une procédure claire pour déterminer la cause de la mort. Et, surtout, ils insistent sur l’urgence de déterminer les responsabilités légales et administratives des différents acteurs impliqués. Cela vaut aussi bien pour l’équipage que les gouvernements en passant par les agences spatiales et les constructeurs. C’est une question déjà complexe en temps normal, mais qui pourrait devenir carrément insoluble dans le cas d’un décès litigieux.

Dans l’ensemble, cette publication très intéressante nous met face à tout un faisceau de questionnements certes inconfortable, mais qui concernent directement l’avenir de notre civilisation, comme l’expliquent les chercheurs dans leur conclusion.

Les questions éthiques qui entourent la mort dans l’espace dépassent toutes les frontières anthropologiques, légales et culturelles. C’est une idée qu’il peut être inconfortable de contempler, mais c’est l’une des nombreuses discussions que nous devrons avoir en tant qu’espèce si nous voulons conquérir l’espace”.

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4 commentaires
  1. Il y a déjà en place un incinérateur géant, à savoir, le soleil ! Pourquoi ne pas diriger les défunts dans leurs derniers voyages vers celui-çi ? D’un point de vue spirituel ce lieu de recueillement serait visible de n’importe quel endroit sur la terre plus de la moitié d’un jour terrestre sans se déplacer de chez soi…

  2. Pour des raisons cités dans l’article comme le fait de pas pouvoir pratiquer d’autopsie et l’impossibilité de rendre le défunt a la famille

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Les commentaires sont fermés.

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