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Espace : l’Europe va (enfin) développer son propre lanceur réutilisable

Mieux vaut tard que jamais : quatre ans après le premier vol “recyclé” de SpaceX, l’Europe a annoncé qu’elle allait enfin développer son propre lanceur spatial réutilisable.

Depuis quelques années, lorsqu’il est question de l’aérospatiale française, le grand public entend surtout parler de Thomas Pesquet ou du site de Kourou, dont partira bientôt le James Webb Space Telescope. Pour ce qui est du matériel et surtout des fusées, les Américains se taillent encore et toujours la part du lion. Mais le Vieux Continent entend désormais contester cette domination. Bruno Le Maire a annoncé hier l’arrivée prochaine de Maïa, un nouveau lanceur réutilisable qui volera sous pavillon européen.

Il s’agira d’un lanceur pour satellites de petit volume développé par ArianeGroup. Son PDG André-Hubert Roussel, interviewé par France Inter, assure que le projet ne “part pas de zéro” et entend bien proposer un produit fini d’ici 2026. Un calendrier pour le moins ambitieux, connaissant les délais de développement et les retards qui font partie intégrante de cette industrie. Mais ce délai assez court est motivé par une situation de relative urgence; il s’agit avant tout de réduire l’écart avec les Américains. Et pour l’aérospatiale française, cela commence à ressembler à une question de vie ou de mort.

“Réparer un mauvais choix stratégique”

Pour comprendre l’origine de cette urgence, il faut remonter une dizaine d’années en arrière. A l’époque, cette philosophie tenait encore du pari très audacieux; les institutions européennes ont donc joué la sécurité en pariant sur un lanceur à usage unique pour Ariane 6. Mais avec le recul, il est désormais clair qu’il s’agissait d’un “mauvais choix stratégique”, comme Bruno Le Maire l’a d’ailleurs admis sans détour. Et le mot est faible, sachant à quel point le paysage de l’aérospatiale a changé dans le sillage de SpaceX.

La firme d’Elon Musk a depuis montré une certaine maîtrise en la matière avec son Falcon 9, qui est aujourd’hui la star incontestée du catalogue. Aujourd’hui, sa réutilisation relève plus ou moins de la routine. Cette approche s’est donc imposée comme le nouveau standard. De quoi faire passer Ariane 6 pour un véritable dinosaure technologique. Pas idéal pour un projet à plus de 3,6 milliards d’euros qui devait ramener l’aérospatiale française sur le devant de la scène…

L’Europe enfin en ordre de marche ?

Du côté d’ArianeGroup et du gouvernement français, on défend cependant le bien-fondé de cette trajectoire. Le ministre se dit “convaincu que cette approche est complémentaire d’Ariane 6”. Il s’agit probablement d’une façon d’éviter un aveu d’échec cuisant. Mais ce n’est pas seulement de langue de bois pour autant. Car cette annonce contient tout de même un message fort en toile de fond; on peut effectivement l’interpréter comme un signe de la réconciliation entre l’aérospatiale allemande et française.

Pour rappel, les deux pays sont les deux principaux contributeurs du projet (56% pour la France et 22% pour l’Allemagne, selon Le Monde). Mais ils étaient en désaccord complet sur la stratégie à adopter; nos voisins défendaient une approche très différente de celle de Paris. Plutôt contre-productif, car contrairement aux États-Unis, l’Europe gère l’espace de façon collégiale; si un pays freine des quatre fers, c’est tout le programme qui est paralysé.

Ce facteur a directement contribué au retard accumulé par rapport à l’Oncle Sam. L’annonce de Maïa semble donc clore ce chapitre ô combien  contre-productif. L’aérospatiale européenne reprend donc instantanément des couleurs. Cela suffira-t-il à “rivaliser avec les Américains et bientôt les Chinois”, comme l’affirme le ministre ? Avant de tirer ainsi des plans sur la comète, il serait déjà intéressant de rattraper une partie de notre retard. Mais pour la première fois depuis un certain temps, l’Europe semble disposer d’une feuille de route cohérente dans ce secteur stratégique, et c’est déjà une bonne nouvelle. Il sera donc très intéressant de voir si les efforts déployés par l’Europe seront à la hauteur de ses ambitions.

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