Comment des galaxies comme la Voie Lactée prennent-elles vie ? Comment évoluent-elles ? Si les scientifiques ont aujourd’hui des tas d’idées sur ces questions centrales de la cosmologie, les réponses restent très largement discutées. C’est en grande partie lié à la difficulté d’observer ces gigantesques structures : en pointant son télescope vers le ciel, on ne peut avoir qu’une image à un instant T de l’objet observé. Un peu comme un polaroid, qui ne nous permet pas d’en savoir plus sur les processus qui en ont fait ce que l’on peut observer aujourd’hui. Pas facile, dans ces conditions, de confirmer ou d’infirmer certaines des grandes théories en vigueur. Traditionnellement, les astronomes se contentent de ces instantanés, et s’en servent pour construire différentes théories qu’il faut ensuite tester méticuleusement, l’une après l’autre. Une approche qui a permis de grandes découvertes mais reste peu productive…
C’est pour palier ce problème que Peter Behroozi, un chercheur de l’observatoire Steward de l’université de l’Arizona a choisi une approche différente dans cette étude. A l’aide d’un superordinateur, il a généré des milliers d’univers virtuels différents, d’après plusieurs modèles et théories qui tentent d’expliquer comment se forment les galaxies. Il ne s’agit pas ici de trouver de nouveaux modèles. Mais en générant des galaxies d’après les principales théories envisagées, il est possible d’observer le résultat et de vérifier si le modèle obtenu est conforme au reste de nos connaissances en physique et cosmologie. En substance, c’est un gigantesque banc d’essai pour éprouver les théories existantes pour pouvoir potentiellement éliminer celles qui ne pourraient pas correspondre.
Sur l’ordinateur, on peut créer de nombreux univers différents et les comparer au nôtre, et cela nous laisse supposer quelles règles mènent à l’univers tel qu’on le connaît.
Parmi les grandes idées que le chercheur a mis à l’épreuve, on trouve le rôle de la matière noire dans la formation des galaxies, les modèles d’évolution des galaxies, et la façon dont elles donnent naissance à des étoiles. Ensuite, chaque univers crée dans la UniverseMachine -le nom donné à cette approche par l’équipe de recherche- subit une batterie de tests pour vérifier à quel point il est conforme à notre univers à partir des conditions qu’on lui a attribuées. Et cela porte déjà ses fruits !
Les grandes théories remises au banc d’essai
Leurs modèles ont déjà suggéré plusieurs pistes intéressantes. Par exemple, ils suggèrent que les galaxies formaient des étoiles plus efficacement et plus précocement que ce que prévoient les modèles actuels. D’après certaines de ces simulations, l’univers aurait une couleur très différente si notre modèle actuel était juste ! Il serait bien plus rouge, et ce pour deux raisons.
La première est que si ces galaxies sont plus anciennes que prévu, elles s’éloignent plus rapidement de nous du fait de l’expansion de l’univers. Si elles s’éloignent plus vite, alors la lumière qui nous parvient d’elles subira un effet Doppler. Cet effet consiste en un décalage d’une longueur d’onde, en fonction de la vitesse et de la direction du déplacement : si la source s’éloigne, la longueur d’onde sera augmentée, et vice-versa. Cela fonctionne avec toutes les ondes, même le son. Changer sa longueur d’onde, c’est changer sa hauteur, et c’est à cause de l’effet Doppler que le ton de la sirène vous paraît plus ou moins aigu lorsqu’une ambulance passe près de vous !
Changer la longueur d’onde de la lumière, en revanche, revient à changer sa couleur. Cela signifie que si le modèle actuel était valable, la lumière qui nous arrive subirait un effet de décalage vers le rouge appelé redshift bien plus important que celui qu’on constate aujourd’hui. L’univers serait par conséquent bien plus rouge ! Ce n’est que l’un des enseignements très complexes que l’équipe a pu tirer de ses travaux. Mais à l’heure actuelle, elle préfère ne pas trop s’avancer car il ne s’agit évidemment que d’une simulation. Mais elle a bon espoir de peaufiner son modèle au fil des années.
L’augmentation des capacités de calcul,
Créer des millions d’univers factices d’une grande complexité a nécessité une toute nouvelle approche. Impossible, en effet, d’utiliser la force brute : d’après Behroozi, simuler une seule galaxie nécessite pas moins de 1048 opérations ! Et puisque l’équipe avait besoin d’environ 12 millions de galaxies pour chacun de ses univers, il a fallu ruser. Ils ont donc développé un système permettant de subdiviser l’espace de façon dynamique, allégeant ainsi le temps de calcul.
L’équipe a ensuite utilisé les ressources de deux sites spécialisés, le Ames Research Center de la NASA et le Leibniz-Rechenzentrum en Allemagne, en plus du superordinateur Ocelote. Même avec cette puissance de calcul phénoménale, il a fallu trois semaines de travail à environ deux-mille processeurs pour accoucher de 8 millions d’univers différents.
Reste donc à l’équipe à améliorer la précision de son modèle : la prochaine étape de Behroozi et de ses collègues est d’y inclure la morphologie des galaxies et l’évolution de cette forme. C’est en empilant des petits ajustements comme celui-ci, et en bénéficiant des avancées successives en termes de puissance de calcul, qu’ils pourront continuer à améliorer leur modèle. Une affaire à suivre donc, qui pourrait peut-être bien nous offrir des avancées spectaculaires en termes de cosmologie… et peut-être même en dehors. A terme, on peut imaginer que ce genre de simulations pourrait se démocratiser dans d’autres champs de recherche comme l’évolution, le repliement des protéines… La science modélisée sur la base de “big data” a de beaux jours devant elle !
Le papier de recherche est disponible ici.
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