Le journal scientifique The Lancet a publié ce lundi une étude qui s’intéresse aux bénéfices de la distanciation sociale et du port d’équipements de protection sur la transmission de maladies analogues au Covid-19. Il s’agit en fait d’une méta-étude financée par l’OMS, c’est à dire d’une étude portant sur les résultats de nombreuses autres. En l’occurrence, ce sont les données de 25 697 patients, issues de 172 études dans 16 pays différents qui ont été croisées par une équipe de l’université d’Hamilton au Canada. L’objectif est de tenter d’y déceler des indices, une tendance statistique qui permettrait de se faire un avis sur sur l’efficacité de ces mesures de base que sont la distanciation sociale, le port du masque et le port de lunettes de protection.
Le nerf de la guerre pour toute étude de cette ampleur, c’est de réussir à rassembler assez de données pour pouvoir dégager une tendance claire. Pour cela, l’équipe ne s’est pas arrêtée au Covid-19, mais a également utilisé les données d’études portant sur d’autres coronavirus aux mécanismes de transmission similaires comme le MERS et le SARS. Ils ont ensuite utilisé un mélange de révision humaine et d’intelligence artificielle pour se faire une idée du bénéfice concret, s’il existe, des trois mesures citées plus haut.
Distance, masque et lunettes : la sainte Trinité a bien les effets escomptés
Comme on pouvait l’espérer, les mesures de distanciation sociale semblent porter leurs fruits. Non seulement les effets bénéfiques sont déjà conséquents à 1m (la recommandation officielle des autorités françaises), mais son efficacité semble encore augmenter au-delà de cette distance. : de 12.8% à moins d’1m, la probabilité de transmettre le virus chute à 2,6% à plus d’1m ! Voici l’allure de la courbe de la probabilité de transmission en fonction de la distance :
Le port du masque a également un impact important. Il est intéressant de noter que l’étude n’a pas jugé pertinent de faire la distinction entre les différents types de masques (chirurgicaux, tissu, FFP2, N95…) Après avoir décortiqué le phénomène à plusieurs distances (de 0 à 2m), il s’avère qu’il pourrait même s’agir du facteur le plus déterminant : sans masque, la probabilité d’infection atteint 17,4%, contre 3,1% avec !
Enfin, et c’est plus inattendu, l’étude suggère également que les protections des yeux (visière, lunettes…) joueraient un rôle tout à fait significatif dans la transmission du virus (16% de transmission sans visière contre 5,5% avec). A force de se focaliser sur la bouche et les mains, on en oublierait presque que la muqueuse des yeux constitue une porte d’entrée idéale pour les micro-organismes !
Nécessaire, mais pas suffisant
S’il convient de saluer le travail de fourmi réalisé par ‘l’équipe de Derek K Chu, il ne faut cependant pas se tromper quant à leur interprétation. Le grand nombre de paramètres et de conditions variables dans toutes les études sur lesquelles se base celle-ci fait que malgré une sélection rigoureuse et méthodique, les chercheurs ne disposaient pas des mêmes outils statistiques permettant de s’assurer avec certitude de la cohérence des ensembles de donnée. Cela ne signifie en rien que les résultats sont insignifiants, mais comme les auteurs le concèdent eux-mêmes, “la réalité concrète pourrait être substantiellement différente de ces estimations”, en particulier pour les masques et les lunettes. Mais cela ne signifie aucunement que cette étude est inutile. Certes, il y aura besoin d’essais randomisés robustes pour consolider ces résultats : les auteurs le concèdent bien volontiers. Mais à l’heure actuelle, il s’agit probablement de la meilleure vision d’ensemble du phénomène dont nous disposons actuellement et cela autorise deux conclusions :
En premier lieu, si l’influence numérique des différents facteurs reste sujette à caution, il apparaît que les gestes de distanciation et de protection ont un effet indéniablement vertueux sur les chances de transmettre le virus. Cette analyse à grand échelle vient confirmer que non seulement se protéger fonctionne, mais cela fonctionne de façon statistiquement significative .
Mais la seconde conclusion à tirer de tout ça, c’est que ces protections grand public sont nécessaires, mais pas suffisantes. Seules, elles ne permettent en aucun cas de stopper la circulation du virus et les contaminations. Elles doivent impérativement être complétées par des mesures de bon sens, à chaque instant. A force de se l’entendre répéter, chacun sait aujourd’hui qu’il faut éternuer dans son coude, éviter de partager sa fourchette et se laver les mains consciencieusement; cette étude vient confirmer que la protection seule ne suffira pas à aplatir la courbe, mais que le civisme et le bon-sens de chacun seront fondamentaux.
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