Le voyage en tant que migration est un concept qui passionne James Gray. Ce fut le cas dans Little Odessa, chronique d’un retour mouvementé à New York, mais aussi dans le récent The Immigrant. Une thématique qui tombe sous le sens, tant le réalisateur articule toujours ses œuvres autour de la notion de choix. Pour son dernier film, le natif de la grosse pomme se base sur des faits réels pour tenter une sortie hors de sa faune urbaine.
Colonel britannique respecté, Percy Fawcett (Charlie Hunnam) est aussi un explorateur en quête de gloire. Envoyé en Amazonie pour la Société Géographique Royale d’Angleterre en 1906, il est persuadé d’avoir trouvé une cité perdue, jamais foulée par l’homme blanc. Il va alors tout faire pour prouver sa découverte à des chercheurs qui ne sont pas complètement convaincu de sa bonne foi. Obsédé par les indices de cette ville qu’il prénomme “Z”, et malgré l’actualité bouillonnante de la Première Guerre mondiale, il fera tout pour y retourner.
Filmer cette lente plongée dans la jungle était un véritable défi pour le cinéaste, qui s’est toujours décrit comme un admirateur de Coppola. Outre les problèmes techniques inhérents à ce genre de projet, le challenge cinématographique pouvait effrayer. Le réalisateur arrive pourtant à le relever en donnant vie à ce désert vert, bien loin de son béton grisonnant. On y retrouve une nouvelle fois l’image dorée de Darius Khondji, le directeur de la photographie, qui colle parfaitement aux teintes tropicales recherchées. Le choix du format 35 mm confère d’ailleurs une grande authenticité à l’image. C’est un fait, Gray sait aussi filmer la nature.
Les inspirations sont nombreuses et le réalisateur fait hommage à ses maîtres sous forme de clins d’œil élégants, sans être appuyés. C’est ainsi que ressurgit l’opéra amazonien de Fitzcarraldo ou l’obsession pour les cités perdues d’Aguirre, la colère de dieu. Impossible non plus de ne pas penser à Apocalypse Now, tant le fleuve représente un élément central du récit. Contrairement à Coppola ou Herzog, la jungle n’est pas forcement liée à une forme de mysticisme. On y souffre, fait des rencontres, mais elle ne représente pas une expérience illuminée. En ce sens, le film peut paraitre presque académique. Mais elle est avant tout le théâtre d’une réflexion sur la soif inépuisable de recherche qui anime une partie des hommes.
Gray excelle d’ailleurs lorsqu’il décrit l’état d’esprit de ces aventuriers pour la plupart en col blanc. Une fois rentré en Angleterre, Fawcett doit jouer des coudes pour être pris au sérieux. Si son intérêt pour les recherches est réel, le film souligne avant tout l’égocentrisme et le désir de gloire de la majorité de ses compères. Il aborde également les défis logistiques et économiques que représentent ces voyages, et permet de mieux comprendre l’effervescence médiatique qui entourait les expéditions. D’abord attiré par les titres, le héros finit par tout négliger pour la découverte pure. Un renoncement plutôt bien incarné par Hunnam et Robert Pattinson, véritablement convaincant dans son rôle de sidekick désabusé.
Ces allées et venues dans la jungle conduisent à une œuvre extrêmement dense, d’autant que le réalisateur se penche également sur la relation complexe de l’explorateur à sa famille. Il pose ainsi la difficile question de la construction d’un foyer lorsqu’un des protagonistes n’y est jamais. James Gray se permet même une digression assez réussie sur le conflit de 14-18, où Fawcett a servi en France.
Cet interlude guerrier finit de compléter une fresque aux allures d’épopée. L’accumulation des récits a cependant tendance à ralentir le rythme du film, qui malgré de nombreuses ellipses, aurait profité d’un montage un peu plus nerveux. Ces petites longueurs s’atténuent dans une scène finale presque onirique, qui déroge avec le classicisme de l’ensemble.
Avec The Lost City of Z, James Gray change de décors, mais pas de méthode. En plongeant au coeur de la jungle amazonienne, il continue d’explorer les thèmes qui lui tiennent à coeur tout en livrant un grand film d’aventure. Avec l’académisme qu’on lui connait, il analyse une époque bouillonnante où la Terre restait encore à découvrir. Pétri de référence à ses maîtres, le film développe une réflexion intime sur le sens de la recherche. Caméra posée au fil de l’eau, il nous rappelle que le voyage est parfois plus beau que la destination.
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James Gray c’est de la balle atomique de Little Odessa à Two Lovers en passant par We own the night. Par contre The immigrant est si classique et lisse que j’en vient à le détester. Alors quand vous qualifiez celui ci d’académique, cela me fait peur, très peur.
Notez que ce n’est pas forcément un défaut ou un reproche.