Le Parlement européen entre dans la lutte contre la radicalisation et le recrutement en ligne de futurs candidats au djihad par l’organisation État islamique (OEI). Pour cela les députés entendent s’attaquer à la propagande djihadiste sur internet, notamment en engageant la « responsabilité pénale des géants du Net ».
C’est la portée de la résolution adoptée ce mercredi 25 novembre par le Parlement européen sis à Strasbourg.
« Internet est devenu le premier camp d’entraînement virtuel de ces terroristes radicaux à coups de vidéos et de sites quasi hollywoodiens incitant à la haine, à la barbarie, au terrorisme et au crime », estime ainsi le rapporteur du texte, l’eurodéputé française Rachida Dati, ancienne ministre de la Justice sous la présidence Sarkozy.
Comment s’y prendre ? Les députés européens préconisent aux États membres d’engager des « poursuites pénales » contre les entreprises du Net (high tech et réseaux sociaux) et les FAI qui « refusent de donner suite à une demande administrative [gouvernement, ndlr] ou judiciaire [justice, ndlr] visant à effacer des contenus illicites ou faisant l’apologie du terrorisme ». Un tel refus s’apparente à un « acte de complicité » pour les députés.
Au même titre que la résolution Snowden, le Parlement européen a voté une résolution non contraignante sur la prévention de la radicalisation. Celle-ci préconise également d’autres mesures relatives aux prisons, à l’établissement d’une liste noire européenne des djihadistes et des terroristes présumés, mais aussi à l’obtention d’un accord concernant le délicat sujet du PNR (Passenger Name Record).
Peu après les attentats perpétrés en janvier dernier contre la rédaction de Charlie Hebdo et l’Hyper Casher de la Porte de Vincennes, le gouvernement opérait un tour de vis sur Internet, coupable d’être un lieu de radicalisation pour les jeunes et d’héberger des contenus haineux et violents disponibles en libre accès.
Dans la foulée, le décret sur le blocage administratif (c’est-à-dire sans autorisation préalable de l’autorité judiciaire) des sites internet « provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie » était présenté.
Prévu avant les attentats pour venir renforcer les dispositifs de la loi antiterroriste du 13 novembre 2014, le décret devait faire l’objet d’un avis de la Commission européenne et des États membres au regard des mesures touchant la société de l’information.
Dans sa notification envoyée au lendemain des attentats, le gouvernement prétextait alors une « accélération des phénomènes constatés de radicalisation par l’usage d’internet ».
Une idée défendue par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve qui estimait que « 90 % de ceux qui basculent dans le terrorisme basculent par le biais d’Internet » (chiffre sorti d’un rapport d’études du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam établi… sur 160 familles).
En campagne contre « l’embrigadement terroriste », le ministre de l’Intérieur se rend alors à Washington pour le premier sommet mondial contre le terroriste et plaide sa cause : au niveau international pour « une meilleure coordination dans la lutte contre la propagande et le recrutement terroristes sur Internet », qui doit passer par une meilleure harmonisation des « législations en matière de retrait des contenus illégaux », mais aussi auprès des géants du web (Apple, Facebook, Microsoft, Google et Twitter) à qui il propose un « vrai deal » pour s’assurer de leur pleine coopération et vigilance, plaidant ainsi pour une « responsabilité partagée ».
Une lutte qui trouve aujourd’hui un écho au sein même du Parlement européen.
Mais qui risque d’être difficile à entendre pour les géants du web. Si Twitter et Facebook répondent désormais assez facilement aux différentes requêtes gouvernementales de suppression de contenus, YouTube et Google ont toujours défendu le fait d’héberger des contenus sans être tenu – totalement – responsables de ce qu’ils renferment.
Récemment encore, la firme de Mountain View a défendu son statut d’hébergeur auprès de Xavier Bertrand qui dénonçait « l’imam Google » :
« Il y a l’imam Google. Un certain nombre de jeunes aujourd’hui, avant même d’aller dans les mosquées… C’est sur Internet qu’ils trouvent les moyens de se radicaliser. Il est temps que ces multinationales présentes sur notre territoire (…) archi milliardaires, qui ne payent pas d’impôts, se sentent aussi mobilisées », fustigeait-il alors.
Un statut d’hébergeur plusieurs fois conforté par la justice, notamment en février 2015 par le TGI de Paris.
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