Cela fait déjà des années qu’on sait que les produits phytosanitaires sont extrêmement nocifs pour les abeilles. Mais d’après une équipe de chercheurs , leur impact pourrait quand même avoir été largement sous-estimé. Et ce à cause d’un facteur difficile à prévoir et à analyser : les interactions entre les différents facteurs de risque.
Pour s’en rendre compte, des chercheurs britanniques et américains ont mené une enquête monumentale, qui les a conduit à éplucher plus de 15.000 études (!) réalisées sur les 20 dernières années. Après avoir sélectionné les plus pertinentes, ils ont croisé les données et analysé les résultats; ils ont conclu que les pesticides et autres produits agrochimiques pouvaient avoir un impact “synergique” sur les abeilles.
Une inquiétante “synergie” entre les facteurs de risques
Cela signifie que lorsque plusieurs produits agrochimiques sont présents en même temps, leur impact néfaste est encore plus important que la somme de leurs effets individuels. Un effet qui se vérifie au niveau mathématique.
“Ces interactions entre de nombreux produits agrochimiques augmentent significativement la mortalité”, explique Harry Siviter, biologiste à l’université du Texas à Austin, aux États-Unis. Cela pourrait avoir des conséquences considérables. Car jusqu’à aujourd’hui, une partie conséquente des travaux sur ce sujet n’ont pas pris en compte cette dynamique. D’après les chercheurs, nous pourrions donc avoir très largement sous-estimé les effets des produits phytosanitaires sur la santé des abeilles. Autre conclusion inquiétante : “[nos résultats] démontrent que le processus de régulation, sous sa forme actuelle, ne protège pas les abeilles des conséquences indésirables de l’exposition à des produits agrochimiques complexes.”
Et les produits utilisés par une partie des exploitations agricoles ne sont pas les seuls à être en cause. Toute forme d’agriculture implique par définition de remplacer des prairies par des cultures, au moins partiellement. En pratique, cela prive les abeilles des fleurs et autres végétaux qui constituent leur garde-manger. À l’échelle globale, cela provoque un certain niveau de malnutrition quasi permanent chez de nombreuses abeilles. C’est d’autant plus inquiétant que d’après les auteurs de l’étude, ce “stress nutritif” entretient également une relation synergique avec le “stress agrochimique”; la faim fait empirer les effets de l’empoisonnement, et vice-versa.
Tous les pollinisateurs en danger ?
Une partie conséquente des efforts de protection consentis jusqu’à présent pourrait donc bien avoir été vaine. Il y a donc urgence à se saisir de cette problématique rapidement, faute de quoi les abeilles continueront d’en pâtir. “Si nous échouons à prendre cela en compte et à révéler les différents facteurs de stress agrochimique chez les abeilles, cela se traduira par une baisse continue de leur population et du service qu’elles nous rendent en pollinisant, au détriment de la santé et de l’écosystème humain”.
En effet, les pollinisateurs sont absolument indispensables à notre survie. D’après les Nations Unies, 75% de la production mondiale de fruits et de grains dépend de leur travail de titan. Sans cette action qui se déroule souvent en coulisses, loin de notre regard, la dynamique écologique que l’on connaît serait condamnée. Et cela ne concerne pas que les abeilles. D’autres animaux comme les oiseaux et les chauves-souris sont également des pollinisateurs de premier plan.
Il y a donc un besoin urgent d’effectuer le même type d’études sur les autres pollinisateurs. En effet, il est tout à fait plausible que ces effets néfastes ne se cantonnent pas aux abeilles. Le vrai défi sera donc de trouver une solution globale; préserver la biodiversité en continuant de s’alimenter correctement, tout en prenant soin de préserver nos agriculteurs, à qui il serait injuste de faire porter toute la charge de cette transition alors qu’ils sont déjà parfois dans des situations de grande souffrance personnelle et professionnelle.
Une équation infiniment complexe, mais qu’il faudra absolument entreprendre. À moins de vouloir polliniser des milliards de végétaux à la main pour survivre… ou d’imaginer une technologie capable de le faire, comme dans un certain épisode de Black Mirror.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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Il n’y a plus aucun insecte, c’est dramatique. Je vis à la campagne , des champs autour de chez moi , et je ne vois plus qu’une ou deux abeilles sur 20m2 en train de butiner , alors qu’il y a 20 ans c’était 10 pollinisateurs au m2.
Quand je rentrais pendant la nuit , mon pare-brise était repeint avec des moucherons , aujourd’hui plus rien…
Et ça , ça me fait vraiment peur.