Consacrée en mars 2015 aux États-Unis puis en appel en juin dernier face à des opérateurs mécontents de se voir imposer ces nouvelles règles qui font de l’accès d’internet un bien public, la neutralité du Net* est également un sujet épineux sur le vieux continent.
Jusqu’ici, le dossier patinait. Que ce soit du côté des opérateurs télécoms, pas vraiment pressés de se voir imposer une régulation qu’ils redoutent, mais aussi du côté des instances européennes, tergiversant sous la pression des lobbies et ménageant la chèvre et le chou.
L’Europe consacre enfin la neutralité du Net
Le dossier a donc subi les aléas du parcours législatif européen entre le Parlement, la commission et le Conseil de l’Union européenne, jusqu’à l’adoption du règlement sur les télécommunications en novembre dernier, fruit de ces négociations au long cours.
Ces nouvelles règles viennent clore la consultation publique lancée en juillet dernier et ses quelques 500 000 contributions, du jamais vu : « Cela prouve l’importance du sujet, avec beaucoup d’arguments en faveur d’une régulation plus stricte et d’autres pour une régulation plus faible », s’est félicité Wilhelm Eschweiller, le président du Berec. L’organe des régulateurs européens a publié le 30 août les lignes directrices à destination des régulateurs des États membres et qui leur serviront à appliquer la loi votée en novembre.
Des règles qui viennent s’imposer aux opérateurs télécoms…
Un texte de 48 pages qui satisfait les défenseurs purs et durs de la neutralité du Net, regroupés autour du projet SaveTheInternet, dont font partie la Quadrature du Net et l’Electronic Frontier Fondation (EFF). Mais déplaît aux opérateurs télécoms qui plaidaient pour une application moins stricte.
Orange, par exemple, n’a jamais caché son inimitié à l’égard de la neutralité du Net, Stéphane Richard qualifiant le principe de « concept attrape-tout qui se fait toujours sur le dos des opérateurs ».
… qui déchantent
« Moi aussi, j’aimerais bien qu’internet soit gratuit dans le monde entier. Mais ça n’est possible que dans les rêves […] Il faut donner aux opérateurs les armes et les moyens d’innover. Et la neutralité du net est l’ennemie de l’innovation des opérateurs », expliquait-il encore l’année dernière.
Un argument repris en cœur par les opérateurs réunis sous la bannière du « Manifesto 5G », un texte dans lequel ils émettaient des craintes sur leurs investissements futurs si les règles présentées en juin dernier par le Berec étaient adoptées en l’état.
Celles-ci prévoient ainsi un traitement égal et non discriminatoire du trafic internet, autrement dit l’internet à deux vitesses est proscrit.
« Zero-rating » et « services spécialisés » autorisés
Toutefois, quelques exceptions demeurent : les opérateurs pourront proposer des services spécialisés de qualité supérieure en utilisant la capacité de réseau dédié. Ils devront rester « objectivement nécessaire », comme ce qui se fait déjà avec la VoLTE (Voice over LTE) ou la télévision sur Internet.
Malgré la volonté de certaines associations d’interdire le « zero-rating », cette pratique permettant aux opérateurs de ne pas décompter du forfait data d’un client l’utilisation de certains services spécifiques (app partenaires par exemple), même gourmands en données, celui-ci pourra se poursuivre.
Sous le contrôle du régulateur, les opérateurs pourront donc le proposer, mais pas pour une application en particulier. Par exemple, si le domaine du streaming vidéo est autorisé, l’opérateur ne pourra appliquer le dispositif uniquement pour YouTube ou Netflix.
« Les règles s’appliqueront au cas par cas, selon différents critères, indique Sébastien Soriano, président de l’ARCEP et vice-président du Berec. Cette souplesse laissée aux régulateurs nationaux est très importante ».
En France, l’ARCEP reste à la manœuvre
En France, l’ARCEP aura la charge de recenser les différentes pratiques des opérateurs et de vérifier leur adéquation avec le nouveau corpus de règle. De nouveaux pouvoirs de sanction devraient lui être conférés dans les prochaines semaines avec l’adoption de la loi Pour une République numérique.
Comme prévu par l’article 19, le gendarme des télécoms pourra mettre en demeure « un exploitant de réseau ou une personne fournissant des services de communications électroniques » si elle estime qu’il existe un « risque caractérisé » qu’il ne respecte pas ses obligations.
*Pour rappel, la neutralité du Net (ou neutralité du réseau) est un principe qui garantit l’égalité de traitement de tous les flux de données sur Internet, sans discrimination aucune (de source, technique ou contenu). Ainsi, les FAI ne peuvent bloquer ou ralentir quelque contenu que ce soit ou proposer une « voie rapide » à d’autres contre rémunération. Toutes les données transitant sur le réseau ont la même priorité : mail, vidéo YouTube, sauvegarde cloud, etc.
Un principe qui ne satisfait pas les opérateurs télécoms de Comcast à Orange en passant par Verizon ou AT&T qui estiment que les plus gros pourvoyeurs de bande passante devraient contribuer à l’entretien du réseau qui coute très cher selon eux.
Au contraire, des géants du Net tels que Google, Netflix ou Facebook soutiennent la neutralité du Net, pour des raisons économiques évidentes.
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Enfin, mais la règle qui comprend le « objectivement nécessaire » est limiter en tout cas je l’espére.
La guerre et la bataille ne sont pas terminées, mais la Toile reste libre !…