Si tout se passe bien, les astronautes de la Station Spatiale Internationale pourront bientôt se chatouiller les papilles à l’aide des premiers piments spatiaux. Cette dégustation s’inscrira dans le cadre d’une série d’expériences de culture en microgravité de la NASA, avec pour objectif de diversifier l’alimentation des astronautes lors des longues missions.
Tout a commencé le 5 juin dernier, avec la livraison de 48 pousses par un cargo estampillé SpaceX. Ceux-ci ont été réceptionnés et mis en place par l’astronaute Shane Kimbrough. Son nom vous dit peut-être quelque chose; il s’agit d’un ancien partenaire de mission de notre Thomas Pesquet national. Un jardinier tout trouvé, puisque ce vétéran de l’espace a déjà prouvé qu’il avait la main verte. En 2016, c’est lui qui s’était occupé d’installer une fournée de salades spatiales pour une expérience semblable.
Malheureusement, il n’aura probablement pas le temps de récolter les fruits de cette nouvelle étape; il sera certainement déjà rentré sur Terre quand les piments arriveront à maturité, dans quatre mois. C’est d’ailleurs ce temps de croissance qui représente le principal défi de cette culture; plus une plante met de temps à pousser, plus il est difficile d’obtenir de bons résultats.
Un allié dans l’assiette …
Si la NASA déploie autant d’efforts et de technologie pour ces quelques plants, ce n’est pas simplement pour le plaisir d’innover. Comme tous les végétaux cultivés à bord de l’ISS, la variété de piment a été méticuleusement choisie pour ses qualités nutritives, au cours d’un processus de sélection de deux ans. Parmi la grosse vingtaine de variétés testées, c’est le piment NuMex “Española Improved” qui s’est imposé.
Comme toutes les variétés de piment, celle-ci regorge de vitamines C et d’autres nutriments indispensables à notre métabolisme. Mais ses bienfaits ne se limitent pas à l’aspect strictement physiologique. À force de vivre en microgravité, les astronautes ont tendance à perdre temporairement une partie du goût et de l’odorat. Il n’est donc pas toujours évident de savourer ses repas; les astronautes ont donc tendance à privilégier les plats épicés ou assaisonnés. “La nourriture que mangent les astronautes doit être aussi bonne que le reste de leur équipement”, explique LaShelle Spencer, qui dirige l’équipe en charge du projet. “Pour envoyer des gens sur Mars et les ramener sur Terre, la nourriture la plus nutritive ne suffira pas, il faudra aussi la plus goûteuse.”
… Mais aussi dans la tête
Autre avantage notable : le piment n’a pas besoin d’un stockage ou d’une préparation particulière, qui constituent deux des principales limites pour la culture dans l’ISS. Il y a également un autre aspect, plus inattendu cette fois, à prendre en compte : la couleur. En effet, les astronautes de l’ISS évoluent en permanence dans un décor peu engageant. À bord d’une station spatiale, il va sans dire que la décoration n’est pas une priorité; l’environnement des astronautes est presque intégralement constitué de câbles et de panneaux métalliques.
Des conditions de vie qui peuvent avoir un impact tangible sur le moral des troupes. Les végétaux colorés, comme le piment, permettent de briser cette monotonie et agissent comme antidépresseur visuel. “Faire pousser des végétaux dans l’espace peut avoir des bénéfices sur le long termes pour la santé physique et psychologique”, explique Matt Romeyn, l’un des responsables du programme.
Des pousses sous haute surveillance
Pour les aider à prendre soin de leurs petits protégés, les astronautes disposent du babyphone le plus sophistiqué du monde : un système automatisé baptisé Advanced Plant Habitat (APH). Ce petit bijou de technologie est équipé de 180 capteurs et contrôles pour surveiller et faciliter la croissance des plantes. Ces dernières, enfermées dans un pot en argile, recevront automatiquement des microdoses d’un engrais développé spécifiquement pour cette variété. Les équipes au sol de la NASA garderont également un œil dessus; la température, l’humidité ou la pression partielle en oxygène des pousses seront monitorées en permanence.
Une fois les piments arrivés à maturité, les astronautes s’assureront dans un premier temps qu’ils sont bien comestibles. Le cas échéant, ils en conserveront une partie pour s’offrir une note épicée bien méritée. Les autres seront rapatriés vers la Terre, où ils subiront toute une batterie de tests. Ils détermineront ainsi sa position sur l’échelle de Scoville, qui classe les aliments du plus doux au plus épicé. Mais surtout, ils les compareront avec des piments cultivés sur Terre. Cela leur permettra d’ observer l’influence des conditions particulières de l’ISS, notamment la microgravité. Ils pourront ainsi étudier la façon dont ces paramètres vont déterminer la croissance, la maturité, et surtout le goût des piments.
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