La semaine dernière Facebook suscitait la polémique en censurant la célèbre photo de « la fillette au napalm », document historique sur la Guerre du Vietnam.
Chef de file de la fronde, le plus grand quotidien de Norvège, l’Aftenposten, haranguait Mark Zuckerberg dans sa Une, « l’éditeur le plus puissant du monde », et dénonçait cette grave erreur de jugement.
Une censure sous couvert de lutte contre la pédopornographie
Son PDG, Espen Egil Hansen, s’émouvait de cet abus de pouvoir qui met à mal la liberté d’expression et d’information. « Ce droit et ce devoir, que tous les journalistes du monde doivent exercer, ne devraient pas être sapés par un algorithme codé dans votre bureau californien », tançait-il alors.
Si dans un premier temps, Facebook avait prétexté lutter contre la pédopornographie en soulignant la nudité de la fillette, que sa politique de modération interdit, le réseau social expliquait également devoir composer avec une communauté internationale (aux lois et cultures différentes) qui doit être soumise à une politique de modération la plus générale possible.
« Même si nous reconnaissons que cette photo est iconique, il est difficile de créer une distinction pour autoriser la photographie d’un enfant nu dans un certain cas, et pas dans d’autres », s’était justifié Facebook. Ce à quoi Hansen de l’Aftenposten avait répondu :
« Si vous ne faites pas la distinction entre de la pornographie infantile et une photographie documentaire de guerre, vous promouvez la bêtise et échouez à rapprocher les êtres humains ».
La Première Ministre également censurée
L’affaire aurait pu en rester là sans l’entrée en piste de la Première Ministre de Norvège, Erna Solberg. Souhaitant apporter sa contribution au débat, la chef du gouvernement norvégien a posté un message accompagné de la photo historique prise par le photo-journaliste Nick Ut le 8 juin 1972 à Trang Bang, au Vietnam.
« J’apprécie le travail que Facebook et d’autres médias font pour arrêter les contenus et les photos qui montrent des abus et de la violence… Mais Facebook a tort quand il censure de telles images », avait-elle estimé. « Je dis non à cette forme de censure. »
Mais certainement pas Facebook. Bis repetita, le réseau social, ou plutôt son algorithme, a censuré la politique.
Facebook contraint (?) de modifier sa politique de modération
Un excès de zèle qui a mis Facebook dans l’embarras. Censurer un personnage politique n’est pas une mince affaire comparée à l’internaute lambda. Si la première ministre est restée philosophe, elle n’en espérait pas moins que Facebook « revoit sa politique de modération et prenne ses responsabilités ». Ce que le réseau social a finalement consenti :
« Après avoir écouté la communauté, nous avons à nouveau regardé comment nos Standards de la Communauté étaient appliqués dans ce cas. Une image d’un enfant nu serait normalement présumée violer nos Standards de la Communauté, et dans certains pays ça pourrait être qualifié de pédopornographie », explique Facebook pour se justifier.
« Dans ce cas-ci, nous reconnaissons l’importance historique et mondiale de cette image pour documenter un moment particulier dans le temps. Parce que son statut est celle d’une image iconique d’importance historique, la valeur que cela a d’autoriser son partage dépasse la valeur que cela a de protéger la communauté par sa suppression, donc nous avons décidé de réinstaurer l’image sur Facebook là où nous savons qu’elle a été supprimée. »
La photo de « la fillette au napalm » ne sera donc plus censurée sur la plateforme. Il va être intéressant de constater les modifications apportées et la façon dont elles s’appliqueront.
De passage à Paris pour les 10 ans du fil d’actualité, Chris Cox, directeur du produit Facebook, s’était également dit « choqué » par cette censure et avait assuré que des modifications allaient être apportées. Dont acte.
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