Nous avons rencontré Domingo, alias Pierre-Alexis Bizot, l’un des plus influents streamers français sur le jeu League of Legends (LoL). Le jeune homme de 21 ans a commencé dans sa chambre en diffusant ses propres parties il y a trois ans. Depuis, il a parcouru beaucoup de chemin : Domingo commente les championnats internationaux de LoL et rassemble des milliers de personnes tous les soirs pendant ses streams. Focus sur l’une des personnalités les plus en vogues de l’eSport et du web français.
Pour les non-initiés au vocabulaire du streaming et de l’eSport, nous avons concocté un petit dictionnaire du parfait Domingo en fin d’interview.
JDG : Parle-nous de ton parcours.
Domingo : J’ai commencé à jouer aux jeux vidéo très jeune, principalement sur console. En 2010, je participe à mes premiers tournois sur le jeu Call of Duty. Je vais à des lans et j’en gagne même quelques unes. Mais je dois arrêter pendant trois ans à cause de mes études de commerce. A partir de février 2013, je m’intéresse de plus en plus à ce que font les streamers sur le jeu League of Legends. De mon côté, avec à peine cinq spectateurs, je commence à diffuser mes parties sur le jeu. En juin, j’ai une cinquantaine de personnes qui me suivent en direct. En août, une centaine ! A l’époque, je streame “trente jour sur trente”. Même si ça ne me rémunère pas, c’est un “kiff”. Je joue et je partage mes parties avec des gens. A partir de fin 2013, O’gaming [une webTV gaming] me propose de commenter les LCS [Championnat international sur le jeu LoL]. Début 2014, Eclypsia [une autre webTV] me repère alors que j’atteins le seuil des 1000 spectateurs. Je rejoins l’équipe en Angleterre et je caste pour Eclypsia pendant un an. En février 2015, je retourne à Paris et je me lance à nouveau en solo. Le retour sur Twitch se passe bien avec 15 000 spectateurs le premier jour. Depuis j’ai mis une programmation en place. Je “streame” du League of Legends six jours sur sept et je commente les LCS une fois par semaine pour O’gaming.
Peux-tu nous décrire une journée type ?
Même si on se retrouve tous les jours pour le stream à 18 heures, chaque journée ne se ressemble pas. Ce qu’il y a de bien quand tu es streamer, c’est que tu fais tout : community manager, comptable, montage vidéo, négociations avec les sponsors et partenaires… J’ai beaucoup de rendez vous, que ce soit pour des opérations spéciales ou des idées de projets à développer. Le community management prend du temps : c’est la gestion de notre image. Il faut toujours être présent sur les réseaux sociaux, penser à alimenter Snapchat ou promouvoir la dernière vidéo sur Youtube. On ne peut pas se déconnecter. Pour moi, ça reste un plaisir et non une corvée. A 17 heures, je me mets en place pour préparer le stream, chercher des images à publier sur Facebook pour “puber” le stream, contacter des gens et mettre en place les scènes. Mais de base, le programme de la semaine est déjà fixé, ce qui fait que chaque émission est déjà presque prête. Après le stream, je monte les vidéos pour ma chaîne Youtube. J’ai également une petite équipe de monteurs qui m’aide quand on veut faire des vidéos aux format plus travaillés comme des “best of”. Je l’ai longtemps fait seul, mais aujourd’hui je n’ai plus le temps.
Que penses-tu de la loi numérique qui est passée au Sénat il y a peu et qui cadre les compétitions d’eSport ?
C’est très positif que la loi nous reconnaisse. Nous ne sommes plus considérés comme des marginaux. C’est une avancée importante parce qu’à l’heure actuelle, quand tu gagnes des sous en lan c’est très difficile de savoir ce que tu dois en faire. C’est positif que l’Etat essaie d’encadrer la chose. Après, reste à voir si ils vont essayer de développer le milieu dans le bons sens ou s’ils s’impliquent uniquement pour taxer les revenus des joueurs professionnels. J’espère que l’idée derrière cette loi est de permettre le développement de plus en plus d’événements, de faire que les compétitions eSport ne soient plus considérées comme des réunions de geeks mais plutôt comme des événements culturels. Il y a vraiment une inquiétude de la part des gamers : est-ce que cela va devenir plus compliqué d’organiser des compétitions si l’Etat commence à s’en mêler ?
Pour plus d’informations sur la loi numérique et son impact dans les compétitions e-sportives, lisez notre article à ce sujet.
As-tu des projets pour l’avenir ?
Pas tant que ça pour l’instant, j’essaie de garder la tête sur les épaules. Je fais quelque chose qui me plait et c’est excitant… On ne peut pas savoir ce qui va arriver ! Dans cinq ans je serais peut être encore en train de streamer sur League of Legends ou un autre jeu. Ça marchera peut être encore mieux. Mais je sais très bien qu’à un moment, je lasserai les gens. Cela peut arriver dans six mois, un, deux ans. Et c’est possible que je ne puisse plus en vivre. En tout cas, ça aura été une super belle aventure et je continuerai de streamer par plaisir. A terme je souhaiterais lier ma passion avec mes études en m’orientant dans le marketing eSport et dans les relations marques/personnalités. Et puis, si ça marche pas du tout pour moi, je devrai arrêter, reprendre une activité normale et vivre l’eSport comme une passion, un “hobby”.
Pour en savoir plus sur Domingo, vous pouvez retrouver un bout de son étonnant parcours dans le documentaire Level Up qui suit, réalisé par PayPal.
Puis le retrouver sur sa chaîne Twitch et sur Twitter.
– Petit dictionnaire du parfait streamer –
– Lan (Local Area Network) : Evénement organisé qui rassemble des joueurs. Dans l’eSport, les lans prennent le plus souvent la forme de tournois sur un ou plusieurs jeux vidéo.
– Streamer : terme adapté de l’anglais, à la fois nom commun ou verbe. Désigne la personne ou l’action de diffuser un flux vidéo en direct sur Internet. Sur la plateforme Twitch, les “streamers” diffusent leurs parties sur des jeux vidéo.
– Caster : terme adapté de l’anglais qui signifie “commenter”. Il est très utilisé par les streamers notamment pendant les grandes compétitions de jeux vidéo retransmises en stream et pour lesquelles ils doivent commenter des parties. On parle aussi d’un “caster” (un commentateur).
– Opération spéciale (vous entendrez le plus souvent parler “d’opé. spé.”) : Campagne de publicité qui prend la forme d’un événement et qui sort des supports de diffusion habituels. Dans le milieu du streaming et de l’eSport, elle peut prendre la forme d’un marathon diffusé en direct sur un jeu en particulier, d’une lan entre streamers et youtubers pour s’affronter sur une nouvelle console ou même d’un voyage sponsorisé.
– Scène : dans le vocabulaire du “streaming”, une scène est un ensemble d’images, de flux vidéo ou de textes qui s’affichent en direct et qui ont été placés et répartis par le “streamer” à partir de son logiciel de streaming. Pour exemple, on peut citer la caméra du joueur, l’affichage des dons, des musiques ou des informations multiples. Le streamer change de scène lorsqu’il joue à un autre jeu ou qu’il souhaite mettre en avant sa caméra (moments de discussion).
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