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Neurograins : les micropuces cérébrales font un sérieux bond en avant

Une constellation de puces savamment réparties dans le cerveau pourrait bien constituer la base des interfaces cerveau-machine du futur.

La neuro-ingénierie fait partie de ces disciplines qui sont encore très loin d’être matures, mais semblent promises à un avenir radieux. Il n’y a qu’à voir les réactions suscitées par l’interface cerveau-machine (BCI) Neuralink pour s’en convaincre. Récemment, c’est une équipe de Boston qui s’est illustrée avec une nouvelle proposition.

Contrairement à la majorité des systèmes actuels, dont celle d’Elon Musk, celui-ci ne se base pas sur un seul implant. À la place, il repose sur des micropuces baptisées “neurograins”. Ceux-si sont prévus pour être disposés dans les tissus du cerveau en très grand nombre. Une fois en place, ces objets de la taille d’un grain de sel se chargeront de collecter et de transmettre les signaux sur une surface plus large que les systèmes actuels.

Pour l’instant, ce système a testé chez des rongeurs inconscients. Après avoir été endormis, ils ont subi une craniotomie qui a permis aux chercheurs de disposer 48 neurograins à la surface de l’organe. Le dispositif est complété par un patch attaché directement au scalp de l’animal. Celui-ci joue un rôle de relais entre les grains, et permet également de les recharger à distance.

© Lee et. al.

Grâce à ce dispositif, les chercheurs sont parvenus à enregistrer une “activité corticale spontanée” chez leurs patients anesthésiés. De l’aveu des chercheurs, le signal était cependant de très mauvaise qualité; mais il s’agit toutefois d’une preuve de concept très encourageante, qui démontre à elle seule la viabilité du concept. Et cette information est tout sauf anecdotique.

Une constellation de puces cérébrales

Car en l’état, les BCI souffrent plus ou moins toutes du même défaut : elles n’analysent qu’un échantillon restreint du cerveau. Wired cite par exemple l’Utah array. Ce vieux neurochip reste le plus couramment utilisé en recherche aujourd’hui. Mais aussi puissant soit-il, il ne permet de surveiller que quelques centaines de neurones avoisinants, dans une zone très localisée.

L’Utah Array, une puce de 100 microélectrodes capable d’enregistrer l’activité des neurones avoisinants… mais pas du cerveau entier. © Seung-Jae Kim

C’est là une limite considérable. Car en théorie, ces interfaces ont vocation à jouer sur des processus complexes qui vont jusqu’à la mémoire et la conscience. Or, on sait aussi que ces processus ne se déroulent pas entièrement dans une même zone localisée du cerveau. Ils résultent d’un jeu complet de signaux, souvent issus de différentes aires cérébrales.

Pour parvenir à leurs objectifs, les chercheurs doivent donc passer d’un système localisé à un système global ; c’est précisément l’objectif des neurograins. Un système qui rappelle un peu les fils de Neuralink, sauf que tous les capteurs sont ici indépendants. En théorie, il serait possible de couvrir l’intégralité du cerveau. À terme, l’objectif serait d’en implanter également en profondeur, pour surveiller le cerveau à l’échelle systémique. Un système bien plus complet et performant, en somme.

D’après Florian Solzbacher, patron de l’entreprise à l’origine de l’Utah Array, c’est également une bonne nouvelle du point de vue de l’acceptation de l’implant. “Plus on rétrécit un objet, moins il est susceptible d’être détecté comme non-soi par le système immunitaire”, explique-t-il dans une interview à Wired.

Des limites encore considérables

C’est donc une avancée considérable dans le microcosme des BCI. Mais il faudra encore patienter un certain temps pour la voir implémentée. En effet, cette approche souffre encore de nombreuses limites.

Pour commencer, les premiers tests n’ont été réalisés que sur des rongeurs, anesthésiés qui plus est. La première étape sera donc de voir comment les rongeurs éveillés réagissent à l’opération. Les neurograins pourront alors être testés sur des singes, avant d’envisager un éventuel essai clinique humain.

En l’état, cette technique reste également très, très invasive. Contrairement au Neuralink d’Elon Musk par exemple, cette approche implique une craniotomie importante; en substance, cela signifie qu’il faut ouvrir la boîte crânienne pour y disposer les neurograins directement. Pour envisager des applications concrètes, il sera indispensable de trouver une approche plus douce. Il faudra aussi trouver une solution pour implanter les puces dans les régions profondes du cerveau.

© Lee et. al.

Et même une fois tous ces obstacles contournés, les chercheurs ne seront pas au bout de leurs peines. Il leur faudra miniaturiser les puces encore davantage, et résoudre le problème de la qualité du signal. Car interpréter la cacophonie de signaux transmis par des dizaines de puces pour en tirer des informations utiles n’a rien de trivial !

Vous l’aurez compris, ce n’est pas demain que l’on soignera un handicap moteur ou la maladie d’Alzheimer avec des neurograins. Mais il s’agit d’une preuve de concept qui va sans aucun doute faire avancer cette discipline à moyen terme. Il sera donc très intéressant de suivre l’évolution de ces travaux, et l’impact qu’ils auront sur tous les acteurs du secteur.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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