Il y a quelques temps, nous vous faisions le portrait de K2-25b, un petit morceau de roche bien curieux dont les caractéristiques physiques ne collent pas du tout à son âge. Mais cette petite planète est bien loin d’être le seul objet qui laisse nos astronomes perplexes, faute de correspondre à un modèle existant. Parmi eux, on trouve une galaxie très lointaine, qui répond au doux sobriquet de SPT0418-47.
Cet objet, décrit dans cette étude, présente de très nombreuses particularités. La plus notable étant sa ressemblance frappante avec la Voie lactée, avec une masse est relativement similaire. De plus, comme la nôtre, il s’agit d’un disque qui tourne autour d’un gros amas central d’étoiles (on parle de bulbe galactique). Mais aussi impressionnante soit-elle, ce n’est pas sa ressemblance avec notre berceau cosmique qui est la plus intéressante. Pour comprendre ce qui fait de SPT0418-47 un objet si intrigant, il faut se pencher sur son âge. En effet, elle est située à une distance gigantesque de 12.4 milliards d’années-lumière, ce qui signifie que l’image d’elle qui nous parvient aujourd’hui est très, très différente de ce à quoi elle ressemble vraiment. C’est un peu comme si un ami situé à l’autre bout du monde vous envoyait un selfie extrêmement lent : le temps que la photo vous parvienne, votre correspondant aura bien changé, mais pas la photo ! Plus votre ami est loin, plus il sera vieux au moment où son image vous arrivera. Si l’on transpose à nouveau à l’astronomie, cela signifie que plus on regarde loin dans l’espace, plus on regarde loin dans le passé.
Notre modèle de formation des galaxies remis en question
Et dans le cas de SPT0418-47, cela pose une question majeure. En tenant compte des milliards d’années-lumière de décalage, on estime que l’image que l’on en reçoit correspond à un moment où l’univers avait à peine plus d’un milliard d’années. Et c’est là tout le problème : cette galaxie semble bien trop développée pour être aussi jeune, en tout cas d’après nos modèles de formation actuels ! “C’est une avancée importante dans nos connaissances sur la formation des galaxies, qui montre que les structures que l’on observe dans les galaxies en spirale étaient déjà en place il y a 12 milliards d’années”, explique ‘astrophysicienne Francesca Rizzo.
Et les surprises ne s’arrêtent pas là. Comme souvent avec un rejeton cosmique aussi jeune, les astronomes s’attendaient à trouver une galaxie extrêmement chaude, globuleuse et désorganisée. Mais SPT0418-47 est plutôt froide, peu brillante et très peu agitée : une anomalie à cet âge précoce. Filippo Fraternali, de l’université de Groningen, précise que “ce résultat va à l’encontre de l’ensemble des prévisions des simulations numériques et des données d’observation antérieures”. “Ce qu’on a trouvé est très intrigant”, confirme l’astrophysicienne Simona Vegetti. “ Malgré un rythme de production d’étoiles élevé, c’est la galaxie à disque la mieux organisée qu’on ait jamais observée dans l’univers précoce. C’est assez inattendu et cela a des implications importantes pour notre compréhension de l’évolution des galaxies.”
Une galaxie entière comme lentille de télescope
L’autre donnée particulièrement intéressante de cette étude, c’est la façon dont les astronomes ont réussi à repérer SPT0418-47. Cela va sans dire qu’observer un corps céleste peu brillant à 120.000 milliards de milliards de kilomètres n’a rien d’un jeu d’enfant. Même cette équipe extrêmement compétente a eu besoin d’un petit coup de pouce du destin. Pour l’expliquer, un petit détour très édulcoré par les théories d’Einstein. Chacun a déjà entendu parler de sa théorie de la relativité générale, qui regorge d’applications plus complexes et obscures les unes que les autres. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est simplement le fait qu’un objet particulièrement lourd déforme l’espace et le temps autour de lui. Parmi les objets assez massifs pour générer des déformations visibles, on peut par exemple citer les trous noirs, mais c’est aussi le cas des galaxies. Or, cette déformation de l’espace-temps peut avoir un intérêt tout particulier, puisque la courbure de l’espace peut tout à fait fonctionner comme… une lentille géante !
La découverte présentée dans ce papier est le fruit d’une heureuse coïncidence, qui n’aurait jamais eu lieu sans ce phénomène. En effet, ils n’ont pu faire ces observations que grâce à une seconde galaxie située exactement entre SPT0418-47 et la Terre, qui a donc joué le rôle lentille gravitationnelle pour le réseau de radiotélescopes ALMA. Il leur a ensuite fallu reconstituer minutieusement toute l’image déformée par cette lentille de fortune, pour aboutir à cette superbe image qu’un algorithme s’est chargé d’interpréter pour en deviner la forme.
Note : Suite à la remarque d’un lecteur attentif qui a très justement repéré qu’un mot était passé à la trappe dans la conversion AL-Km, la phrase en question a été corrigée.
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“120.000 milliards de kilomètres” : attention aux distances dans l’univers ! SPT0418-47 étant situé à environ 12 milliards AL, sachant qu’une AL équivaut à environ 10.000 milliards de km, la lointaine galaxie est située bien au delà du nombre annoncé : 1.2E23 km.