Seth Stephens-Davidowitz, spécialiste du « big data » (des statistiques à grande échelle) explique dans un article publié par le New York Times comment lui est venu cette idée : “Mon frère cadet, Noah, et moi avons récemment discuté, encore une fois, de la musique. Le sujet de notre désaccord actuel était “Born to Run” de Bruce Springsteen – la chanson, pas l’album. (Je l’aime, il le déteste.) Je commençais à être frustré par le nombre de discussions passées à parler de musique. J’ai donc décidé de faire quelque chose à ce sujet de la façon que je connais le mieux : j’ai analysé des données. Je ne pouvais pas penser à un moyen d’utiliser des données pour prouver à quel point “Born to Run” est génial. Mais je pensais que les données pourraient me donner une idée claire de la raison pour laquelle mon frère et moi ne semblons jamais être d’accord sur la musique. En particulier, je voulais voir dans quelle mesure l’année où nous sommes nés influence la musique que nous écoutons, la mesure dans laquelle les différentes générations sont tenues de ne pas être d’accord sur la musique.”
En découlent des résultats démontrant que, en moyenne, le morceau le plus écouté par un individu est sorti lorsqu’il avait 14 ans pour les hommes et 13 ans pour les femmes. Cette analyse prouve ainsi que les chansons, et par extension les goûts musicaux, qui marquent le plus une personne sont des titres relativement récents sortis entre la fin de l’enfance et l’adolescence. Une période donc marquée par la puberté et de la construction d’une personnalité. C’est effectivement à cette époque que l’influence, qu’elle soit culturelle ou autre, est la plus forte pour le reste de la vie.
Sur le schéma ci-dessus, les femmes sont représentées à gauche, et les hommes à droite. On peut voir que la moyenne d’âge des femmes est de 13 ans lorsque l’influence sur leurs goûts musicaux est le plus élevée. Pour les hommes l’âge moyen est fixé à 14 ans.
Ainsi, les titres qui sont sortis durant la tranche d’âge de 20 et 30 ans des individus possèdent une influence moitié moins forte que ceux des dix années antérieures. C’est ce que l’on peut constater directement dans les statistiques de Spotify. Par exemple, le célèbre morceau « Creep » de Radiohead est situé très haut dans le classement des titres les plus écoutés des hommes qui ont 38 ans aujourd’hui. Ces derniers avaient en moyenne 14 ans en 1993, année de la sortie de ce tube. En revanche, pour les hommes de 28 ans ou ceux de 48 ans, le morceau n’apparaît même pas dans les 300 titres les plus populaires.
Stephens-Davidowitz poursuit et donne des précisions sur son approche : “Pour ce projet, le service de streaming musical Spotify m’a donné des informations sur la fréquence à laquelle chaque chanson est écoutée par des hommes et des femmes de chaque âge. Les motifs étaient clairs. Même s’il existe un canon reconnu de la musique rock, il existe de grandes différences selon l’année de naissance dans la popularité d’une chanson. Prenons par exemple la chanson “Creep” de Radiohead. C’est la 164e chanson la plus populaire parmi les hommes qui ont maintenant 38 ans. Mais ce n’est pas dans le top 300 pour la cohorte née 10 ans plus tôt ou 10 ans plus tard. Notez que les hommes qui aiment le plus «Creep» avaient environ 14 ans quand la chanson est sortie en 1993. En fait, c’est une tendance constante. J’ai fait une analyse similaire avec chaque chanson qui a dépassé les charts Billboard de 1960 à 2000. En particulier, j’ai mesuré l’âge de leurs plus grands fans aujourd’hui quand ces chansons sont sorties.” Une analyse intéressante montrant que la chanson la plus populaire sortie à l’époque est généralement, pour les individus d’aujourd’hui, leur musique préférée.
