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[Panama Papers] Le lanceur d’alerte publie son manifeste : « La révolution sera numérique »

Il est celui par qui le scandale est arrivé. John Doe, le lanceur d’alerte à l’origine des Panama Papers, publie son manifeste dans lequel il présage…

Il est celui par qui le scandale est arrivé. John Doe, le lanceur d’alerte à l’origine des Panama Papers, publie son manifeste dans lequel il présage que dans un monde marqué par l’inégalité des revenus, la prochaine révolution sera numérique. Il se dit prêt à coopérer avec les autorités, si elles lui accordent l’immunité.

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Ils s’appellent Chelsea Manning, Antoine Deltour, Edward Snowden ou encore Hervé Falciani, Jeffrey Sterling mais aussi John Kiriakou, Thomas Drake et Jesselyn Radack. Eux, ce sont des lanceurs d’alerte qui, par leurs révélations, ont contribué à faire bouger les lignes du monde du renseignement, de la politique et des affaires.

Aujourd’hui, il y a John Doe, lanceur d’alerte anonyme à l’origine des Panama Papers, mettant en lumière un vaste système d’évasion fiscale à l’échelle planétaire bénéficiant aussi bien à des politiques, chefs d’État, banques qu’à des personnalités ou des hommes d’affaires.

Celui qui se nomme John Doe (nom couramment utilisé pour désigner une personne non identifiée) a transmis au journal allemand Süddeutsche Zeitung un manifeste expliquant les raisons qui l’ont poussé à leaker les 11,5 millions de fichiers des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, et dont les données sont rendues publiques aujourd’hui à 14h sur https://offshoreleaks.icij.org/

En voici une traduction publiée par Le Monde.

L’inégalité des revenus est un des marqueurs de notre époque. Elle nous affecte tous, partout dans le monde. Le débat sur son accélération soudaine fait rage depuis des années, les politiques, les universitaires et les activistes étant incapables d’interrompre sa progression malgré d’innombrable discours et analyses statistiques, quelques faibles contestations et d’occasionnels reportages. Pourtant, des questions restent en suspens : pourquoi ? Et pourquoi maintenant ?

Les « Panama papers » fournissent une réponse convaincante à ces questions : une corruption massive et généralisée. Et ce n’est pas une coïncidence si cette réponse nous vient d’un cabinet d’avocats. Plus qu’un simple rouage dans la machine de la « gestion de fortune », Mossack Fonseca a usé de son influence pour écrire et tordre les lois partout dans le monde en faveur d’intérêts criminels pendant plusieurs décennies. En témoigne l’exemple de l’île de Nuie, un paradis fiscal que le cabinet a tout bonnement régi du début à la fin. Ramon Fonseca et Jürgen Mossack voudraient nous faire croire que leurs sociétés-écrans, aussi appelés « véhicules ad hoc de titrisations » [Special purpose vehicles] sont semblables à des voitures. Mais les vendeurs de voitures d’occasion ne font pas les lois. Et le seul but ad hoc des véhicules qu’ils ont monté était trop souvent frauduleux, et à grande échelle.

Les sociétés-écrans sont souvent utilisées pour de l’évasion fiscale, mais les « Panama papers » montrent sans l’ombre d’un doute que, bien qu’elles ne soient pas par définition illégales, ces structures sont associées à une large palette de crimes qui vont au-delà de l’évasion fiscale. J’ai décidé de dénoncer Mossack Fonseca parce que j’ai pensé que ses fondateurs, employés et clients, avaient à répondre de leur rôle dans ces crimes, dont seuls quelques-uns ont été révélés jusqu’à maintenant. Il faudra des années, peut-être des décennies, pour que l’ampleur réelle des actes ignobles de ce cabinet soit dévoilée.

Entre-temps, un débat international a démarré, ce qui est encourageant. À l’inverse de la rhétorique polie de jadis qui évitait soigneusement de suggérer de quelconques irrégularités commises par nos élites, ce débat se concentre sur ce qui importe vraiment.

À cet égard, j’ai quelques réflexions à partager.

Que ce soit clair : je ne travaille ni n’ai jamais travaillé pour un gouvernement ou un service de renseignement, ni directement ni en tant que consultant. Mon point de vue est personnel, tout autant que ma décision de partager les documents avec la Süddeutsche Zeitung et le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), non pas dans un dessein politique, mais simplement parce que j’ai suffisamment compris leur teneur pour me rendre compte de l’ampleur des injustices qu’ils dépeignaient.

