La météo spatiale n’est décidément pas au beau fixe en ce moment. D’après The Verge, hier matin, la Russie aurait intentionnellement détruit son propre satellite Kosmos-1408. L’incident serait survenu dans le cadre d’un test de missile air-espace, ou ASAT. Le test n’a pas été confirmé par les autorités russes, mais semble avoir été un grand succès; il a laissé derrière lui des milliers de débris et fragments, dont 1500 suffisamment volumineux pour être tracés à distance.
Une véritable pluie de débris en somme, à tel point que les astronautes ont été sommés de se mettre à l’abri. Il leur a été demandé de trouver refuge dans les différents vaisseaux amarrés à l’ISS, dont le Crew Dragon de SpaceX. Mais cela ne signifie pas que leurs parois ont moins de chance d’être perforées que celles de la station lors d’un impact. Car à plusieurs milliers de kilomètres par heure, même des petits débris pourraient pulvériser la paroi d’une capsule comme une vulgaire feuille de papier.
L’objectif est donc plutôt d’être prêt à quitter le navire à toute vitesse en cas d’urgence. Heureusement, les deux passages successifs du nuage de débris ont tous les deux manqué la station. Roscosmos, l’agence spatiale russe qui dispose de deux représentants à bord, a annoncé que “l’orbite de l’objet s’était éloignée de celle de l”ISS”, et que les astronautes avaient repris leurs opérations de routine.
The @Space_Station crew is routinely performing operations according to the flight program.
The orbit of the object, which forced the crew today to move into spacecraft according to standard procedures, has moved away from the ISS orbit.
The station is in the green zone. pic.twitter.com/MVHVACSpmT
— РОСКОСМОС (@roscosmos) November 15, 2021
La NASA n’a pas été prévenue
Mais l’incident n’est pas clos pour autant, loin de là. Du côté de Washington, on s’indigne déjà de cet épisode pour diverses raisons. A commencer par la sécurité des astronautes actuels et futurs. Car si l’ISS est hors de danger immédiat, ces débris demeurent en orbite pendant de très longues années; ils constituent alors autant d’obstacles supplémentaires aux prochaines missions spatiales. Les États-Unis enragent également du fait que la Russie a procédé à un nouveau test de ce type, après deux premiers tests en mai et juillet 2020.
“Je suis outré par cet acte irresponsable et déstabilisant”, s’indigne Bill Nelson, administrateur de la NASA interviewé par The Verge. “Avec sa longue et dense histoire dans l’aérospatiale, il est sidérant que la Russie mette en danger non seulement les astronautes américains et internationaux de l’ISS, mais même ses propres cosmonautes !”, fulmine-t-il. “Toutes les nations ont la responsabilité d’empêcher la création de débris spatiaux lors de leurs ASATs, et d’entretenir un environnement spatial sain, sûr et viable sur le long terme“, précise l’agence dans un communiqué.
Certains observateurs externes ont également accusé la Russie de se montrer de plus en plus négligente; sur les derniers mois, plusieurs segments russes de l’ISS ont déjà connu de grosses difficultés techniques qui ont mis en péril l’intégralité de la structure. On se souvient par exemple de l’incident Nauka qui avait mis toute la station en rotation. Il y a aussi eu des déclarations d’un officiel russe qui s’attend à une “avalanche de défaillances” d’ici 2025. La Russie, prévoit d’ailleurs de quitter l’ISS à cette date pour se concentrer sur sa propre infrastructure.
La suprématie spatiale, enjeu majeur de la géopolitique de demain
Ces tests d’armes antisatellite sont à ranger dans la même catégorie que les essais nucléaires; comme toutes les technologies militaires de pointe, il s’agit traditionnellement d’une démonstration de force sur la scène internationale. Le problème, c’est que chacune de ces exhibitions produit de grandes quantités de débris. Nous nous rapprochons donc du fameux syndrome de Kessler, ce fameux scénario catastrophe où l’orbite terrestre serait saturée de débris issus de multiples collisions en chaîne au point d’en être impraticable.
La Russie n’est pourtant pas la seule qui mérite des remontrances à ce niveau-là. En 2007, la Chine s’était déjà fait remarquer avec un test de ce genre en détruisant son satellite Fengyun 1C. C’est même l’exemple parfait pour illustrer le fait que ces débris constituent une vraie épée de Damoclès; il s’agit d’une menace qui peut rester suspendue en orbite pendant des années. Ce test avait à l’époque créé un vaste champ de débris, dont certains sont toujours prisonniers de l’orbite terrestre aujourd’hui. L’un d’entre eux a même forcé cette “inébranlable tour d’ivoire” à dévier de son orbite en urgence pour éviter une collision. Cet incident est survenu la semaine dernière, soit près de 15 ans après le test initial.
On comprend donc aisément la frustration de l’administrateur Nelson, sachant que les voyages vers l’espace se démocratisent. Mais les États-Unis ne sont pas irréprochables pour autant : ils ont eux aussi procédé à un test ASAT en 2008. Et d’après The Verge, celui-ci contenait d’ailleurs de grandes quantités d’hydrazine, un carburant particulièrement toxique. Le gouvernement avait à l’époque annoncé que le test était une façon de protéger les civils au sol. Reste désormais à voir quelle nation réalisera le prochain test ASAT et quand; le moment venu, il sera intéressant d’observer quelles mesures sont mises en place pour éviter de produire trop de débris.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.