Si vous n’avez pas encore vu la saison 1 – d’ailleurs, qu’est ce que vous faites ici ? – sachez qu’il est conseillé de ne pas lire ce qui suit pour éviter tous spoils.
Seven Eleven
Presque une année après la défaite de l’émissaire du monde « à l’envers », le Demogorgon, la jeune Eleven est toujours portée disparue, sans doute détruite lors de sa dernière bataille. Son souvenir plane sur ceux qui l’ont connu, mais hante surtout Mike, qui continue à essayer de la joindre avec l’énergie du désespoir et un talkie-walkie. La situation globale de la région s’est stabilisée, et une certaine torpeur, trace de l’habitude et de la normalité, s’impose sur la vie de tous les jours. Les traumatismes paraissent loin, comme des plaies visibles mais désormais silencieuses. C’est le postulat malin de cette deuxième saison de Stranger Things, ne pas tout recommencer, mais s’ouvrir sur une respiration, celle qui survient comme soulagement après la peur sans pour autant rassurer sur le fait que cela n’arrivera plus. En quelques scènes, après une exposition un peu longuette, la série des Duffer Brothers donne à comprendre que rien n’était réglé et que dans leur empressement à prendre la victoire comme acquise, les scientifiques/militaires ont commis une erreur : la première agression était de leur fait, et à l’image d’un animal sauvage, le monde de l’upside-down va devoir trouver le moyen de se défendre.
Une guerre ouverte est en passe de se dérouler, modification radicale de thématique entre l’aspect slasher fantastique de la première saison et survie sur de multiples fronts ici. Une évolution somme toute logique, qui passe de la menace unique, possible à surmonter, à une vague d’une toute autre dimension, source d’un dépassement obligatoire. Une thématique que cette saison embrasse avec intelligence par le mélange malin entre combats contre un mal implacable et contre soi. Bien plus qu’une simple fable orientée Goonies à fond et bombardée de références, à tel point que Sean Astin (Mikey Walsh dans les Goonies) dispose maintenant d’un des rôles principaux, Stranger Things 2 – qui se pense comme un film – est une histoire de passage, de changement.
L’ado minot
Le rapport aux adultes est toujours central, moins prompts à accepter l’impossible que les enfants entre eux, mais est vite délaissé pour se focaliser sur les troubles du conflit intérieur. Les décisions prises dans cette deuxième saison imposent à la fois d’assumer ses choix, d’en comprendre l’impact et de savoir vivre avec. Le nouveau personnage de Billy Hargrove est, à l’inverse de ce qu’il peut laisser croire, un élément important du propos de Stranger Things 2, illustration vivante d’un verrouillage qui l’a laissé sans autre ressource que la violence et le défi pour exister, oubliant les conséquences de ses actes. Il est l’ennemi « humain » qui va de pair avec l’adversaire monstrueux : les deux facettes d’une même étape à dépasser. Il n’a pas grandi malgré sa stature de bad boy musculeux et ne pourra jamais être en paix avec lui-même ni devenir un modèle.
Creusé avec talent, le personnage de Steve a adopté l’évolution inverse, ce qui en fait l’une des grandes réussites de cette saison. Il parvient à acquérir la maturité nécessaire pour apparaître comme une figure rassurante, tout à la fois pas encore assez dégrossi et en un sens paternel. Son rapport avec Dustin par exemple est un modèle de travail sur ce qu’est le leg, le coup de main pour que les choses évoluent. Et tous ces gamins en ont besoin. Preuve en est le look du même Dustin à la toute fin de la saison, qui rappelle de façon claire un autre personnage et met en parallèle deux voies possibles en fonction de qui a été présent ou non. Un travail en miroir qui donne un beau relief à la série : de nombreuses scènes fonctionnent sur ce principe, d’un côté pour les adultes, et de l’autre pour les enfants, avec parfois une inversion des réactions soit-disant réfléchies et posées desdits adultes.
Bien moins calmes que dans la précédente saison, les enfants sont ici confrontés au passage à l’adolescence avec ce qu’elle a d’injuste et d’irrationnel. La rébellion, la quête de son histoire, le questionnement sur ce qui germe en soi, toutes ces étapes sont abordées avec sensibilité, en particulier dans les épisodes écrits par Justin Doble qui s’axent sur la dissimulation, la colère, le rejet. Les parents sont désemparés, prennent sur eux, et dans une scène d’une tension rare, peuvent même aller jusqu’à une certaine violence (métaphorisée) contre cet enfant qui n’est plus celui qu’il était il y a encore quelques mois. Une thématique pas tout le temps bien menée ou maîtrisée, mais qui émaille cette saison de jolies fulgurances.
