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Pour Jeff Bezos, Blue Origin doit devenir une agence immobilière spatiale

La retraite de l’ISS va ouvrir un nouveau pan de l’aérospatiale au privé; une brèche dans laquelle Jeff Bezos prévoit déjà de s’engouffrer.

Blue Origin a dévoilé aujourd’hui son dernier grand projet en date : construire sa propre station spatiale. Cette structure baptisée Orbital Reef sera un espace polyvalent. Elle pourra ainsi servir de laboratoire, d’hôtel… Mais dans tous les cas, pas question d’en faire un sanctuaire partagé au service de la science, comme la Station Spatiale Internationale.

Après tout, nous sommes au royaume de Jeff Bezos, et cette infrastructure sera naturellement louée au plus offrant. Une version commerciale et privée de l’ISS, en somme. “En tant que destination commerciale de premier plan en orbite terrestre basse, Orbital Reef offrira l’infrastructure nécessaire pour étendre l’activité économique et ouvrir de nouveaux marchés dans l’espace”, peut-on lire dans le communiqué.

D’un point de vue technique, Orbital Reef sera une plateforme entièrement modulaire et standardisée, théoriquement compatible avec la technologie actuelle. Cela permettrait par exemple à une institution de recherche d’emporter son propre laboratoire sous forme de module. Il ne resterait alors qu’à l’arrimer pour travailler en orbite, tout en profitant du reste de l’infrastructure.

Une architecture centrée sur l’humain

Car c’est là la principale particularité de cette station. En pratique, l’ensemble est apparemment conçu autour de l’humain. Les passagers disposeront ainsi d’un espace à taille humaine, qui tranche avec les corridors confinés de l’ISS. Si l’on se fie aux rendus 3D proposés par Blue Origin, la structure semble aussi bien plus ouverte et fonctionnelle. Elle sera apparemment subdivisée en parties communes, postes de travail et espaces privatifs de façon assez organique.

En somme, cela représente un changement de paradigme fondamental. L’ISS a été conçue dans une approche strictement fonctionnelle; l’objectif était que les astronautes puissent remplir leur mission en sécurité, point barre. Le confort était loin d’être la priorité. Encore aujourd’hui, les occupants doivent se satisfaire d’aménagements assez rudimentaires le temps de leur mission. Mais alors que cette vieille dame approche de la retraite, la nouvelle génération de stations spatiales semble bien décidée à mettre l’humain au cœur de ses préoccupations, ce qui donnera certainement lieu à quelques innovations très intéressantes.

Un rendu du module principal d’Orbital Reef. © Blue Origin

Mais en l’état, cette approche centrée sur l’humain est surtout le premier argument commercial de Jeff Bezos. Pour Blue Origin, c’est une façon d’attirer différents profils de clients, des chercheurs aux industriels en passant par les visiteurs.  Car en plus des individus, Blue Origin fait aussi de l’oeil à tout un panel d’institutions dont les “agences spatiales expérimentées”, les “consortiums high-tech”, les “médias et agences de voyage”, “inventeurs et investisseurs sponsorisés”, et même les “nations souveraines sans programme spatial”.

La première agence immobilière spatiale de l’après-ISS ?

Blue Origin a annoncé une cadence de travail assez ambitieuse; la firme souhaite commencer à exploiter Orbital Reef “dès la seconde moitié de la décennie”. Un timing décidément pas anodin; en effet, cela correspond à la période où l’ISS est censée prendre sa retraite une bonne fois pour toutes, entre 2024 et 2028.

Or, le rôle de la NASA va changer assez radicalement à cette date. L’agence s’attend à ce que des acteurs privés prennent le relais en ce qui concerne la gestion des infrastructures. D’un point de vue commercial et industriel, c’est une opportunité phénoménale que Jeff Bezos a bien senti. On peut donc s’attendre à ce que la firme cherche à se positionner en tant que tout premier agent immobilier de cette nouvelle industrie spatiale. Avec Orbital Reef, Blue Origin espère donc rafler la pole position de cette course, et si possible distancer tout le monde dès le premier virage.

Et cela pourrait lui rapporter très, très gros. Il n’y a qu’à observer SpaceX pour s’en convaincre. Si l’entreprise d’Elon Musk a connu une croissance aussi phénoménale, c’est parce qu’elle a su sauter sur une occasion similaire pour s’emparer du marché du transport spatial. Blue Origin est à la traine sur cet aspect, mais pourrait parfaitement compenser s’il devenait le gestionnaire d’infrastructure privilégié du marché de l’espace.

Il sera donc important de suivre le développement du programme. Car d’ici quelques années, il pourrait bien changer les rapports de forces dans le petit monde de l’aérospatiale. Il sera aussi intéressant de voir si SpaceX décidera de défier son meilleur ennemi sur ce front, ou si Elon Musk préfèrera cimenter sa position dominante dans le transport.

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