Coup de théâtre à la veille de l’audience devant arbitrer le litige entre Apple et le FBI autour du chiffrement. Après des semaines de bataille acharnée, de tirs croisés par médias interposés, le FBI renonce. Ou presque.
À la dernière minute, ce lundi 21 mars, le Département de la Justice (DOJ) a demandé la suspension de la procédure en cours exigeant l’aide d’Apple pour accéder aux données chiffrées de l’iPhone du terroriste de San Bernardino, Syed Farook.
Le FBI n’a pas besoin de l’aide de la firme pour déchiffrer ces données, mais pour contourner la sécurité de son système d’exploitation qui prévoit la suppression définitive des données du téléphone après une dizaine de tentatives infructueuses pour percer le code du téléphone.
Pour Apple, cet outil s’apparente à une backdoor , ce qui affaiblirait le chiffrement et la sécurité de ses téléphones, mais aussi potentiellement la vie privée de millions d’utilisateurs. La boite de Pandore doit rester fermée, auquel cas, cela créerait « un précédent juridique ayant pour conséquence d’étendre les pouvoirs de gouvernement ». Du côté du FBI on brandit la sécurité nationale et accuse Apple de se faire de la publicité avec cette affaire.
Désormais, le FBI entend se passer d’Apple, du moins jusqu’au 5 avril. Le temps de tester la « viabilité » de la nouvelle méthode présentée il y a peu par un hacker anonyme, un rapport d’évaluation sera ensuite remis à la juge Sheri Pym.
Here’s DOJ comment on the motion to vacate in #AppleVsFBI pic.twitter.com/uJTnJmmfgp
— John Paczkowski (@JohnPaczkowski) 21 mars 2016
Tout en assurant « poursuivre ses efforts pour accéder au téléphone sans l’assistance d’Apple », le DOJ assure qu’« une tierce partie a démontré au FBI le weekend en dernier une méthode possible pour débloquer le téléphone. Nous devons d’abord tester cette méthode pour nous assurer qu’elle ne détruit pas les données dans le téléphone, mais nous sommes raisonnablement optimistes ». Le DOJ demande donc du temps pour éprouver cette option.
Apple vs. FBI – DOJ Motion to Vacate by CNET News
Une question se pose désormais : pourquoi explorer cette méthode apparue il y a peu, quand de nombreux experts prétendaient que plusieurs alternatives s’offraient déjà au FBI. Edward Snowden avait d’ailleurs abondé en ce sens lors d’une vidéoconférence. « Le FBI dit qu’Apple a des moyens techniques exclusifs pour déverrouiller un iPhone. Avec tout mon respect… C’est des conneries », avait-il lancé.
Every credible expert knew there were alternative means. That #FBI went so far on so little demonstrated a disregard of facts: bad faith.
— Edward Snowden (@Snowden) 22 mars 2016
Dans les premiers jours de l’affaire, le FBI assurait quant à lui que la firme était la seule à même de pouvoir les aider. Était-ce un coup de pression de la part du gouvernement pour faire plier Apple et les entreprises high-tech à l’avenir ? D’aucuns pensent que le FBI cherchait surtout un moyen de se faciliter la tache à l’avenir et/ou éviter un camouflet judiciaire, après la décision rendue il y a peu par un juge new-yorkais donnant raison à Apple. Par ailleurs, la loi CALEA (Communications Assistance for Law Enforcement Act) adoptée il y a 20 ans (1994) n’autorise aucunement le gouvernement à exiger des configuration spécifiques aux constructeurs pour faciliter les écoutes, elle reconnait même explicitement le droit des entreprises à proposer des services de chiffrement sans backdoor possible.
Quoiqu’il en soit le FBI étudie désormais une autre option… qui ne fait pas les affaires d’Apple. La firme souhaitant désormais connaitre l’identité et la méthode présentée par la « tierce partie ». Ce que le Département de la Justice se fera un plaisir, à son tour, de refuser. Laissant ainsi planer le doute sur la sécurité effective des terminaux de Cupertino, notamment en cas d’abandon de la procédure.
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A vrai dire je trouve très inquiétant qu’il n’y est pas d’entente et de stratégie commune entre les services de sécurité US.
Le FBI représente l’état de droit et le gouvernement “officiel”, ce n’est dans le fond que la police, tandis que la CIA n’est pas, et ne doit pas, être dans l’état de droit.
Evidemment que la CIA ou la NSA a les moyens de débloquer un iphone, mais ces renseignements servent à la sécurité de l’état et ne peuvent être utilisés dans un procès. Ils pourraient à la rigueur être partagés, mais en toute discrétion, avec le FBI.
Ce système à deux vitesses permet de faire croire aux pays de “l’axe du mal” que les iphones sont sécurisés, tout en protégeant le citoyen lambda de l’utilisation de ces renseignement dans le cadre d’un procès.
Cette hypocrisie démocratique permet de protéger tout en se défendant. Et cette séparation état de droit / services secrets est la seule clef qui permet de faire durer un système démocratique.
Ici le FBI détruit tout le système en déclarant avoir les moyens de tout déplomber.
Oui pour que l’état puisse tout écouter, non pour qu’il puisse l’utiliser légalement. C’est une différence subtile, mais c’est la seule chose qui nous protège des dictatures – et en même temps qui nous empêche d’en devenir une.
Trés bon article #Elodie, bien écrit, plaisant à lire et les sources sont omniprésentes.merci
Coup de théâtre ?
Non, mais sérieusement. Comment pouvait-on croire que le FBI n’avait pas les moyens de déverrouiller un iPhone ?