En vrai, le deuxième jour, c’est le seul vrai jour de l’E3. Car c’est le jour qui commence le plus tôt et celui qui finit le plus tard. Et vous savez quoi ? Je pète grave le feu en vous écrivant ce rapport ! Et ce n’est que la troisième fois que je m’endors comme une masse, face contre le clavier, avec de la bave sur la barre espace et le mot « AZERTY » écrit distinctement sur mon front.
Parce que c’est vrai qu’hier je me la pétais, là, avec ma crinière et mes lunettes, mais je peux vous dire qu’aujourd’hui, à l’issue de cette journée, je n’en menais pas large. Celle-ci avait d’ailleurs particulièrement bien commencé quand quelqu’un a déclenché l’alarme incendie, de très bon matin, dans mon hôtel. Chouette ! Adrénaline rush ! Woo !
Bref, c’est l’E3 dans les chaussettes, hauts les cœurs et tension basse ainsi qu’une ouverture de ce deuxième jour avec mon regard d’expert sur Uncharted 4.
Je n’ai fait aucun Uncharted.
« – Vous avez déjà joué à Uncharted ?
– Évidemment. »
Ça, c’est juste parce que je n’ai pas envie de passer pour un gland et qu’on vienne m’expliquer des trucs évidents comme le fait que Nathan Drake soit le rip-off de Benjamin Gates qui est lui-même le rip-off d’Indiana Jones. D’autant que je me sens particulièrement eu quand je m’aperçois qu’on me montre le même passage que lors de la conférence Sony. Ce qui relève d’un intérêt limité, vous en conviendrez.
Sauf que non. J’étais mauvaise langue dans ma tête et ces sacripants de chez Naughty Dog ont continué de jouer après ce qui représentait la fin de la démo d’il y a deux jours. Ouf. La presse sert donc encore à quelque chose. Et je peux vous dire que cette longue course poursuite dans laquelle est impliquée Drake est au moins deux fois plus longue que ce que vous avez vu.
Le pauvre protagoniste se voit traîné dans la boue, s’accrochant à une corde reliée à une jeep. Il se fait tirer dessus, réplique dans les pires conditions pour viser du monde. Ça tire, ça explose, ça vanne, ça n’arrête jamais, Drake est increvable et se la joue Tintin façon Steven Spielberg. Et force est de constater que ça marche, que c’est drôle et maîtrisé. Toujours dans la démesure, les scripts sont réglés au millimètre et on évolue sans temps morts dans ce qui pourrait être un très bon film d’action au cinéma.
Voyant mes cernes qui commencent à se deviner derrière mes montures pourtant très larges, les responsables de Sony Europe prennent pitié et m’offrent une bouteille d’eau minérale issue de la plus belle source naturelle de la firme qui, apparemment, s’est lancée récemment dans ce business. Je transfère donc ce truc gratuit dans un autre truc gratuit récupéré la veille.
Et pendant ce temps, les gens comprennent où est leur intérêt.
Trêve d’histoires d’eau, j’ai rendez-vous avec le turfu. Et le turfu, il s’appelle Crytek, et sa simulation en réalité virtuelle sur l’Oculus Rift Crescent Bay. L’équivalent du DK3, quoi. Et c’est là que je me suis dit que c’était une belle occasion de faire une sieste puisque personne ne verrait que je ferme les yeux derrière l’engin qu’ils vont me poser sur la tête. Mon plan était infaillible, sauf que le casque vient avec sa paire d’écouteurs et que le nom de la démo est : Back to Dinosaur Island. Et je peux vous assurer que le braillement des ptéranodons pour dormir, ce n’est pas le top du top des vedettes.
Bref, on me donne une manette et mon personnage, en train d’escalader une falaise, doit s’accrocher à une barre avec ses deux mains, chacune représentée par une gâchette. Je dois donc toujours garder au moins une gâchette enfoncée pour ne pas tomber. Relâchée, on dirige la main avec le regard et, comme attendu, c’était particulièrement bien géré dans le cas présent. Pas de cinétose et éventuellement un torticolis à la fin de la démo, car comme on fait de la grimpette, on regarde le plus souvent vers le ciel. On doit même éviter d’un mouvement de tête rapide les rochers que le gentil dinosaure tout en haut vous balance sur la tronche. Bonne ambiance.
À deux doigts d’enfiler un collier cervical, je me dirige d’un pas mou vers la citadelle assiégée de Nintendo. Ouuuh, que ça chauffe chez Nintendo. La population a sorti la fourche et les torches, car on est pas très contents des annonces et on est surtout pas très contents de Metroid Prime : Federation Force. Il y a même une pétition de gens qui veulent voir le jeu annulé. Ben tiens. « Qu’est-ce qu’on a pris hier », me dit-on, penaud, sur le stand. On est en tout cas conscient du mécontentement chez Big N et on fait le dos rond. Même Iwata a annoncé sur Twitter avoir pris acte de la mauvaise réception des annonces d’hier, pour vous dire.
Mais bon, avec tout ça, j’ai pu mettre la main sur un nombre conséquent de jeux. Ainsi, Star Fox Zero n’est pas complètement aussi moche que dans le Digital Event, mais de là à dire qu’il est agréable à l’œil, il y a un pas que je ne franchirai pas. Mario Tennis est singulièrement épuré. C’est assez fou pour un jeu de la série et ce n’est pas désagréable. J’ai retrouvé les sensations de Four Swords Adventures avec Triforce Heroes, ce qui est peut-être le meilleur compliment que je puisse faire à un jeu co-op de ce type. Chaque minute passée avec Mario Maker justifie la hype que je me fais de ce jeu. Mario et Luigi : Paper Jam a l’air aussi solide que n’importe quel Mario et Luigi, outre le fait qu’il sera difficile à expliquer au béotien qu’il s’agit d’un cross-over entre Mario et… Mario. Quant au mini-jeu Metroid Prime: Blast Ball censé accompagner Federation Force, soyons clair et net, c’est moche et peu amusant pour le moment.
