Adaptée du roman It de Stephen King, qui porte le même nom, la mini-série de deux épisodes réalisée par Tommy-Lee Wallace arrive sur les écrans américains en novembre 90 avant d’être parachutée en France 3 ans plus tard sous le nom inspiré de « Il » est revenu. Pour beaucoup, cette transposition de l’histoire horrifique de King est le déclencheur clair de leur aversion envers l’image du clown. Car à la différence de la version littéraire, où la créature qui s’attaque aux jeunes héros prend la forme de leur plus grande peur, la série se concentre sur l’une de ses représentations, à savoir un clown à la disposition capillaire rouge et aléatoire. Cela pourrait prêter à rire, mais une fois coupé en deux au fond des égouts, la blague devient de mauvais goût.
Moins ancrée dans la réflexion de King sur le rapport aux craintes en général à travers les yeux d’enfants, la série se fait donc le relais d’un choix précis, celui de ce personnage qui irradie d’angoisse, par le jeu d’acteur bien sûr, mais aussi par un décalage évident entre son statut et ses actes. Un procédé classique, mais qui trouve dans le clown une incarnation bien moins liée à des peurs culturelles profondes, comme le noir, le loup (garou par extension) ou encore les sorcières par exemple. Un traumatisme récent qui n’a pas débuté avec Ça, d’autant plus qu’il n’est pas le premier film où le clown est perçu comme un tueur sanguinaire. Avec son titre qui est un programme à lui tout seul, Killer Klowns from Outer Space (Les clowns tueurs venus d’ailleurs, en français) a surgi du cirque de la série Z en 1988. Une histoire d’extraterrestres adeptes du style nez rouge et grandes chaussures venus pour traumatiser de l’humain avec une belle inventivité. Malgré tout, cette belle activité n’éclipse pas l’icône du clown/bouffon malfaisant qui arrive dans les salles de cinéma quelques mois plus tard, le Joker. Et ce qui unit ces deux exemples avec la créature de Ça, tient dans cette propension aux contraires : la visibilité et le masque, l’humour et le meurtre.
La bande à Grippe-Sou
S’il n’y a pas d’historique précis de la coulrophobie (peur des clowns), l’image du mauvais clown remonte au début du XIXème siècle avec l’apparition du personnage du clown triste. Représenté dans les grandes lignes par la vie de Joseph Grimaldi – acteur anglais qui modernise le rôle avec son Joey, clown cynique et inscrit dans l’harlequinade (version plus grotesque de la commedia dell’arte) – le clown triste est une dissimulation de ce qui se passe sous le masque. Avec une existence chaotique, en particulier des problèmes financiers, des douleurs chroniques dues à ses « cascades », et une infirmité en fin de vie, Grimaldi était autant amoureux de son art qu’il le haïssait parfois. Un homme triste derrière le clown, qui apporte déjà le côté friable du sourire qui cache des travers bien humains.
Mais le grand représentant de la vision monstrueuse du clown avant l’avènement de Ça reste le célèbre John Wayne (oui oui) Gacy. Démocrate convaincu et chef d’entreprise, il se déguisait souvent en clown sous le nom de Pogo pour divertir les enfants, animer des anniversaires et même participer à des collectes de fond pour son parti. Son autre activité était de violer et de tuer des adolescents, à savoir 33. Ce qui l’amena à être exécuté en 1994, à la suite de 21 condamnations à perpétuité et 12 à mort. Son surnom de Clown Tueur (Killer Clown) et la médiatisation de l’affaire ont popularisé l’image du faux gentil bouffon capable des pires horreurs. Un terreau favorable à la naissance d’une nouvelle phobie, qui pourtant n’est pas liée spécifiquement aux clowns. La crainte vient ici davantage du stress créé par un visage dont il est difficile de percer les vraies expressions.
Triste cirque
Issue en majeure partie de l’enfance, cette crainte du clown est située chez ceux qui y sont sujet dans le rapport aux traits habituels d’une figure rassurante. Les visages du père et/ou de la mère sont rassurants, et il y est facile d’y lire des interactions claires. Avec son maquillage outrancier qui noie les repères assimilés, le clown brouille les signaux et l’enfant peut facilement éprouver une sensation de dangerosité potentielle. Une impression proche de celle de la « vallée dérangeante», théorie émise par l’ingénieur en robotique japonais Masahiro Mori : plus un robot se rapproche d’un être humain et plus ses imperfections deviennent visibles et anxiogènes. Malgré son absence de processeur, le clown répond à la même analyse, proche d’un homme mais suffisamment différent pour susciter cette perception du monstrueux.
L’autre élément déclencheur d’une certaine peur provient de la manière d’être des clowns. Équipés de klaxons, de fleurs qui projettent de l’eau, de cotillons qui surgissent, ils représentent la farce dans ce qu’elle a de moins prévisible. Ces derniers amènent donc une certaine méfiance à cause de ce comportement erratique. De la même manière que certaines personnes vont développer une haine féroce pour une autre qui s’amuse à leur provoquer un sursaut inattendu, les coulrophobes en devenir ou qui y sont déjà sujets projettent ce malaise possible doublé de colère sur la figure de ce pauvre clown. Autant dire que s’ils suscitent des émotions contraires en fonction de la population, ces pauvres hères méritent sans doute un peu moins de rejet et davantage de chaleur humaine. Afin qu’ils puissent vivre heureux, dans leur tanière, entourés de leurs victimes.
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“De commencer vient juste la guerre des clown …” – Maître Soda …
Yeah ! “Killer Klowns from Outer Space” !
Je l’ai vu quand j’avais 9-10 ans en VHS avec des potes, on avait bien ri 🙂
Ça manque un peu ces films d’horreur WTF qu’on avait dans les 80-90’s
Ce film est culte ! Les acteurs faisaient leur maximum, mais ils jouaient mal, le scénario WTF, les trucages fait avec presque rien… Tout ça donnait ce côté totalement nanard.
Super article. Bravo JDG, il en faudrait plus de cette qualité.
Merci !
Pareil, très bon article. Il aurait même pu être un peu plus développé.
Merci ! Et oui, il y a beaucoup de choses à dire sur le sujet 😉
Merci beaucoup : )