La paléontologie est une discipline particulièrement exigeante, qui consiste bien souvent à chercher une aiguille inconnue dans une botte de foin à l’échelle d’un continent. Mais parfois, grâce à des études préliminaires solides et une bonne dose de chance, certains spécialistes réussissent à exhumer des objets tout simplement exceptionnels. C’est le cas des chercheurs de l’université de Birmingham; ils ont déniché un fossile d’embryon de dinosaure dans un état de conservation stupéfiant malgré ses 66 millions d’années.
Il s’agit d’une pièce rarissime, car les bébés dinosaures sont extrêmement fragiles, et il en existe donc très peu à l’état fossilisé. “C’est un spécimen incroyable”, souffle Darla Selenitsky, professeur de géosciences à l’Université de Calgary et co-autrice de l’étude. “J’ai travaillé sur des œufs de dinosaures pendant 25 ans, mais je n’ai jamais rien vu de tel”, s’enthousiasme-t-elle.
Pourtant, cet objet découvert sur une exploitation minière en Chine a bien failli tomber dans l’oubli. Depuis qu’il a été collecté en 2000 dans le Jiangxi -une région célèbre pour ses incroyables filons de fossiles-, il a passé des années dans une réserve obscure; le potentiel de ce trésor caché n’a été identifié que dix ans plus tard, par hasard, à l’occasion d’un inventaire précédant la construction d’un musée d’histoire naturelle. Depuis, il est méticuleusement analysé par les chercheurs. Et il y avait tant d’informations à en tirer que leur papier de recherche vient à peine de paraître, plus de dix ans plus tard.
Du raptor au rapace
Les auteurs y décrivent un “embryon magnifiquement préservé dans son œuf”, bien loin des autres spécimens de ce type qui sont habituellement “incomplets et désarticulés”. Cet état de conservation phénoménal a permis aux chercheurs d’identifier un crâne profond et sans dents, des pattes à trois orteils ainsi qu’un squelette creux; de quoi le classer parmi les oviraptorosaures, un groupe de bipèdes assez proches des oiseaux actuels.
Les chercheurs ont également pu analyser la posture de l’embryon dans l’œuf; ils ont alors constaté qu’il reposait sur le flanc avec sa tête repliée contre son corps. Une position qui rappelle là encore les oiseaux actuels; en revanche, elle n’avait encore jamais été observée chez ce groupe de dinosaures.
C’est un détail particulièrement intéressant pour les chercheurs. Car jusqu’à présent, les spécialistes considéraient que cette particularité était apparue assez récemment chez les oiseaux modernes. Cette observation fait voler cette hypothèse en éclats, mais pourrait bien défricher de nouvelles pistes de recherche; les auteurs de l’étude suggèrent que ce fossile pourrait receler des indices capitaux sur l’histoire évolutive des dinosaures. Une bonne occasion d’en apprendre davantage sur le processus de sélection qui a mené à l’apparition des oiseaux modernes.
Mais pour cela, il faudra analyser d’autres fossiles d’animaux comparables et datant de la même époque. Et il ne faudra pas compter sur cette équipe de chercheurs pour s’y atteler de sitôt. Non pas qu’ils soient paresseux, bien au contraire; ils souhaitent d’abord finir d’étudier ce spécimen incroyable qui est encore loin d’avoir livré tous ses secrets. Il leur faudra encore plusieurs mois, voire années pour le soumettre à toutes les techniques d’imagerie moderne, et encore davantage pour en interpréter les résultats. Il va falloir être patients !
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