Bon par contre, je dois bien avouer que j’ai joué à plus de jeux en une session chez Nintendo qu’en une journée de salon la veille. Et même s’il fallait faire un peu de calinothérapie avec les gens de Nintendo France, (« Mais si, il est bien vot’ jeu. », « n’écoutez pas les vilaines personnes sur internet », « vous ferez mieux la prochaine fois ») j’ai passé un bon moment qui m’a fait oublier pendant plusieurs minutes que non seulement je manquais de sommeil, mais en plus je n’avais rien mangé depuis ce matin.
Je suis passé ensuite chez les développeurs du jeu Gigantic, chez Microsoft. Ils avaient un canapé. À sa vue, j’ai failli m’évanouir. À la place, on nous a fait monter à l’étage pour qu’ils présentent une partie de leur jeu. Et la première impression, c’est « wow, la DA, elle envoie du bois quand même ». On dirait que c’est peint à l’écran, les couleurs sont vives et le tout est malgré tout très doux. Une vraie réussite à ce niveau-là. Ce qui est moins une réussite, c’est comment l’équipe a amené son jeu. Dans les faits, deux équipes de 4 personnes tentent de réveiller son monstre le premier pour mettre une baffe à l’autre. Pour cela, on fait des kills en vue TPS, on gagne de points de contrôle, ce qui fait monter une barre qui, quand elle est remplie, permet au « gardien » (puisque c’est son nom) d’attaquer. Une fois que la baffe est délivrée, c’est à l’équipe d’attaquer directement dans la plaie fraîchement ouverte. S’ils arrivent à lui mettre la barre de vie à 0, c’est une blessure d’infligée. Trois blessures et le gardien tombe. La partie est alors gagnée.
C’est à la fois novateur, intéressant et incompréhensible. À tel point qu’un des journalistes présents s’est levé à un moment donné de la présentation en lançant un « c’est imbuvable votre truc » sec devant les développeurs qui, heureusement, ne comprenaient pas le français. Un peu gêné par la situation, j’ai posé une ou deux questions à ces derniers pour ne pas les laisser seuls à faire leur démo dans leur coin. Mais ça prouve quand même que le concept du jeu mériterait d’être mieux amené.
Sony, encore, ensuite, pour regarder une partie d’Horizon Zero Dawn, le prochain titre de Guerrilla Studios dans lequel des hommes des cavernes chassent des dinosaures robots dans un monde post-post apo. Je commence franchement à m’endormir dès que je pose mon séant sur un objet plus ou moins confortable. Cette démo montrant grosso modo ce qui avait déjà été présenté lors de la conférence Sony, le mini-jeu de cette présentation était donc de garder les yeux ouverts. Bravo quand même à ce membre de l’équipe de développement qui est parvenu à tuer un dinosaure pour que son cadavre s’écrase en équilibre sur une montagne, ce qui l’a fait clipper légèrement à l’intérieur, avec tous les bugs qui s’en suivent.
Fait amusant : « Sorry, you are the first one to experience this. » fait officiellement partie du Top 3 des phrases que j’ai le plus entendues en 2 jours de salon. Malgré ce petit glitch plus amusant que réellement embarrassant, je m’en vais avec une petite impatience d’en savoir plus sur ce jeu qui, ma foi, m’enthousiasme pas mal.
Dernière étape, mais pas la moindre : Devolver Digital. Vous les connaissez forcément puisqu’il s’agit des éditeurs d’Hotline Miami. Les mecs font donc dans l’indé. Et toujours dans l’optique de ne jamais rien faire comme personne, ils décident, chaque année, de s’installer non pas à l’E3, mais sur un parking EN FACE de l’E3, dans des caravanes climatisées. L’avantage, c’est qu’on voit la lumière du jour et qu’on s’y fait offrir des burgers cuisinés devant vous. Le trucs-gratuits-o-mètre s’emballe complètement.
On me fait enchaîner les jeux indés et les burgers pour qu’à un moment donné je ne puisse plus dire non à une présentation.
« – Hey Coco, tu viens ? Je te montre la suite d’un jeu de drague dans lequel tu incarnes une fille qui doit essayer de pécho un pigeon !
– Mais graaaaave ! Balance !
– Yeah ! Vas-y après on va se rechercher un burger. »
Outre le jeu de pigeons, Hatoful Boyfriend : Holiday Star, qui est donc une suite de ce sim-date avec beaucoup de textes et beaucoup de second degré, j’ai pu aller voir, dans le désordre, Eitr, une sorte de Dark Souls en 2D avec des mécaniques inspirées de Diablo. Il a de très bonnes idées et mérite d’être un peu plus fini pour qu’on en parle davantage. Mother Russia Bleeds, un beat them all façon Streets of Rage avec une DA extrêmement inspirée d’Hotline Miami. Shadow Warriors 2 qui est, grosso modo, un Duke Nukem sauce japonaise. Le jeu intégrera un mode co-op ainsi qu’une génération procédurale des niveaux. Et enfin, Crossing Souls, le plus marquant des cinq selon moi, qui narre les aventures un peu glauques d’une bande d’enfants, façon dessin animé des années 90.
Il est tard, je quitte les gens délicieux de Devolver, j’ai mal au dos, j’ai mal aux pieds, il est tard, je me mets à lire les panneaux dans la rue comme si j’étais dans la bande-annonce d’un film américain, les gens me regardent bizarrement dans la rue.
À demain pour ce troisième jour qui n’aura aucun mal à m’achever.
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