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[Critique] Wind River

Après avoir signé le scénario de Sicario et Comancheria, Taylor Sheridan passe enfin derrière la caméra pour livrer sa version des troubles qui gangrènent les États-Unis…

Après avoir signé le scénario de Sicario et Comancheria, Taylor Sheridan passe enfin derrière la caméra pour livrer sa version des troubles qui gangrènent les États-Unis et ses proches voisins. Arrive-t-il à faire aussi bien ?

Pays aux allures de continent, les États-Unis proposent une richesse sans commune mesure de territoires. Depuis plusieurs années, Taylor Sheridan explore la frontière. Une zone sulfureuse, tant par sa violence que par l’accent mis par l’appareil politique pour la sécuriser. En bon fan de western, il s’est d’abord rendu dans le sud pour Sicario, thriller magnétique de Denis Villeneuve, qui soulignait le trouble jeu des autorités face aux violents gangs mexicains. Avec Comancheria (de David Mackenzie), il mettait en exergue les limites d’un Texas déchiré par les disparités.

Un mouvement de repli qu’il perpétue avec son premier film, qu’il a cette fois écrit et réalisé. L’occasion de poser un regard sur les frontières internes du pays, ici représentées par la réserve indienne de Wind River, dans le Wyoming. Héritage d’une histoire de plus en plus occultée, ces dernières sont principalement situées à l’ouest du pays et ne dépendent pas directement du gouvernement fédéral.

Plongée dans une grande pauvreté, Wind River fait partie des laissés-pour-compte, et les disparitions y sont rarement recensées. Lorsque le corps d’une jeune femme mutilée est retrouvé dans la neige, une jeune inspectrice du FBI va demander l’aide de Cory Lambert, un chasseur professionnel traumatisé par la propre mort de sa fille, pour la guider à travers une région particulièrement sauvage.

Plus que le chômage et l’isolement, c’est la nature qui éprouve les hommes. Sheridan l’a compris et lui laisse une place prépondérante dans son récit. État le moins peuplé des USA, le Wyoming devient ici un enfer glacé, où il est impossible d’évoluer à pied. La photographie de Ben Richardson, qui avait déjà saisi la moiteur du Bayou dans Les Bêtes du Sud Sauvage, retranscrit bien cette immensité. Ses plans aériens, maculés de blanc, laissent toujours entrevoir une voiture, une motoneige, traçant tant bien que mal sa route à travers un paysage immobile et silencieux. Animaux comme habitants, seuls les plus forts sont aptes à survivre.

Face à cette grandeur, Sheridan affiche un casting solide. Enfin délivré de son statut de second couteau, Jeremy Renner trouve ici un rôle à la hauteur. Sa prestation d’homme brisé, qui s’est réfugié dans la nature, ne tombe jamais dans le pathos. Sa force de caractère tranche avec la relative candeur de la (trop ?) jolie Elizabeth Olsen, qui convainc en jeune enquêtrice prise de court, sans toutefois égaler l’intensité du personnage d’Emily Blunt dans Sicario. Ici encore, Sheridan choisi une relation tout en pudeur, soulignant le passif lourd de Lambert, un homme au passé trop lourd pour avancer.

Comme dans tout bon polar, Sheridan se focalise plus sur l’atmosphère que sur le récit pour évoquer ce qui lui tient à cœur. Le sort de la communauté amérindienne, qui souffre autant voire plus des vicissitudes de l’Ancien Monde, compose l’essentiel d’une démarche toujours sincère. C’est exactement ce qui permet au film de faire oublier un scénario finalement assez malingre, et moins profond que ses aînés. On aurait aimé que cette enquête trouve un écho sociétal encore plus fort qu’un sordide fait divers.

Malgré cette erreur de jeunesse, le réalisateur conserve une vraie science du rythme. Une scène forte venant toujours relancer l’intérêt de la recherche. Mention spéciale à ce Mexican standoff des plus glacial, qui restera en mémoire des spectateurs pendant un moment.

Wind River est un film sauvage, qui offre le premier rôle à une nature sans pitié. Pour sa première derrière la caméra, Taylor Sheridan fait honneur à Sicario et Comancheria en prolongeant sa réflexion sur la frontière américaine au cœur même du pays. Dôté d’un casting solide, qui permet enfin à Jeremy Renner de se montrer sous son meilleur jour depuis Démineur, le film s’apprécie pour sa mise en scène plus que pour son scénario. Un western puissant, en pleines terres amérindiennes.

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1 commentaire
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