En Mars dernier, le LHC du CERN, un accélérateur à particules, a jeté un pavé dans la mare au sein de la communauté scientifique en annonçant la découverte probable d’une cinquième force fondamentale de la physique. Récemment, des physiciens de l’université de Cambridge ont fait de nouvelles découvertes qui semblent confirmer ces résultats initiaux.
La physique est aujourd’hui formalisée dans ce qu’on appelle le modèle standard de la physique des particules. C’est lui qui décrit la façon dont fonctionne notre monde à la plus petite des échelles. De l’aveu d’Harry Cliff, physicien des particules à Cambridge et auteur principal de cette nouvelle étude, il s’agit de “la théorie scientifique la plus fructueuse jamais construite”… même si nous savons pertinemment qu’elle comporte des écueils.
Par exemple, elle oublie complètement l’une des quatre forces fondamentales que l’on connaît aujourd’hui. Elle décrit parfaitement la force électromagnétique, l’interaction faible, et l’interaction forte, mais elle laisse en revanche l’interaction gravitationnelle de côté. Elle ne suffit pas non plus à expliquer certains phénomènes obscurs comme la matière noire.
Une pièce manquante du puzzle
Les physiciens se doutent donc depuis longtemps qu’il doit manquer quelques ingrédients dans la recette qu’ils proposent. Comme l’explique Harry Cliff dans son article, pour trouver cet ingrédient manquant, les physiciens se sont rapidement tournés vers l’une des six particules fondamentales : les quarks bottom (ou beauty quarks en anglais).
Ces quarks sont l’incarnation de l’instabilité; ils existent pendant une fraction infinitésimale de seconde avant de se transformer en un ensemble d’autres particules. Cliff explique que pour identifier les acteurs manquants, il est intéressant d’étudier les détails de cette transformation.
C’est d’ailleurs de là qu’est venue la découverte initiale de mars dernier. D’après le modèle standard, les quarks bottom auraient dû produire deux autres particules -des électrons et des muons– à une fréquence identique. Ils ont cependant constaté que ces derniers apparaissent légèrement moins souvent. Une observation des plus intéressantes; cela suggère en effet qu’une nouvelle force, non comprise dans le modèle standard, serait à l’origine de ce déséquilibre.
Mais il ne s’agissait que de résultats préliminaires. Le gros souci, c’est que les données initiales n’étaient pas précises, ou plutôt pas assez. Car dans une discipline aussi exigeante que la physique des particules, les seuils statistiques habituels ne suffisent plus. Pour qu’un phénomène soit considéré comme établi, il faut appliquer des critères de précision bien plus stricts; on parle d’un écart-type à 5 sigma. Sans rentrer dans le détail, cela signifie qu’on cherche à s’assurer qu’il y a moins d’une chance sur un million que cette observation soit non significative. C’est donc un excellent seuil de sécurité; s’il est atteint, on peut considérer qu’un résultat est extrêmement solide.
De plus en plus proches du but
Il faut donc approfondir ces résultats pour se rapprocher de ces fameux 5 sigma. C’est ce que l’équipe d’Harry Cliff cherche à faire depuis mars dernier. Et pour cela, une seule solution : se replonger dans les données. Ils ont donc cherché d’autres traces de cette particularité du processus de désintégration. En analysant l’interaction des quarts bottom avec un autre type de particule -les quarks up-, ils ont effectivement constaté le même phénomène que leurs confrères en mars dernier.
“Nous pourrions être à deux doigts d’une découverte majeure.” -Harry Cliff
Malheureusement, là encore, leurs résultats font encore état d’une marge d’erreur de 2%. Un score encore bien éloigné du fameux 5 sigma. En revanche, cela semble indiquer que tout ce beau monde est effectivement sur la bonne piste. “Nos résultats sont très proches de ceux des travaux précédents, et viennent encore renforcer l’idée que nous pourrions être à deux doigts d’une découverte majeure”, explique Harry Cliff.
Pour mettre la main sur une preuve indiscutable une bonne fois pour toutes, les physiciens devront toutefois patienter le temps que leur jouet préféré soit opérationnel. En effet, le LHCb est en ce moment dans une phase de travaux; à terme, il devrait être capable de produire des collisions à une fréquence bien plus élevée. Cela permettra d’obtenir davantage de données statistiques sur ce phénomène, et, peut-être, de mettre enfin la main sur l’une des pièces manquantes du modèle standard.
Le texte de cette nouvelle étude est disponible ici.
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