L’auteur explique cependant en fin d’article que la chanson Born to run n’était pas particulièrement populaire chez les personnes de sa génération. “C’était amusant de faire cette analyse avec les données Spotify. Mais en réalité elles ne m’ont pas permis d’expliquer mon désaccord avec mon frère. Il se trouve que “Born to Run” n’est pas particulièrement populaire parmi les gens de ma génération. (J’ai 35 ans.) (…) O.K., peut-être que j’ai attrapé le virus Springsteen parce que j’ai grandi dans le New Jersey. Mais pourquoi ai-je une obsession avec Bob Dylan? Ou Leonard Cohen? Ou Paul Simon?
L’analyse montre que le morceau le plus populaire de chaque année est encore principalement écouté par les personnes (les femmes sur ce schéma) qui entraient dans l’adolescence à l’époque de sa sortie.
“La plupart des chansons que j’écoute sont sorties bien avant ma naissance. Cette recherche nous dit que la majorité d’entre nous, hommes ou femmes, adhère de façon prévisible à la musique qui nous a plu dans la première phase de notre adolescence. Mais tout cela ajoute néanmoins aussi une pièce de plus au puzzle central de ma vie d’adulte : pourquoi me suis-je musicalement développé si anormalement ?”
Une question soulevée par Stephens-Davidowitz montrant finalement qu’il est toujours possible de ne pas être résumé à de simples statistiques.
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Bon okay le Journal du Geek, faut qu’on parle vraiment sérieusement.
Je lis vos posts tous les jours, et ils sont très bien (celui-ci y compris), mais là il faut mettre les choses au point.
Les infos que vous résumez dans votre article ne sont pas issues d’une "étude". Une étude scientifique c’est tout un protocole à respecter, des résultats qui sont relus et révisés par vos pairs, des méthodes expérimentales strictes.
Donc titrer "Selon cette étude…" fait très titre racoleur dans lesquels sont spécialisés d’autres sites, et je sais non seulement que ce n’est pas le genre de la maison, et que c’est probablement dû à une petite confusion de la part du rédacteur de l’article.
Il ne s’agit dans cet article que d’une analyse des données. Je suis pointilleux là-dessus car j’en fais régulièrement au travail, et il s’agit simplement de regarder si on trouve des corrélations dans les données, etc… C’est une étape préliminaire à l’étude : il aurait ensuite fallut comparer ce qui existe à l’heure actuelle dans les théories de psychologie, puis valider cette analyse en la reproduisant sur d’autres jeux de données, d’autres populations, des échantillons à la culture musicale différente et j’en passe. Là on aurait ensuite pu appeler ça une "étude" à proprement parler.
Mais dans le cas présent il s’agit de regarder des données d’une manière ingénieuse et tirer quelques conclusions (qui n’ont aucun bien fondé à part le côté empirique. Si ça se trouve c’est dû à d’autres facteurs non pris en compte, tout ça).
En résumé : l’étude c’est scientifique, dans ce cas c’est une simple analyse de données, quand même même publiée par le Times (ce qui n’ajoute d’ailleurs rien à la valeur du travail, il y a des sources bien plus prestigieuse concernant la data science).
Voilà, merci de m’avoir lu le Journal, j’espère qu’on s’est compris et que c’est sans rancune, mais ça me chagrinait vraiment car je sais que vous ne voulez pas faire du BuzzFeed.
"Une période donc marquée par la puberté et de la construction d’une personnalité. C’est effectivement à cette époque que l’influence, qu’elle soit culturelle ou autre, est la plus forte pour le reste de la vie." Perso, je vois plus ça comme une preuve de manque justement de personnalité ==> plus grosse influence qui est suivie au lieu d’être réfléchie et réellement appréciée. Ca explique peut-être pourquoi ça ne marche pas pour le statisticien dont il est question dans l’article : il a l’air de beaucoup réfléchir et d’avoir envie de se faire sa propre opinion plutôt que de gober ce qu’on lui dit de gober 🙂
Même chose pour moi. Ma chanson préférée, je l’ai découverte y’a à peine 5 ans (et je suis proche de la 40e) tout en sachant que d’autres chansons pourront toujours être écrites après celle là et porront la remplacer un jour.
Bref une "étude" bien foireuse (en même temps c’est une étude du New York Times)