Le discours médiatique dominant s’est, jusqu’à présent, focalisé sur ce qui est légal et autorisé dans ce système. Ce qui est autorisé est effectivement scandaleux et doit être changé. Mais il ne faut pas perdre de vue un autre aspect important : le cabinet d’avocats, ses fondateurs et ses employés ont violé une infinité de lois, en toute connaissance de cause et de manière répétée. Publiquement, ils plaident l’ignorance, mais les documents signalent une connaissance approfondie et une transgression délibérée. À tout le moins, nous savons déjà que Mossack s’est personnellement rendu coupable de parjure devant une cour fédérale du Nevada, et nous savons aussi que son équipe informatique a essayé de camoufler ses mensonges sous-jacents. Ils devraient tous être poursuivis en conséquence, sans traitement spécial.

En fin de compte, des milliers de poursuites pourraient découler des « Panama papers », si seulement les autorités judiciaires pouvaient accéder aux documents et les évaluer. L’ICIJ et ses partenaires ont à juste titre déclaré qu’ils ne pouvaient les fournir aux administrations compétentes. Cependant, je serais prêt à coopérer avec les autorités dans la mesure de mes moyens.

Ceci étant dit, j’ai observé les uns après les autres les lanceurs d’alerte et les activistes voir leur vie détruite après avoir contribué à mettre en lumière d’évidentes malversations, aux États-Unis comme en Europe. Edward Snowden est bloqué à Moscou, exilé par la décision du gouvernement d’Obama de le poursuivre en justice à la faveur de la loi sur l’espionnage (« Espionage Act »). Pour ses révélations sur la NSA, il mérite d’être accueilli en héros et de recevoir un prix important, pas d’être banni.

Bradley Birkenfeld a obtenu des millions pour ses informations sur la banque suisse UBS – mais le Département de la justice américain lui dans le même temps infligé une peine de prison.

Antoine Deltour est actuellement en procès pour avoir fourni des informations à des journalistes sur la façon dont le Luxembourg signait en secret des accords fiscaux de complaisance avec des multinationales, volant tout bonnement aux États voisins des milliards en revenus fiscaux. Et il y a bien d’autres exemples encore.

Les lanceurs d’alerte légitimes qui mettent au jour d’incontestables malversations, qu’ils agissent de l’intérieur ou de l’extérieur du système, méritent l’immunité contre les représailles gouvernementales, un point c’est tout. Tant que les gouvernements n’auront pas mis en place des protections juridiques pour les lanceurs d’alerte, les autorités dépendront de leurs propres ressources ou du travail des médias pour accéder aux documents.

En attendant, j’appelle la Commission européenne, le parlement britannique, le Congrès américain et toutes les nations à adopter les mesures qui s’imposent non seulement pour protéger les lanceurs d’alerte, mais aussi pour mettre un terme aux abus mondialisés des registres du commerce.

Au sein de l’Union européenne, le registre du commerce de chaque État membre devrait être librement accessible et comporter des données détaillées sur les bénéficiaires économiques finaux des sociétés. Le Royaume-Uni peut être fier de ses initiatives, mais a encore un rôle crucial à jouer en mettant fin au secret financier sur ses territoires insulaires [comme les îles Vierges britanniques, Jersey ou Guernesey], qui sont incontestablement la pierre angulaire de la corruption institutionnelle à travers le monde. Les États-Unis ne peuvent plus faire confiance à leurs 50 États pour prendre des décisions éclairées sur les données de leurs entreprises. Il est plus que temps pour le Congrès d’entrer en jeu et d’imposer la transparence en fixant des standards pour la divulgation et l’accès public à ces informations.

C’est une chose de louer les vertus de la transparence gouvernementale lors de sommets et dans les médias, mais c’en est une autre de la mettre en œuvre effectivement. C’est un secret de polichinelle qu’aux États-Unis, les élus passent la majorité de leur temps à lever des fonds. Le problème de l’évasion fiscale ne pourra être réglé tant que les officiels élus dépendront de l’argent des élites qui ont le plus de raisons de vouloir échapper à l’impôt. Ces pratiques politiques iniques sont arrivées à la fin d’un cycle et elles sont irréconciliables. La réforme du système déficient des financements de campagnes électorales américaines ne peut plus attendre.

Bien entendu, ce ne sont clairement pas les seuls problèmes qu’il faut régler. Le premier ministre néo-zélandais, John Key, a été étonnamment silencieux sur le rôle actif joué par son pays pour faire des îles Cook La Mecque de la fraude fiscale. En Grande-Bretagne, les conservateurs n’ont eu aucune honte à cacher leurs liens avec des sociétés offshore.

Dans le même temps, la directrice du Réseau de répression des crimes financiers du département du Trésor des États-Unis vient d’annoncer son départ pour HSBC, l’une des banques les plus connues de la planète (dont le siège, au passage, se trouve à Londres).

