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Pour la première fois, un tribunal attribue la paternité d’une invention à une IA

L’IA DABUS est désormais officiellement propriétaire d’un brevet en Afrique du Sud et en Australie. Une première qui pourrait changer notre conception de la propriété intellectuelle.

C’est officiel : d’après les autorités sud-africaines et australiennes, une intelligence artificielle peut désormais légalement revendiquer la propriété intellectuelle d’une invention. Une décision qui intervient au terme d’un an d’âpres batailles légales aux quatre coins du globe.

Tout a commencé avec Ryan Abbott, un professeur de droit de l’université du Surrey dont les travaux se situent à l’intersection du droit et de l’IA. Il a lancé l’an dernier deux demandes de brevets internationaux pour un conteneur alimentaire et une balise de détresse. Mais ces brevets sont un peu particuliers; en effet, le nom mentionné dessus n’est pas celui d’Abbot. À la place, c’est un certain DABUS qui est crédité de l’invention.

Et ce DABUS est un inventeur unique en son genre puisqu’il n’est pas fait de chair et d’os, mais de silicone et de métaux; en effet, il s’agit d’une intelligence artificielle conçue dans le cadre de l’Artificial Inventor Project.

Un chemin de croix administratico-législatif

Son inventeur, Stephen Thaler, le décrit comme un “moteur créatif” capable de générer de nouvelles idées, voire même des inventions complètes. Un système extrêmement impressionnant qui s’était toutefois heurté à un obstacle de taille : la législation, notamment américaine. En effet, celle-ci stipule que seules les “personnes naturelles” peuvent revendiquer la paternité d’une invention. D’après Gizmodo, l’affaire a rapidement commencé à piétiner; le juge responsable de l’affaire, dépassé, a apparemment considéré que le Congrès américain serait mieux armé pour répondre à cette question aussi nouvelle que chargée d’implications. Même chose pour les instances européennes; en 2019, l’Office européen des Brevets considérait que DABUS n’était qu’un “outil utilisé par un inventeur humain.”

Il a fallu attendre la semaine dernière pour qu’un organisme légifère enfin dans ce sens; en l’occurrence, ce sont les autorités sud-africaines qui ont été les premières à reconnaître DABUS comme inventeur du fameux conteneur alimentaire. Une décision suivie quelques jours plus tard par les autorités australiennes. Jonathan Beach, juge à la cour fédérale australienne, justifie cette volte-face par une certaine prise de conscience et la nécessité de promouvoir l’innovation. “Nous devons nous habituer à cette idée sous-jacente, reconnaître la nature évolutive des inventions brevetables et de leurs créateurs. Nous sommes à la fois créés et créateurs; pourquoi nos créations ne pourraient-elles pas créer à leur tour ?

Il sera intéressant de voir ce qu’il adviendra des autres demandes de brevet déposées par ces chercheurs, en l’occurrence en Inde, au Japon et en Israël. Si davantage de pays suivent les traces des sud-africains et australiens, il pourrait s’agir d’un précédent fondateur d’une grande importance – et ce même si les brevets en question ne font pas rêver.

Une nouvelle définition de la propriété intellectuelle

C’est même une question qu’il est indispensable de régler le plus rapidement possible. Car aujourd’hui, l’IA intervient déjà en renfort des chercheurs dans de très nombreux domaines. Y compris dans des cas où des intérêts stratégiques et des sommes colossales sont en jeu. On peut par exemple citer la recherche pharmaceutique ou le développement militaire.

Il est encore trop tôt pour envisager tous les embranchements possibles de ce raisonnement; mais ce qui est sûr, c’est que le cas de DABUS pourrait redéfinir notre conception du processus de création et de la propriété intellectuelle… avec toutes les questions sous-jacentes que cela implique. Si mon IA invente un produit à succès, puis-je en toucher les bénéfices ? Dans le cas où je la vends, ai-je encore accès aux brevets ? Si elle compose un morceau de musique, puis-je l’exploiter ? Et si je la loue, à qui revient l’usage ? Tout un faisceau de questions encore abstraites, mais qui pourraient bien peser lourd à l’avenir !

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