Machins bizarres
Davantage centrée sur ces personnages que sur sa menace directe, Stranger Things 2 ne laisse pas de côté cet aspect pour autant avec l’élément autour duquel l’histoire tourne, Will. Laissé à la fin de la première saison dans une situation précaire, il subit encore l’influence du monde du dessous et s’avère être suivi de près par les scientifiques du labo secret qui avait ouvert la porte dimensionnelle. Plus une source d’interrogation qu’un danger, il doit faire face à ce qui le ronge et lui donne des visions cauchemardesque, accentuation de sa fragilité enfantine. Appelé le zombie par tous les gamins de son école, sa différence n’est plus comportementale mais ancrée en lui. Différence qui peut aussi devenir une force avec, toujours, cette notion d’acceptation du décalage.
Entre lui, Eleven et l’irresponsabilité des militaires, un tissu se crée au fil d’épisodes qui construisent le danger petit à petit. Une tension plus latente que dans la première saison qui ne donne ses clés qu’assez tard, et privilégie l’explosion soudaine de la réalité de cette menace. Une approche intéressante qui laisse la tension monter jusqu’à un enchaînement de 2-3 épisodes qui terminent la saison avec une force étonnante, semblable à cette saturation sourde et intense des pistes musicales de Kyle Dixon et Michael Stein, encore une fois à la bande-son. Malgré ce travail de qualité, que ce soit sur le scénario, la narration, et la construction des personnages, la série accuse un certain ventre mou dans sa première moitié et fait parfois preuve d’une vraie paresse dans ses raccourcis via des facilités de résolution de problèmes ornées d’un « ta gueule, c’est magique » et de quelques comportements peu logiques, si ce n’est pour faire avancer une trame un peu en galère. Ce n’est pas systématique, loin de là, mais dans un ensemble aussi qualitatif, reste visible et questionne à la fois sur les délais de production et les futures idées des frères Duffer.
Alors, on regarde ?
Oui. Fable à la direction artistique qui percute, bien écrite et d’une justesse surprenante sur le passage à l’adolescence, Stranger Things saison 2 change sa manière de raconter une histoire, sacrifie une certaine concentration pour une ouverture plus risquée mais ambitieuse. Pas exempte de soucis, avec quelques coups d’accélérateurs forcés et un arc moins intéressant qu’il aurait pu l’être – sur un personnage en particulier – la série poursuit son chemin avec confiance, grandissant elle aussi comme ses aventuriers en fringues flashy. Certains épisodes, en particulier ceux d’Andrew Stanton, prouvent aussi qu’elle se permet à intervalles réguliers une solidité narrative et visuelle qui assoit son importance dans la monde de la série américaine actuelle. D’autant que, dans sa logique d’initiation à ce qu’est l’adolescence, elle n’épargne pas grand chose et peut se voir comme une tape dans le dos, surmontée d’un sourire chaud et un peu amer qui rassure avec quelques mots : « T’en fais pas, c’est dur maintenant, mais ça va bien se passer ».
Stranger Things, saison 2, disponible sur Netflix
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Mattés d’une traite, pas mal un ou deux épisodes en plus aurait été cool.
Regarder d’une traite une série “pas mal”…Woaw
9 épisodes, ça vas mais Gotham c’est plus chaud 😉
C’est clair que ça aurait été cool ! Qu’ils aillent au moins jusqu’a 12-13 !
pour moi c’est quand même du réchauffé, une forme de copié collé de la première saison avec des modifications de scénario , même si il est réfléchis ne cherche pas vraiment à défier les séries du genre, ne prend pas trop de risque. On passe un bon moment, sans plus ! on pourra toujours dire que c’est déjà pas mal…mais après 1 an d’attente on aurait pu s’attendre à mieux.
Copier coller de la saison 1 ? Mdr t es serieux ? T’as clairement de la mxrde dans les yeux !
Sans vouloir paraître chiant, je suis plutôt d’accord sur le côté réchauffé. On peut faire de très gros parallèles dans les événements entre la 1 et la 2 (au pif les dessins qui remplacent les ampoules dans la maison avec la mère, l’inclusion d’une nouvelle fille dans le groupe qui amène à peu près les mêmes réactions que 7… Franchement, il y a beaucoup de reprises de la 1ère saison, il suffit d’analyser superficiellement pour s’en rendre compte).
J’ai trouvé la saison sympa parce que l’ambiance n’est pas désagréable, et les acteurs non plus, mais l’impression de copier / coller de Dark angel ou X-men m’a semblé dépasser le côté clin d’oeil, et ça m’a un peu gêné. (alors que les références à gremlins ou E.T., plus ou moins marquées, ressemblent davantage à des clins d’oeil. Les références à Aliens sont grosses au possible, mais ne m’ont pas ennuyé).