Ainsi, le bruissement familier des portes tambours [« revolving doors », c’est à dire les allers et retours de personnel entre les organismes de régulation et l’industrie] résonne-t-il dans le silence mondial assourdissant de milliers de bénéficiaires finaux encore inconnus, qui prient certainement pour que son remplaçant soit tout aussi lâche. Face à la couardise des politiques, il est tentant de céder au défaitisme, de dire que le statu quo reste fondamentalement inchangé, alors que les « Panama papers » sont le symptôme évident de la décadence morale de notre société.

Mais le problème est enfin sur la table, et il n’est pas étonnant que le changement prenne du temps. Pendant 50 ans, les branches exécutive, législative et judiciaire du pouvoir à travers le monde ont totalement échoué à soigner les métastases des paradis fiscaux surgissant à la surface de la terre. Même aujourd’hui, alors que le Panama veut être connu pour autre chose que des « papiers », son gouvernement n’a convenablement inspecté qu’un seul des chevaux de son manège offshore [le cabinet Mossack Fonseca].

Les banques, les régulateurs financiers et les autorités fiscales ont échoué. Les décisions qui ont été prises ont ciblé les citoyens aux revenus bas et moyens, en épargnant les plus riches.

Des tribunaux désespérément obsolètes et inefficaces ont échoué. Les juges ont trop souvent cédé aux arguments des riches, dont les avocats – et pas seulement chez Mossack Fonseca – sont parfaitement rodés à respecter la lettre de la loi, mais en mettant tout en œuvre pour en pervertir l’esprit.

Les médias ont échoué. De nombreux groupes d’information sont devenus des caricatures de ce qu’ils étaient, des particuliers milliardaires semblent voir dans la propriété d’un journal un simple hobby, limitant la couverture des sujets graves concernant les plus riches, et le journalisme d’investigation sérieux manque de financements.

La conséquence est réelle : en plus de la Süddeutsche Zeitung et de l’ICIJ, les rédacteurs en chef de plusieurs titres de presse majeurs ont pu consulter des documents issus des « Panama papers » – même s’ils ont assuré le contraire. Ils ont choisi de ne pas les exploiter. La triste vérité est qu’aucun des médias les plus importants et compétents du monde n’a montré de l’intérêt pour cette histoire. Même Wikileaks n’a pas donné suite à de multiples sollicitations par le biais de son formulaire de signalement.

Mais c’est avant tout la profession juridique qui a échoué. La gouvernance démocratique repose sur des individus responsables partout dans le système qui comprennent et respectent la loi, plutôt que de la comprendre pour l’exploiter. Les avocats ont globalement atteint un tel niveau de corruption qu’il est impératif que des changements majeurs interviennent dans la profession, bien au-delà des timides propositions qui sont actuellement proposées.

Pour commencer, l’expression « déontologie juridique », sur laquelle sont basés les codes de conduite et les permis d’exercer, est devenue un oxymore. Mossack Fonseca ne travaillait pas seule : malgré des amendes répétées et des violations de régulations étayées, elle a trouvé dans presque chaque pays du monde des alliés et des clients auprès de cabinets d’avocats de premier plan.

Si les preuves du bouleversement de l’économie de cette industrie n’étaient pas suffisantes, il est désormais impossible de nier le fait que les avocats ne devraient plus avoir le droit de se réguler entre eux. Cela ne marche simplement pas. Ceux qui ont les moyens financiers peuvent toujours trouver un avocat pour servir leurs desseins, que cela soit Mossack Fonseca ou un autre cabinet inconnu. Qu’en est-il du reste de la société ?

La conséquence collective de ces échecs est l’érosion totale des standards déontologiques, menant en fin de compte à un nouveau système que nous appelons toujours capitalisme, mais qui se rapproche davantage d’un esclavage économique. Dans ce système – notre système – les esclaves n’ont aucune idée de leur propre statut ni de celui de leurs maîtres, qui évoluent dans un monde à part où les chaînes invisibles sont soigneusement dissimulées au milieu de pages et de pages de jargon juridique inaccessible.

L’ampleur terrifiante du tort que cela cause au monde devrait tous nous faire ouvrir les yeux. Mais qu’il faille attendre qu’un lanceur d’alerte tire la sonnette d’alarme est encore plus inquiétant. Cela montre que les contrôles démocratiques ont échoué, que l’effondrement est systémique, et qu’une violente instabilité nous guette au coin de la rue. L’heure est donc venue d’une action véritable, et cela commence par des questions.

