Outre ses fusées et ses bolides électriques, Elon Musk est aussi connu pour ses opinions souvent très tranchées, surtout en matière de business. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que sa dernière saillie n’est pas passée inaperçue; selon lui, le gouvernement américain devrait purement et simplement cesser de subventionner les entreprises.
Le milliardaire faisait partie des invités à l’édition du prestigieux CEO, une table ronde organisée par le Wall Street Journal, qui rassemble certains des dirigeants les plus influents de la planète. Mais au beau milieu de ce parterre de magnats, on peut affirmer sans risque que le patron de Tesla ne s’est pas mis tout le monde dans la poche; il a profité de l’occasion pour affirmer qu’il souhaitait la fin de toutes les subventions. “Je dis littéralement : débarassez-vous de toutes les subventions”, a-t-il lâché.
Une saillie prise comme une blague par l’auditoire, qui a commencé par s’en amuser. Mais le milliardaire persiste et signe; il estime que le gouvernement américain a consacré trop d’argent à alimenter des filières dont l’avenir s’inscrit en pointillé. “Nous avons dépensé tellement d’argent…”, se justifie-t-il. “Le déficit du budget fédéral est complètement fou.”
La loi de la jungle selon Musk
A ce stade, tout l’auditoire avait d’ailleurs déjà deviné sur quel exemple le magnat des véhicules électriques basait son argumentaire : il s’agit bien évidemment des énergies fossiles. “Avons-nous vraiment besoin de soutenir les stations essence ? Je ne pense pas. Donc il n’y a pas besoin de [ces subventions]”, embraye-t-il sèchement.
Rien d’étonnant de la part d’un milliardaire qui a construit sa fortune sur une technologie concurrente. De plus, Musk n’a jamais fait mystère de sa conception très nord-américaine du business. Pour lui, le commerce, c’est avant tout la loi de la jungle. Il conçoit le marché comme un eldorado impitoyable où s’opère une forme de sélection naturelle; les plus forts survivent tandis que les autres meurent.
Si l’on suit son raisonnement, on comprend qu’il juge inutile de subventionner des filières jugées incompatibles avec les objectifs sociaux et environnementaux, et donc vouées à l’échec selon lui. Une analyse pas entièrement dénuée de fondements, même si la forme est discutable.
Tesla a largement bénéficié de ces subventions
Mais il faut cependant nuancer cette lecture de la situation avec une autre information importante dans ce contexte. Car en théorie, ces subventions sont souvent employées comme moyens de pousser un marché vers un nouveau modèle plus en adéquation avec les problématiques du futur (les économistes parlent alors de nudge). Cela vous rappelle-t-il quelqu’un ?
Car Musk a clairement omis de mentionner un détail crucial dans son exposé. Il est vrai que, comme il l’affirme, il n’existait aucune subvention au moment où il a créé Tesla. Ce qu’il oublie de préciser, en revanche, c’est que sa firme en a très largement bénéficié par la suite. Elle doit même une grande partie de son ascension fulgurante à ces subventions. Et on ne parle pas de petite monnaie, mais bien de milliards de dollars en aides gouvernementales. Même si elles ont pris fin en 2020, il est indiscutable que la marque ne serait pas là où elle en est aujourd’hui sans ce portefeuille qui lui a permis d’être extrêmement agressif sur le marché. Oups !
En substance, Musk cherche donc à brûler un pont qu’il est plus ou moins le seul à avoir eu le temps de traverser. Pour certains observateurs, il s‘agit d’une vision clivante, mais pragmatique d’un monde en pleine évolution. D’autres, au contraire, y voient une réflexion hypocrite d’un milliardaire qui a déjà la tête à moitié sur Mars à défaut d’avoir les pieds sur Terre. En tout cas, une chose est sûre : Tesla continue sa marche en avant, et il ne faut pas compter sur Musk pour s’embarrasser de la concurrence.
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