Une petite brise qui soulève une odeur de prairie, des fraisiers qui embaument l’air de leur parfum, quelques abeilles qui butinent ça et là… Lorsqu’on imagine ce genre de paysage, on a tendance à l’associer systématiquement à une campagne pittoresque et reculée. Mais cela pourrait changer : à Paris, une entreprise baptisée Agripolis veut ramener de la nature au cœur du béton. Et pas question de faire les choses à moitié : l’entreprise veut ouvrir une gigantesque ferme urbaine sur le Parc des Expositions. Ses 14.000 mètres carrés en feraient la plus grande d’Europe, selon le Monde, et même du monde selon le Guardian.
L’objectif est d’en faire un modèle, potentiellement réplicable sur tous les toits abandonnés de toutes les métropoles du monde pour rentabiliser ces espaces délaissés. En plus de sa surface de culture, cette ferme devrait accueillir un bar et un restaurant avec une capacité d’accueil de 300 personnes où l’on consommera évidemment des produits de saison récoltés sur place. Ce chantier devrait s’intégrer dans un nouveau modèle d’économie de proximité. Une façon de limiter drastiquement l’impact carbone des produits en question, tout en participant à l’économie locale. On ne passe donc pas par des transporteurs et autres intermédiaires, et ce raccourcissement de la chaîne logistique représente autant de points marqués sur le terrain du développement durable. De plus, tous les produits de la ferme devraient être cultivés sans pesticides, sur le modèle de l’agriculture verticale – aussi appelée aéroponie. Cela a deux avantages : non seulement cela limite les sources de polluants puisque les plantes ne grandissent pas directement dans le sol, mais cela permet aussi une gestion très efficace des eaux de pluie.
Un modèle viable, vraiment ?
Si le bien-fondé de l’idée paraît évident, on est en droit de se poser des questions par rapport à la faisabilité dans un premier temps, puis à la rentabilité du projet. Et là, le constat est assez clair : aujourd’hui, de tels projets ont très peu de chances d’aboutir. En 2018, Grégoire Bleu, président de l’Association Française d’Agriculture Urbaine Professionnelle, avait estimé que 80% d’entre elles ne passaient pas la première année… Vu l’ampleur du projet parisien, on peut cependant s’attendre à ce que suffisamment de moyens soient investis pour en assurer la survie, tout du moins pendant les premières années. Mais même si le projet est faisable, il sera compliqué d’en faire un espace de culture véritablement rentable. Le prix au mètre carré d’une telle culture reste largement supérieur à celui d’une culture classique en plein champ. Nicolas Bricas, chercheur dans la branche alimentation de l’Unesco, rappelle que au Monde que c’est “l’agriculture en plein champ qui nous nourrit”.
Un constat corroboré par une étude néerlandaise de 2018, qui estime que seule une petite proportion de la production peut être faite en ville. Elle prend l’exemple de la ville de Cleveland, dans l’Ohio, aux USA. Dans un cas de figure presque idéal où la ville utiliserait jusqu’à 80% de sa surface libre (un total impossible à atteindre en conditions réelles), cela suffirait tout juste à produire 4% de la masse de nourriture nécessaire… Un pourcentage qui pourrait grimper à 18%, dans le cas où l’on sacrifierait 9% de la surface de chaque habitation et l’intégralité des toits des bâtiments commerciaux. Une quantité qui peut, dans le meilleur des cas, servir d’approvisionnement d’appoint alors qu’elle nécessiterait une transformation radicale du paysage urbain.
Aujourd’hui, des exemples de succès en agriculture urbaine existent tout de même, et il ne s’agit pas seulement d’un doux rêve d’éco-utopiste. On pense notamment au projet Sky Greens à Singapour , au projet FARM: à Londres ou encore au projet Food Field à Détroit, dans le Michigan. Mais malgré ces initiatives encourageantes, l’autosuffisante alimentaire complète à l’échelle d’une ville relève encore de l’utopie. Surtout que ces potagers et vergers urbains n’apportent pas de solution pour la culture des céréales, très demandeuse en termes d’espace. Les conditions pour réussir à faire de nos espaces vides des espaces de culture ne sont donc pas encore remplies, mais peut-être que le projet parisien permettra d’apporter un éclairage sur les façons de viabiliser ce concept. Paris semble en tout cas y croire dur comme fer, puisque la ville s’est engagée à consacrer environ 33 hectares à l’agriculture urbaine d’ici 2020, date d’ouverture prévue de ce rooftop agricole.
Quoi qu’il en soit, si cela peut ramener un peu de verdure en ville pour la bonne cause, on ne peut que souhaiter que de tels projets se concrétisent et finissent par devenir viables !
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Ca parait assez logique que les fermes urbaines ne suffiraient pas à alimenter une grande ville en autosuffisance (n’importe qui qui a eu un potager sait pertinemment qu’il faudrait bien plus de champ que sa surface habitable pour être en autosuffisance), mais ce n’est pas vraiment le but non plus je pense.
Par contre, si cette pratique devient courante, dans les espaces inutilisés et les toits des bâtiments, ça ferait beaucoup de bien (ou moins de mal) à la biodiversité. Et ça aurait d’autres petits impacts positifs (réduction de la pollution, réduction de la température en été, …) tout en diminuant légèrement l’impact carbone de notre nourriture. Ca va dans le bon sens.
pourquoi ecrire la plus grand ferme d europe alors que c est la plus grande du monde ?