Après des années de spéculations sur la faisabilité concrète d’un tle projet, des scientifiques sont enfin parvenus à doter des robots d’une capacité absolument remarquable : une forme de reproduction !
Ces travaux ont été réalisés par des chercheurs issus des universités du Vermont, de Tufts, et surtout de l’institut Wyss, un laboratoire de Harvard spécialisé dans l’ingénierie inspirée du vivant. Ces derniers s’illustrent régulièrement avec des travaux souvent très originaux et assez bluffants, autant sur le plan technique que dans leurs implications. Et ces “xenobots” ne font pas exception.
Ces machines sont remarquables jusque dans leurs origines, puisqu’elles ont été développées sur la base de plans générés par une intelligence artificielle. Au lieu d’être constitués de silicium, ces petits robots sont construits de cellules souches collectés sur des embryons de grenouilles. Ces cellules sont ensuite consciencieusement agencées en conformité avec l’un des milliards de modèles générés par l’IA.
C’est important, car ces différentes cellules souches vont ensuite se différencier en plusieurs types de cellules aux rôles bien distincts.Dans cette expérience, il y a deux types de cellules particulièrement importants. D’un côté, on a des cellules épithéliales qui servent de support rigide. De l’autre, des cellules cardiaques jouent le rôle de propulseur en se contractant.
Puisque la forme exacte de ces petits robots est prédéterminée au cours d’une simulation, les chercheurs peuvent donc en produire de très nombreuses variétés, adaptées à diverses fonctions. À l’heure actuelle, des chercheurs ont déjà produit des xenobots qui “nagent, marchent, poussent des gravillons, portent des charges”… Ils peuvent aussi accomplir des tâches plus complexes et coordonnées. Ils peuvent par exemple se rassembler en essaims pour “balayer” une surface en rassemblant tous les déchets à un même endroit. Mieux : ils sont même capables de s’auto-régénérer et d’enregistrer des “souvenirs”.
“Réinventer la multicellularité”
En mars dernier, leurs concepteurs ont passé un cap très important en se posant une drôle de question; “que se passerait-il si on “libérait” les cellules de toutes leurs contraintes structurelles ?” Ou en d’autres termes, pour reprendre la formule du biologiste Michael Levin : “qu’est-ce que ces cellules construiraient si on leur donnait l’opportunité de ré-inventer la multicellularité ?”
Ils ont donc tenté différentes approches pour laisser ces cellules s’assembler spontanément. Le résultat a été une deuxième génération de xenobots capables de se former seuls, sans assistance ou guidage humain. Un progrès impressionnant, mais encore bien loin de l’exploit de la troisième génération; ceux-ci sont en effet capables de se reproduire !
Les chercheurs avaient déjà observé que ces organismes étaient capables de se répliquer. Mais jusqu’à présent, tous les bébés xénobots ainsi produits étaient morts assez rapidement. Ils ont donc ressorti leur intelligence artificielle pour tester quelques milliards de formes supplémentaires. Mais cette fois, ils avaient une idée très précise de ce qu’ils voulaient obtenir : un xenobot capable de produire une descendance stable.
Au bout du compte, leur système a proposé un assemblage au comportement absolument incroyable. Avec ses airs de Pac-Man, ce xenobot arpente sa boîte de Petri à la recherche de cellules isolées. Une fois qu’il en a collecté assez, il les compacte en une seule et même structure qui donnera ensuite un nouveau xenobot, et ainsi de suite !
Une nouvelle conception fonctionnelle du vivant
C’est une observation aussi exceptionnelle que profonde dans ses implications. Car en définitive, cet objet n’est pas du tout une sorte de chimère; l’ensemble contient exclusivement le génome naturel de la grenouille, mais libéré des contraintes de structure qui auraient autrement forcé ces cellules à devenir un têtard.
“C’est fondamentalement différent de la façon dont les grenouilles le font habituellement”, souffle Sam Kriegman, auteur principal de l’étude. “Aucun animal ou plante connue ne se réplique de cette façon”. Cette différence fondamentale de fonctionnement a laissé les chercheurs. “Nous avons découvert cet espace complètement inconnu dans les systèmes vivants”, explique le biologiste Josh Bongard. “Nous avons des Xenoboyts qui nagent, qui marchent, et maintenant qui se reproduisent. La question, c’est désormais de savoir ce qu’il y a d’autre à découvrir dans cet espace.”
Et à partir de là, les possibilités théoriques sont sans limites. Les chercheurs espèrent désormais pouvoir améliorer leur IA. l’objectif serait de pouvoir produire très rapidement un xenobot capable d’accomplir une fonction biologique précise, comme “déployer ces machines vivantes pour extraire les microplastiques d’un cours d’eau, ou produire de nouveaux médicaments”, explique Bongard.
Et les implications potentielles pourraient même aller bien plus loin. “Si nous parvenons à leur faire faire précisément ce que l’on veut, au bout du compte, c’est la solution ultime en médecine régénérative. Ca serait la solution à des traumatismes graves, des malformations de naissance, des cancers, ou même le vieillissement”, s’enthousiasme Levin. “Tous ces problèmes existent parce qu’on ne sait pas comment prédire et contrôler quels groupes de cellules vont se former. Les xenobots sont une nouvelle plateforme pour en apprendre plus à ce sujet.”
Le texte de l’étude est disponible ici.
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