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Greffe d’organes : bientôt des greffons “universels” sans risque de rejet ?

Ces travaux pourraient changer la donne pour des milliers de patients qui demeurent en attente de greffe par manque de donneur compatible.

Dans des travaux repérés par Futura, des chercheurs canadiens sont parvenus à altérer le groupe sanguin d’un greffon afin de le transplanter à un receveur qui aurait autrement été incompatible. Un succès retentissant qui pourrait à terme faire sauter entièrement le verrou de la compatibilité donneur-receveur, ce qui serait une véritable révolution en médecine clinique, mais également en santé publique et même avec des implications sociales.

Aujourd’hui, le processus de greffe est à la fois lourd et très stressant pour les personnes concernées. La raison principale : il est non seulement difficile de trouver des donneurs, en particulier pour des organes vitaux, mais il faut en plus que ceux-ci soient compatibles sur le plan physiologique; c’est pour cette raison qu’on se tourne souvent vers un membre de la famille lorsque l’urgence devient critique.

Construire une compatibilité artificielle

Cette compatibilité est déterminée en analysant différents paramètres physiologiques à commencer par le groupe sanguin. À l’échelle des globules rouges, on remarque que leurs membranes sont parsemées de petits éléments distinctifs qui varient en fonction du groupe sanguin. C’est un marqueur important, car il indique au système immunitaire que les globules rouges font partie de ce qu’on appelle le “soi” en immunologie.

Ce terme désigne tous les éléments qui font intrinsèquement partie de l’organisme, par opposition au “non-soi” qui provient d’une source externe et provoque généralement une réponse immunitaire. Cela fait une différence cruciale dans la façon dont ces éléments sont traités par le système immunitaire.

Les éléments du non-soi seront traqués par une véritable milice composée des différents types d’acteurs de l’immunité. Pour différencier le soi du non-soi, les acteurs de l’immunité vont s’intéresser à des marqueurs distinctifs présents à la surface de l’objet, comme on en trouve à la surface des globules rouges. Et c’est précisément cela qui génère la première couche d’incompatibilité entre deux personnes; si le sang provenant d’un autre individu est d’un groupe incompatible avec celui du receveur, les antigènes de surface du sang transfusé seront assimilés à du non-soi et donc chassés par les acteurs de l’immunité.

Seule exception : le type O, qui est souvent qualifié de “groupe donneur universel” car il comporte à la fois des antigènes de type A et B. Du sang ou des organes de type O peuvent donc être transférés sans risque chez un autre patient, indépendamment de son groupe sanguin. De l’autre côté du spectre, c’est le groupe AB qui se distingue par son statut de receveur universel.

Le groupe sanguin, qui conditionne une partie de la compatibilité donneur-receveur, dépend des éléments présents à la surface de certaines cellules. © historicair

La greffe, un processus délicat et exclusif

Le concept est sensiblement le même dans le cadre d’une greffe, puisque les vaisseaux sanguins présentent aussi ces mêmes antigènes. Et dans ce cas de figure, la présence prolongée d’un élément assimilé au “non-soi” dans l’organisme peut être très grave; si le greffon est incompatible avec le receveur, cela peut causer un syndrome de rejet aux conséquences potentiellement désastreuses. Il y a donc un intérêt évident à développer des techniques permettant de contourner cet obstacle fondamental.

Et c’est précisément ce que sont parvenus à faire des chercheurs américains. Ils sont partis de deux poumons issus d’un donneur de type A sur lequel ils ont pratiqué une technique baptisée Ex Vivo Lung Perfusion (EVLP). Celle-ci permet de maintenir l’organe en vie en dehors du corps pendant l’opération de conversion. Pour cela, le système pompe des fluides nutritifs à température corporelle à travers le système circulatoire de l’organe.

L’un de ces deux poumons a été conservé tel quel jusqu’à la greffe pour servir de contrôle. L’autre, en revanche, a subi un lavage avec un fluide chargé d’enzymes un peu particulières, identifiées par des chercheurs anglais dont l’objectif était de parvenir à produire un sang universel. Ils ont ensuite testé la compatibilité des deux organes en les soumettant à un flux de sang de type O.

Cette technologie pourrait faire une vraie différence sur la façon dont le problème du manque de donneurs est abordé à l’échelle globale. © Guillaume Piron – Pixabay

Seulement une première étape, mais des promesses immenses

Et le résultat s’est avéré assez saisissant. En effet, le poumon traité a été exceptionnellement bien toléré pour un organe issu d’un donneur théoriquement  incompatible. En revanche, le poumon non traité a rapidement présenté des signes de rejet. Cela suggère très clairement que le traitement a été efficace. Les chercheurs ont ainsi posé les bases d’un système permettant de créer des poumons universellement transplantables.

Pas besoin d’être un expert en santé publique pour comprendre les implications potentielles de ce système : il pourrait tout simplement changer la vie de milliers de patients en attente de greffe. C’est d’autant plus vrai pour les patients de type O qui, s’ils sont des donneurs universels, peuvent uniquement recevoir du matériel issu de leur propre type. Cela rend le processus encore plus long et pénible sachant qu’il s‘agit d’un groupe sanguin rare.

Il ne s’agit que d’une preuve de concept initiale. En l’état, il faudra encore de nombreux travaux avant d’obtenir un système fiable et universel; ce n’est donc pas demain que nous pourrons rendre n’importe quel organe compatible avec n’importe quel donneur. Mais c’est bien dans cette direction que se dirige la recherche. Selon toute vraisemblance, nous nous dirigeons donc d’une petite révolution qui pourrait changer la donne avant la démocratisation de la culture d’organes.

Le papier de recherche est disponible ici.

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Source : Science

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