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Neuralink : l’interface cerveau-machine de Musk inquiète la communauté scientifique

Les interfaces cerveau-machines comme Neuralink sont fascinantes, mais il faudra veiller à négocier ce virage générationnel avec précision.

Elon Musk aime aller (trop) vite, ce n’est un secret pour personne. Une philosophie qui fait partie intégrante du succès de SpaceX et Tesla. Mais le milliardaire finance également des projets qui pourraient avoir des conséquences encore plus importantes pour notre civilisation dans un futur relativement proche, et avec lesquels cette addiction à la vitesse ne fait pas bon ménage; on pense notamment à sa firme Neuralink, qui va bientôt lancer l’essai clinique de son interface cerveau-machine (ou BCI, pour brain-computer interface). Il ambitionne d’en faire la première BCI grand public, disponible librement sur le marché. Une perspective qui enthousiasme la communauté scientifique autant qu’elle la terrifie.

C’est en tout cas ce qui ressort des entretiens de Daily Beast avec plusieurs scientifiques. Dans un article repéré par Futura Sciences, le média a offert une tribune à des chercheurs qui ont exprimé leurs réserves vis-à-vis de cette technologie. Pour rappel, les interfaces cerveau-machine font partie de ces technologies qui semblent bien parties pour transformer entièrement notre civilisation. Les observateurs s’attendent à ce qu’elles permettent un jour de soigner tout un tas de soucis neurologiques très handicapants. Il espère ainsi que des aveugles pourront retrouver la vue, que des paraplégiques récupéreront l’usage de leurs membres, et ainsi de suite. À terme, l’objectif sera même de verser dans le transhumanisme pur et dur en augmentant les capacités humaines. Sur le papier, il sera par exemple possible d’effectuer une recherche sur Internet à la seule force de la pensée.

Les lubies d’Elon Musk face à la réalité du terrain

Des promesses fabuleuses qui laissent de nombreux spécialistes sceptiques. Certains estiment que le grand public se concentre trop sur les bénéfices, au point d’en oublier tous les revers potentiels. Et cela commence par l’aspect pratique de la question; en effet, de nombreux chercheurs considèrent encore que cette technologie n’est pas assez mature. Pour eux, nous ne disposons tout simplement pas encore du recul nécessaire pour envisager sereinement des essais cliniques comme le prévoit Neuralink.

Par exemple, des spécialistes des neurosciences expliquent que si nous devenons aujourd’hui très bons lorsqu’il s’agit de poser des implants cérébraux, c’est très différent lorsqu’il s’agit de les retirer en cas de souci. “Si quelque chose se passe mal, nous n’avons vraiment pas la technologie nécessaire pour les extraire”, affirme Laura Cabrera, neurobiologiste à l’Université de Penn State. D’autres doutent tout simplement de la pertinence des BCI pour ce type d’applications thérapeutiques. Ils estiment donc qu’il faut aussi modérer les attentes du public, et remettre en perspective les hyperboles sensationnalistes et promesses folles dont Musk a le secret.

© Geralt – Pixabay

La liberté cognitive, une notion cruciale à développer

Mais la partie la plus conséquente est certainement le volet éthique de la question. “Je ne pense pas qu’il y ait suffisamment de débat public sur les implications à long terme de la disponibilité globale d’une telle technologie”, alerte Karola Kreitmair, professeure de bioéthique et d’histoire de la médecine à l’Université de Washington-Wisconsin. Et si Neuralink est déjà très avancé sur le plan technique, force est de constater que ce volet éthique est relativement passé à la trappe, victime du rythme infernal souhaité par Musk.

Notre cerveau, c’est le dernier bastion de la liberté, le dernier endroit où nous ayons droit à une confidentialité absolue”, embraye Nita Farahany, spécialiste des technologies émergentes à l’Université de Duke. Or, certains aspects des BCI ouvrent la porte à une “exploitation par des corporations, gouvernements, et autres acteurs potentiellement malveillants”, insiste-t-elle.

Pour elle, il y a donc une urgence absolue à éduquer le grand public à cette technologie pour préparer son arrivée avant d’être mis devant le fait accompli. Cela permettra alors de gérer la transition le mieux possible. “Quand on a des entreprises comme Neuralink qui parlent de démarrer des essais cliniques, cela devrait alerter le reste du monde sur la nécessité de développer des concepts comme la liberté cognitive”, insiste-t-elle.

Des risques de dérives à tous les étages

Et c’est bien là que se trouve le point central de cette problématique. Car de nombreux observateurs estiment qu’il y a un risque bien réel de voir des acteurs externes exploiter les données issues de nos ciboulots à des fins commerciales; une hypothèse d’autant plus tangible quand on sait que certains d’entre eux, dont Elon Musk, auraient un intérêt évident à le faire.

Si le but ultime est d’utiliser les données du cerveau dans d’autres systèmes – par exemple, pour conduire des Teslas -, il pourrait y avoir un marché encore bien plus important, bien au-delà de l’aspect thérapeutique”, explique L. Syd Johnson, professeur de bioéthique à la SUNY Upstate Medical University. “Dans ce cas, tous ces patients avec de vrais besoins seraient exploités dans le cadre de travaux risqués qui bénéficieraient à quelqu’un d’autre”, prévient-il.

Et il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg. On peut ainsi citer des dizaines de sujets plus ou moins abstraits où les BCI pourraient être à l’origine de gros problèmes éthiques, notamment dans le cas de la fin de vie d’une entreprise. Et cela commence par des considérations on ne peut plus concrètes. Par exemple, que se passe-t-il si l’opérateur fait faillite et que des patients se retrouvent piégés avec un implant défectueux ? Et dans ce cas, qui hérite de la gestion des données ? Le patient aura-t-il son mot à dire ? Et que se passera-t-il si une telle entreprise était rachetée par un autre pays ?

Cela ne fait aucun doute, les BCI disposent d’un potentiel immense qu’il serait dommage de sacrifier entièrement. Mais il serait également très déraisonnable de faire abstraction de ces considérations; en effet, c’est le genre de technologie qui, tôt ou tard, va vraisemblablement changer la trajectoire de notre civilisation – pour le meilleur ou pour le pire. D’ici là, il faut donc alimenter le débat pour préparer au mieux cette échéance.

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2 commentaires
  1. Il est temps maintenant ! Neuralink n’est pas si recent, des tests ont déjà été réalisés. Des patients souffres et veulent faire partie du panel testeur. Quoi qu’il en coûte.
    Les vaccins ARN nous aident bien pour l’ épidémie en cours. Pourtant nous n’avons pas de recul.
    La balle administrative est dans le camp des politiques. Il ne faut pas trainer des pieds sans quoi nous seront en retard d’un train.

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