À croire qu’il est vraiment venu le temps du cloud gaming, du moins dans la tête des entrepreneurs français. Après l’ambitieux projet Shadow, dont on vous parlait il y a quelques jours seulement, c’est Blacknut qui s’est présenté à nous via la voix de son directeur général, Olivier Avaro.
Comme d’autres avant lui, Blacknut se propose d’offrir à ses abonnés un service de jeux illimité en streaming, accessible en temps réel, et ici, disponible sur tous les écrans (téléviseur, ordinateur, tablette, smartphone). Un des premiers atouts du service, selon Olivier Avaro, c’est déjà la taille de son parc installé.
Mais pourquoi Blacknut marcherait là où de nombreuses propositions équivalentes n’ont pas abouti ?
On a analysé tous les échecs passés, et il y a des explications rationnelles, simples, à ces échecs. On peut partir de l’exemple OnLive pour voir ce qui a changé. Quand OnLive s’est lancé, il y avait d’abord des obstacles liés à l’environnement, notamment l’accès au haut et au très haut débit. Aujourd’hui, le haut débit est une des priorités des gouvernements et des opérateurs, donc ça va mieux de ce côté-là. Le second élément extérieur, c’est que les investissements dans les infrastructures cloud étaient à l’époque très couteux. Aujourd’hui, on a des infrastructures Cloud avec Amazon, avec OVH, avec Google qui s’y met…. C’est plus facile. On est donc dans une autre dimension au niveau du reach, c’est-à-dire des personnes qui peuvent être touchées par le service, mais aussi au niveau des couts.
Olivier Avaro précise également que Blacknut a choisi une autre orientation stratégique que son prédécesseur.
Ensuite, il y a une question de positionnement. OnLive visait une cible gamer, cible déjà bien servie en matériel et sans doute un peu fétichiste au niveau du hardware. Nous, on vise une cible beaucoup plus large, grand public.
Mais c’est finalement l’argument de l’éditorial qui pourrait séduire, Blacknut ne se voulant pas une plateforme où chaque studio pourra publier son jeu, mais plutôt un service avec recommandations type Netflix ou Canal+.
A l’image de ce que proposait Canal+ à la grande époque, avec le meilleur des grandes séries, le meilleur du foot… on va proposer un service éditorialisé où on va sélectionner pour nos abonnés les meilleurs jeux indépendants et des éditeurs de taille moyenne. On veut palier aux problèmes de promotion et de découvrabilité que peuvent avoir aujourd’hui Steam ou les stores iOS et Android.
Seule inconnue à l’heure du lancement, début 2017, la présence de grosses licences dans le catalogue (Assassin’s Creed, GTA) dont les coûts d’acquisition sont élevés.
Les grosses licences, on les aura à travers une série de partenariats avec notre réseau de distribution. Notre service sera disponible avec les TV connectées et dans les box opérateur. On va essayer de tisser des partenariats avec un opérateur, comme Orange, et d’associer les grandes marques de jeux à nos distributeurs pour proposer des jeux en exclusivité.
Le prix de ou des abonnements n’a pas encore été fixé. Imaginé il y a deux ans, Blacknut bénéficiera d’un softlaunch d’ici à la fin de l’année pour un lancement complet au premier trimestre 2017
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C’est bien beau tout ça, mais comme partout dans le jeu-vidéo ce qui fait l’intérêt principal c’est l’offre du catalogue, donc on ne pourra se prononcer qu’une fois qu’on aura une idée de ce qu’il propose.
En soi, c’est une “bonne idée”, surtout que la consommation des joueurs d’aujourd’hui tend à être très rapide: se jeter sur un jeu dès sa sortie, le poncer pendant une ou deux semaines, et à part quelques titres proposant un multijoueur vraiment prenant, le disque prend la poussière s’il n’est revendu au magasin de jeux-vidéos du coin. Le streaming peut être une alternative légale confortable et intéressante, comme Netflix et compagnie.
En revanche, je suis pas sûr que ça parvienne à trouver un public. D’abord parce que comme ils le disent, la communauté de “gamers” est déjà fournie en matériel, et les habitudes se changent difficilement. Ensuite, je pense pas que le grand public est prêt pour ce genre de service. Le grand public ne joue pas beaucoup, en tout cas beaucoup moins qu’il ne passe de temps devant la télé/un film/une série, et les jeux sont principalement sur smartphone/tablette. Donc à voir au niveau du prix, mais je reste sceptique.
Proposer une sélection de “jeux indépendants et d’éditeurs de taille moyenne” c’est bien, mais encore une fois: quel public?
Le grand public, comme son nom l’indique, ne consomme que les choses “mainstream”, c’est-à-dire les grandes licences de jeu, les séries à la mode, les blockbusters de réalisateurs connus. Ils ne vont sûrement pas investir pour jouer à “des petits jeux indépendants”. Surtout que s’ils entendent “indépendants”, ils risquent de penser à “film indépendant” et se souviendront de ce film suédois en noir et blanc qu’ils ont essayé de regarder mais en vain, ce qui n’est une bonne chose.
La communauté des joueurs est plus ou moins au courant de l’existence de ces jeux. Soit ils sont activement intéressés, regardent régulièrement les Humble Bundle et leur store, parcourent les sites spécialisés pour voir les recommandations et passent du temps sur Greenlight, soit ils sont pas vraiment intéressés et ne font aucune démarche.
Enfin bref, tout ça pour dire que sur le papier, c’est une idée intéressante, comme une autre. Mais compte tenu de l’état de la communauté des joueurs et de l’industrie du jeu-vidéo, à moins d’un énorme coup de génie de leur part, je vois mal comment ils pourraient réussir. J’aimerai bien que ça marche, ça changerait un peu les habitudes, et ça ça serait vraiment cool.
PS: Je viens de me rappeler que la plateforme (française!) 1D Touch, au début centré sur la musique, puis sur du contenu vidéo, va à terme développer une catégorie jeu-vidéo. La philosophie derrière la plateforme est un accord de rémunération équitable avec les artistes ainsi que la promotion culturelle, principalement en partenariat avec les bibliothèques/médiathèques/MJC etc. partout en France. Donc le contenu disponible est principalement français, et en général loin des grands labels musicaux (mais on peut trouver du The Shoes, Deluxe, Chinese Man entre autres).
C’est étonnant que personne n’ai parlé plus que ça du projet vu qu’il a réussi une petite compagne Ulule l’année dernière, qu’ils signe de plus en plus d’accord partout en France et qu’il adopte une démarche un peu différente des autres plateformes similaires.