Les historiens peuvent aisément raconter comment des problèmes d’imposition et de déséquilibre des pouvoirs ont, par le passé, mené à des révolutions. La force militaire était alors nécessaire pour soumettre le peuple, alors qu’aujourd’hui,restreindre l’accès à l’information est tout aussi efficace – voire plus –, car cet acte est souvent invisible. Pourtant, nous vivons dans une époque de stockage numérique peu coûteux et illimité et de connexion Internet rapide qui transcende les frontières nationales. Il faut peu de choses pour en tirer les conclusions : du début à la fin, de sa genèse à sa diffusion médiatique globale, la prochaine révolution sera numérique.

Ou peut-être a-t-elle déjà commencé.

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13 commentaires
    1. L’intelligence même de la société se résume superbement bien dans ton intervention et dans ton commentaire…comme d’habitude..Au lieu de lire les articles et sujet qui dépasse de très loin ton intelligence et visiblement ta compréhension, continue donc à commenter des sujets portant sur tes “Windows Phone / 10, etc..”, ton super amant Idris Elba qui devrait être le seul acteur de l’univers, et j’en passe….C’est juste ça que tu sais faire de toute façon….

      1. je sais aussi te répondre par un “va te faire foutre” également 🙂
        tu vois je ne suis pas aussi limité que ça.

        Sinon pour aller plus profondément (dans ton fion) (quelle belle rime) fermer la parenthèse, quand je vois que c’est un article venant de Le Monde, je sais déjà que c’est un article biaisé pour ceux qui n’ont rien dans le cerveau (mais qui pensent qu’ils en ont plus gros que les autres), ceux là même qui se sont mis à la mode du tout “anti-capitaliste”, “anti-mondialiste”, “anti-gouvernement”, les parano du complot machin-chose, bref on retrouve les mêmes qui sont constamment dans la rue, qui sont éternellement resté dans leur rêves pour les uns anarchistes, pour les autres post soixante-huitards, qui parlent d’égalité, de distribution de richesses, de lutte des classes. En somme des inadaptés sociaux et économiques, qui s’inventent des ennemis à abattre : la finance, le méchant patron voyou esclavagiste, le gouvernement et ses pseudo-complots, qui s’attaquent à la démocratie, parce qu’elle en correspond pas à vos attentes, ce que vous souhaitez plutôt dans vos utopies c’est une perpétuelle révolution à la 1917. Et l’Histoire sait ce qui en découla de ces révolutions populaires. Mais ça c’est trop difficile à comprendre pour des gens sans cerveaux.

        1. je pense plus tot que c’est la médiocrité de ton cerveau le probleme, l’insignifiance de ta vie que tu justifie par de la discrimination anti asiatique au lieu de remettre en question ton faible intellecte et capacité de penser ainsi que d’analyse, tu vie dans une mediocratie qui te va si bien et ta haine de l’autre ne détruira que la vermine d’etre humain que tu représente.

  1. Je ne suis pas d’accord avec certains commentaires râleurs (qui trouvent le temps de poster un commentaire juste pour dire que l’article ne sert à rien, en espérant que quelqu’un trouvera le temps de poster que leur commentaire ne sert à rien). Cet article est intéressant en plus d’être très bien écrit.
    Il y a une réelle nécessité de débattre sur les lanceurs d’alerte. Je trouve ça anormal de les poursuivre alors qu’au final l’intention de certains est de révéler des arnaques d’ampleur mondiale. Certes, on ne peut pas toujours tout révéler mais quand il y a des révélations de l’ampleur de Panama Papers, je trouve ça incroyable de passer la majorité du temps à attaquer celui qui a lancé l’alerte…

    1. C’est Élodie donc c’est forcément bien écrit et toujours très intéressant à lire mais venant de sa part je m’attend à mieux que le copié-collé d’un pavé (Bien qu’il soit difficile éffectivement de faire plus complet que ça) je trouve juste que cet article c’est du vent.

  2. Toujours les mêmes râleurs et leur opinion bas de plafond …

    Merci Elodie pour l’article. Je n’avais pas lu le manifeste encore. J’ai malgré tout l’impression que l’on pisse dans un violon au vue des lois votées sur les lanceurs d’alertes et du projet de directive relative au secret des affaires,

  3. J’ai le sentiment que si tous les chefs d’états se préoccupent tant de “sécurité”, c’est-à-dire de surveillance et d’espionnage à grande échelle, c’est justement parce qu’ils ont peur de voir toutes leurs magouilles révélées et de voir leur “système” libéral s’effondrer.
    Outre le désastre auquel seraient confrontées les “élites” fortunées ils auraient probablement tout à redouter pour leur peau.

    On comprend alors qu’ils n’ont pas très envie de protéger les lanceurs d’alertes.

  4. Bravo à lui, qui a osé défendre nos intérêts, ceux de nous tous.Ces mecs méritent une médaille

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