En Europe, lorsqu’on parle de fusion nucléaire, on pense forcément à ITER, le tokamak expérimental en cours de développement dans le sud de la France. Mais ce n’est pas le seul projet à travailler sur la fusion sur le vieux continent; il faut aussi mentionner le Joint European Torus, ou JET, localisé à Oxfordshire au Royaume-Uni. Et ses responsables viennent de publier des résultats de test impressionnants, qui ont vu la machine battre un record de production d’énergie vieux de 24 ans.
En effet, le 21 décembre 2021, le tokamak du JET est parvenu à produire 59 mégajoules d’énergie en l’espace de cinq petites secondes. C’est plus du double du précédent record de 21,7 mégajoules établi en 1997. Dans l’absolu, ce chiffre n’a rien de révolutionnaire; cette énergie serait à peine suffisante pour faire bouillir quelques dizaines de casseroles.
Un petit pas pour le JET, un pas de géant pour la fusion commerciale
Ce qui rend cette expérience concluante, c’est plutôt la durée; en maintenant leur étoile artificielle en vie pendant plus de cinq secondes à un tel niveau d’intensité, les chercheurs ont pu valider la viabilité du protocole qu’ils travaillent à optimiser depuis plus de 20 ans. “C’est une durée qui semble courte, mais à l’échelle de la fusion, c’est une éternité”, explique le physicien Arthur Turrell, interviewé par la BBC.
Et ce sont des travaux dont la portée dépasse de loin le cadre de cette installation; ils seront très utiles pour l’ensemble des travaux sur la fusion, à commencer par le fameux projet ITER. En effet, le JET n’a absolument pas vocation à devenir un concurrent. Il s’agit avant tout d’une plateforme de recherche complémentaire au service du tokamak basé en France.
Les enjeux de cette expérience étaient donc considérables, car le protocole qui a été testé est sensiblement le même que celui qui permettra à ITER d’atteindre ses objectifs. “Les enjeux étaient élevés. Il fallait que ces expériences fonctionnent”, insiste Ian Chapman, responsable du JET interviewé par la BBC. “Dans le cas contraire, nous aurions pu être très inquiets de la viabilité d’ITER”, concède-t-il avec un soulagement palpable. Il y a donc légitimement de quoi être très enthousiaste sur l’avenir de cette technologie. “Jet s’est comporté comme prévu, et le même modèle nous dit que ça sera également le cas pour ITER”, affirme la physicienne Josefile Proll interviewée par la revue Nature.
La route est désormais toute tracée
Désormais, c’est ce dernier qui devra prendre le relais, car ce bon vieux JET commence à arriver à l’extrême limite de ses capacités. C’est à ITER que reviendra la lourde tâche de passer le cap de la rentabilité. Car à l’heure actuelle, ces installations expérimentales consomment encore bien plus d’énergie qu’elles en produisent. Mais le modèle qui a été validé par le JET confirme qu’il est théoriquement possible d’inverser cette tendance afin de produire de l’énergie à grande échelle.
Évidemment, il reste encore de nombreux obstacles à franchir, et il faudra encore patienter un long moment avant de parvenir à la fusion commerciale; le CEA rappelle que les premiers plasmas d’ITER ne sont pas attendus avant 2030, et il faudra encore plusieurs décennies supplémentaires avant de voir fleurir les premières centrales à fusion. Mais ces derniers mois, nous avons vu se succéder plusieurs avancées remarquables dans ce domaine, ce qui démontre que la recherche progresse rapidement. Et les chercheurs ne peuvent que s’en satisfaire, sachant combien la maîtrise de la fusion nucléaire pourrait bouleverser la trajectoire de notre civilisation.
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“Une représentation simplifiée du tokamak d’ITER, le projet européen de fusion nucléaire basé en France. © ITER”
C’est un projet international