En Chine, on ne plaisante pas avec les célébrations officielles du parti communiste; même la météo est gentiment priée de se mettre au diapason; pour s’en assurer, le gouvernement est prêt à lui forcer la main. Et à coups de canon, s’il le faut !
C’est l’approche étonnante choisie par le gouvernement à l’occasion du centenaire du Parti communiste, date incontournable du calendrier chinois. Les responsables ont mis les petits plats dans les grands pour faire étalage de leur puissance devant leurs concitoyens et la communauté internationale. Dès lors, pas question de laisser le moindre détail au hasard.
Le souci, c’est que l’atmosphère chinoise est considérablement polluée par l’industrie tentaculaire du pays, et la qualité de l’air s’en ressent. Cela fait mauvais genre dans le contexte actuel, alors que Xi Jinping souhaite présenter son pays comme un parangon de vertu climatique et environnementale. Pour s’en débarrasser, le gouvernement a demandé à l’industrie de ralentir le rythme le temps des célébrations. Mais cela n’a pas suffi, et il a donc opté pour une approche plus radicale : sortir l’artillerie lourde, quitte à tirer des roquettes remplies d’iodure d’argent dans le ciel au beau milieu de Pékin.
Jouer avec les nuages
C’est une technique déjà bien connue, et baptisée “ensemencement de nuage”. Le concept est assez simple : il se base sur des substances comme ce fameux iodure d’argent, qui ont la particularité de rompre l’équilibre délicat des nuages. Ce composé peut être relargué par différents procédés (fumigateurs au sol, avions, projectiles…), mais le résultat est le même; une fois dans l’air, il sert de point de fixation à des tas de microgouttelettes en suspension. Très sommairement, cela accélère la condensation et la croissance des gouttelettes, qui finissent par alors tomber : c’est donc une façon de provoquer une pluie artificielle lorsque les conditions (température, humidité…) sont déjà réunies.
Malgré les très nombreuses controverses qui l’entourent, cette technique est utilisée depuis les années 50 pour répondre à des situations de sécheresse prolongée, y compris en Chine. D’autres pays, comme l’Australie, l’utilisent de manière préventive pour empêcher que la grêle ne détruise les récoltes. Mais la pluie a aussi d’autres vertus; chaque goutte est notamment capable de piéger des tas d’aérosols et d’autres particules présentes dans l’air avant de toucher le sol. En pratique, cela se traduit par une baisse de la concentration en polluants atmosphériques après une averse.
Rebelote pendant les Jeux Olympiques ?
C’est précisément ce phénomène que la Chine a exploité dans le cadre de ses célébrations. En canardant les nuages à grands coups de projectiles pleins d’iodure d’argent, le gouvernement a donc fait d’une pierre deux coups. Il s’est assuré que le Soleil serait au garde-à-vous pendant toute la cérémonie, mais aussi que les dizaines de milliers de spectateurs ne souffriraient d’aucune gêne respiratoire liée à la pollution.
D’après une étude citée par le South China Morning Post, la manœuvre aurait permis de réduire les niveaux de certaines particules fines (les PM2,5) de plus de deux tiers. De quoi arriver à une qualité de l’air jugée “bonne” selon les critères de l’Organisaiton Mondiale de la Santé.
La manœuvre semble donc avoir fonctionné, du moins à court terme. Car les effets sur la santé et l’environnement de l’iodure d’argent font encore l’objet d’un âpre débat dans la communauté scientifique. Il sera donc intéressant de voir quelle sera la réaction des observateurs si la Chine réitère la manœuvre lors d’autres événements importants pour son image de marque, comme les jeux Olympiques d’hiver de 2022.
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