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ISS : le segment russe sous la menace d’une “avalanche de défaillances” après 2025

De nouvelles fissures ont encore été repérées récemment dans le segment russe de l’ISS, qui est en bien piteux état; une situation qui pourrait précipiter le départ du contingent russe, tournant ainsi une page de notre histoire… et de la géopolitique mondiale.

Des cosmonautes russes ont récemment fait une découverte problématique à bord de la Station spatiale internationale : le module russe Zorya présenterait apparemment plusieurs fissures superficielles, mais assez conséquentes pour être inquiétantes.

C’est une mauvaise nouvelle”, affirme sans détour Vladimir Solovyov à l’agence de presse RIA. Ce chef ingénieur chez Energia, le mastodonte de l’aérospatiale russe, explique également que “ces fissures vont s’étendre avec le temps”. Nous ne savons pas sur quel type de surface ces fissures sont survenues. Mais cette perspective doit probablement glacer le sang des astronautes, enfermés au milieu du vide sidéral à 400km au-dessus du sol.

Un segment russe qui ne tient plus qu’à un fil

L’origine des dégâts ne font en revanche aucun doute : il s’agit de l’usure prévisible d’un module qui faisait partie des tous premiers à être assemblés, en 1998. Il a donc déjà passé 23 ans à affronter le milieu le plus inhospitalier qui soit. Mais le souci, c’est que cette situation ne concerne pas que Zorya; une la majorité du segment russe de la station serait apparemment dans un état déplorable, ce qui suscite des questions de sécurité évidentes. Même le tout nouveau module Nauka a provoqué bien des migraines aux ingénieurs, puisqu’il a récemment embarqué toute l’ISS dans une rotation incontrôlée d’une heure.

Environ 80% des systèmes embarqués sur le segment russe de l’ISS ont rencontré de nombreux problèmes, y compris des fuites d’air causées par des fissures”, alerte Solovyov, cité par le Moscow Times . “Cela signifie qu’une fois que ces systèmes seront entièrement épuisés, des défaillances irréparables pourraient survenir”, insiste-t-il, parlant même d’une “avalanche de défaillances” à l’horizon 2025.

En plus des sanctions américaines qui ont jeté de l’huile sur le feu, ces incidents ont incité le Kremlin à prendre leurs distances; début juin dernier, Roscosmos, l’agence spatiale historique russe, annonçait sa volonté de quitter le programme ISS en 2025 pour se concentrer sur ses projets individuels. En l’occurrence, il s’agit en premier lieu de construire leur propre station, avec l’objectif de la lancer en 2030.

Parmi les autres grandes idées de l’aérospatiale russe, il faut aussi citer l’alliance avec son homologue chinois, qui devrait aboutir à la construction d’ une base lunaire commune à l’horizon 2035.

Roscosmos en quête d’un nouveau souffle

Mais en définitive, tous ces programmes ont sensiblement la même finalité : redorer le blason de l’aérospatiale russe, institution héritée directement de l’Union soviétique. En plus d’être gangrénée par une corruption massive, Roscosmos est en perte de vitesse sur le plan technologique. Car le paysage de l’aérospatiale a bien changé ces dernières années. Jusqu’à récemment, les Soyouz constituaient encore un moyen privilégié pour rallier l’ISS; en 2014, un officiel russe se moquait même des américains, expliquant qu’ils pourraient toujours rejoindre l’ISS “en trampoline” si la Russie cessait de coopérer.

Mais la privatisation du secteur, et notamment l’arrivée de SpaceX, nouvelle coqueluche de la NASA, ont fait basculer tous les rapports de force; la NASA s’est émancipée des Soyouz russes, et l’agence russe s’est retrouvée éjectée de sa dernière place privilégiée. De quoi faire grise mine, après avoir été le maître incontesté et surtout incontournable de la discipline pendant des années.

Avec sa station et son avant-poste lunaire, Roscosmos espère bien lancer une nouvelle ère pour toute l’aérospatiale russe. Et il ne s’agit pas seulement d’une affaire de souveraineté technologique; c’est aussi l’occasion ou jamais de revenir dans une course aux implications géopolitiques titanesques.

La sécession russe marquerait du même coup la fin d’une ère très particulière dans l’histoire de la conquête spatiale. Car l’ISS représente elle-aussi bien plus qu’une simple mission scientifique; de l’aveu de l’expert russe Vitaly Yegorov, cité par l’AFP, la station représente une sorte de havre de paix. Cette “inébranlable tour d’ivoire” joue également un rôle clé de prétexte symbolique, d’objectif commun pour maintenir la coopération internationale. Il sera donc très intéressant d’observer la suite des événements, c’est tout un pan de la coopération spatiale internationale qui se fissure au même rythme que le segment russe… avec des conséquences géopolitiques potentiellement considérables.

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