Le 24 avril, le gouvernement français a publié un arrêté pour encadrer “la dispensation en officines et la vente par internet des substituts nicotiniques” jusqu’au 11 mai. Autrement dit, la vente de produits médicaux ou paramédicaux à base de nicotine est dès aujourd’hui limitée uniquement aux personnes traitées pour le sevrage d’une dépendance tabagique. Sur Internet, la vente de tels produits ou dispositifs similaires est tout simplement suspendue. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) craint en effet que certaines personnes s’en servent pour traiter à tord une infection au coronavirus SARS-CoV-2 et en privent les fumeurs en sevrage qui en ont besoin. Il est important de noter que les substituts nicotiniques permettent aux fumeurs de réduire leur dépendance tabagique. Pour les non-fumeurs, ils risquent de les rendre dépendants. Mais en quoi la nicotine est-elle aujourd’hui si étroitement liée au coronavirus du COVID-19 ?
Nicotine : une hypothèse à double-tranchant
Face à l’arrivée lointaine de premiers vaccins, chacun semble à la recherche d’un remède inespéré contre le COVID-19 – parfois même à outrance, comme avec les récents propos absurdes du président des États-Unis, Donald Trump. Une hypothèse en particulier anime énormément la communauté scientifique. Comme le souligne Sciences Et Avenir, plusieurs études soulèveraient une même constatation : parmi les malades, ils semblent que les fumeurs soient plus épargnés que la moyenne. En Chine, sur 1000 malades, seulement 12,6% seraient des fumeurs contre 1,9% sur 7000 aux États-Unis. Les chercheurs impliqués dans ses études ont ainsi émis la théorie que la nicotine – présente dans leurs cigarettes et certaines e-cigarettes – pouvait bloquer l’action du coronavirus.
Ce dernier cible les récepteurs membranaires ACE2, situés notamment à la surface des cellules pulmonaires qu’il infecte. Ces mêmes récepteurs jouent aussi le rôle de “récepteur nicotinique de l’acétylcholine” dans le cas d’une dépendance tabagique. La nicotine inhalée vient s’y fixer et entraîne ainsi un court-circuit hormonal menant à la dépendance. Chez les fumeurs, les récepteurs ACE2 sont donc déjà mobilisés par la nicotine et les virions du coronavirus ne pourraient donc s’y fixer pour infecter les cellules pulmonaires. Cette hypothèse serait actuellement mise à l’étude, notamment à La Pitié-Salpêtrière à Paris, pour la confirmer ou l’infirmer. Des timbres transdermiques nicotiniques (ou patchs) sont données à un nombre réduit de malades, de soignants et de patients en réanimation.
Fumer ne guérit pas
Il faut néanmoins pas assimiler tabagisme et nicotine. Le fait de fumer impacte grandement la santé du fumeur : que ce soit au niveau respiratoire ou cardiaque, ou même en termes de facteurs facilitant des maladies comme le cancer ou le diabète. Par ailleurs, parmi les fumeurs malades du COVID-19 qui ne sont pas asymptomatiques, un nombre non-négligeable d’entre eux présentent des symptômes d’aggravation. 26% des cas les plus graves, recensés par l’étude chinoise citée plus haut, étaient des fumeurs. En effet, la fumée du tabac (qui contient, rappelons-le, du goudron, du monoxyde de carbone mais aussi des métaux lourds) tue les cils dont se servent les cellules pulmonaires pour éliminer un surplus de mucus ou des agents infectieux. Ceci facilite les infections respiratoires : ainsi, quand le coronavirus arrive malgré tout à pénétrer dans ces cellules, les conséquences s’en retrouvent d’autant plus sévères.
Enfin, les médecins hospitaliers ont aussi noté ce qu’ils appellent un “effet de rebond”. Lorsqu’un fumeur infecté est hospitalisé, il lui est interdit de fumer. En absence de nicotine, les récepteurs ACE2 deviennent non seulement libres mais se multiplieraient, comme pour tenter de maximiser la réception de nicotine en pénurie. Cet effet secondaire du sevrage soudain exposerait donc les cellules pulmonaires à une infection beaucoup plus aisée et violente de la part du coronavirus SARS-CoV-2.
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